Airbus est censé être l'exemple parfait de projet industriel européen, où chaque grand pays a mis ses meilleures entreprises concernées par l'aéronautique pour créer une ligne d'avions de lignes commerciales, pouvant être achetée par toutes les compagnies aériennes au monde. Lorsque l'on dit que les pays développés doivent se concentrer sur l'innovation et la haute technologie pour maintenir leur tissu industriel, on pense au secteur aérien, où l'Europe est à la pointe du progrès, et qui permet de faire rentrer beaucoup de devises étrangères vu le prix de ces engins. Et le modèle était d'autant plus vanté qu'Airbus était passé devant Boeing, le concurrent historique américain. Avec le lancement de l'avion géant A380, EADS devait tenir le produit permettant de regner longtemps sur le marché, en apportant une solution aux aéroports surchargés. Mais depuis un an, ce succès brillant est remis en cause. Aujourd'hui Airbus n'est plus mentionné que pour ses pertes et ses retards.

C'est justement du fait des retards de ce nouveau modèle qu'Airbus connait des difficultés, car ils entrainent des coûts de production supplémentaires, des pénalités, et des ruptures de contrats. Il est assez incroyable en fait qu'une entreprise aussi grande et aussi expérimentée qu'Airbus connaisse de tels problèmes. Ils doivent reposer en bonne partie sur des erreurs de management, et il faut reconnaître qu'Airbus n'est pas une firme tranquille à ce niveau, vu qu'elle connaît les conflits entre directions françaises et allemandes, les guerres de succession comme l'a montré l'affaire Clearstream, et en fait peut sembler trop décentralisée pour que tout soit contrôlé. Mais l'énormité du retard est quand même déconcertante.

La force de l'euro serait un autre facteur aggravant la mauvaise santé d'Airbus. C'est en tous cas ce que disent plusieurs hommes politiques français des deux bords. En fait, il s'agit d'une perspective développée par Louis Gallois, le nouveau dirigeant d'Airbus : l'idée serait d'augmenter la part de l'avion construite en dehors de la zone euro, pour diminuer l'influence de l'euro fort sur le prix. C'est un concept ahurissant, dans la mesure où Airbus a été précisemment fondé pour fournir du travail aux Européens, il est hors de question que cette entreprise soit délocalisable, tout comme accepter qu'il y ait des transferts de production et de technologie aux Chinois pour faciliter la signature du contrat est une mauvaise idée dès le moyen terme.

Actuellement, Airbus doit mieux s'organiser pour sortir de ces difficultés, afin que l'entreprise reparte ensuite sur de bonnes bases et se développe à nouveau. Mais il doit être clairement dit que toutes les étapes de la construction d'un Airbus doivent rester en Europe. Car si les industries de haute technologie doivent aussi disparaitre, nous pouvons tout de suite renoncer à ce que l'Europe reste une force économique importante.