La plupart des candidats à l'élection présidentielle étaient moins d'accord sur un point : l'importance de la recherche pour faire repartir la croissance. Certes, l'effet ne sera pas immédiat : ce sont surtout les innovations qui permettent de créer de nouvelles activités ou de gagner en productivité, et pour les obtenir il faut passer par un long travail qui ne porte ses fruits qu'au bout de plusieurs années la plupart du temps. Mieux financer les universités ou les grands organismes permet d'investir de façon plus importante dans la recherche fondamentale, dont les retombées technologiques sont incertaines, et surtout relèvent d'une vision du long terme. Etant donné qu'on paie aujourd'hui le manque de cette vision lors des années précédentes, la moindre des choses est donc de ne pas répéter les mêmes erreurs, et faire en sorte que la France investisse de façon importante dans la recherche. Cela ne relève pas que du seul secteur public, car si les universités doivent bien être mieux financées, les entreprises ont aussi un rôle à jouer dans l'accroissement de l'effort de recherche et développement. Mais il y a un obstacle qui semble absurde dans l'implication des entreprises pour la découverte d'innovations. Non seulement la recherche en tant que telle apparait comme un poste de dépense d'autant plus douloureux que les résultats ne sont pas immédiats, mais lorsqu'une entreprise réalise une véritable innovation, de nouvelles difficultés apparaissent. Il faut avant tout la protéger : pour rentabiliser l'investissement en recherche fait, il faut que cela représente un avantage concurrentiel pendant une période suffisamment longue. L'Etat doit donc protéger l'innovateur en faisant en sorte qu'il soit le seul à pouvoir se servir de son innovation pendant une période donnée, et ainsi en cueillir les fruits, par son exploitation ou sa revente.

L'Etat doit donc organiser le dépôt et le respect des brevets, pour lier son rôle de gendarme de la concurrence et pour encourager l'innovation, nécessaire à la société. Or le dépôt et le maintien des brevets représente en eux-mêmes des investissements supplémentaires à réaliser alors que l'innovation est complète, se transformant parfois en des gouffres financiers qui encouragent bien peu le dépôt de l'innovation, en pariant sur le fait qu'elle sera peu copiée ou que les pertes liées à cette copie seront faibles, lorsque cela ne décourage pas simplement la recherche d'innovation. Si les frais de préparation sont compréhensibles (pour retranscrire l'innovation dans des termes qui la définissent correctement en cas de problème juridique, et pour qu'elle soit compréhensible d'un point de vue technique), les procédures de dépôt et de maintien sont l'occasion de se voir réclamer un grand nombre de taxes et frais divers réclamés par les organismes régissant cela. Si le brevet a vocation à protéger l'innovation dans plus d'un pays (ce qui est la moindre des choses, lorsque la concurrence est internationale), ces charges sont démultipliées, faisant monter le coût de la (longue) procédure à plusieurs dizaines de milliers d'euros par innovation. Car il est nécessaire alors de faire traduire le brevet dans les langues de tous les pays où l'on souhaite qu'il soit valide. Et cela même dans le cadre du brevet européen. S'il a le mérite d'exister, il reste extrèmement coûteux et fastidieux. Alors il faut imaginer une telle procédure à l'échelle des pays les plus importants au monde...

Autant dire que c'est rédhibitoire pour les petites entreprises, pour que le système soit efficace pour une firme il est souvent nécessaire qu'elle ait un département qui se consacre à la question. D'où une certaine exigence sur la taille de l'entreprise concernée, qui doit aussi avoir une politique d'innovation tellement cruciale qu'elle ne peut se résoudre à courir le risque de copie. C'est le cas du fabriquant d'ustensiles ménagers SEB par exemple, qui met en avant ses fermetures faciles de cocottes minute pour se démarquer de la concurrence étrangère à bas prix. Toujours est-il que cela décourage les très nombreuses petites entreprises de se lancer dans la recherche d'innovations. Alors que l'Etat souhaite relancer la recherche, un bon moyen serait de réduire de façon importante tous ces frais qu'il fait payer à celui qui souhaite faire protéger son innovation pour l'encourager dans sa démarche. De même, au niveau européen, la simplification du brevet européen ressemble à un serpent de mer qu'il serait opportun de faire aboutir. Car si ce n'est pas à l'Etat de s'occuper de toute la recherche, au moins doit-il faire en sorte de ne pas la décourager lorsqu'un organisme privé peut avoir l'envie de s'y lancer.