Auparavant, les taux des livrets d'épargne réglementés étaient fixés par le gouvernement. En conséquence, celui-ci prenait une décision populaire lorsqu'il augmentait leurs taux, et une décision impopulaire lorsqu'il les baissait. Ces dernières années, les taux d'intérêt avaient baissé régulièrement, les gouvernements successifs étaient amenés à baisser le taux d'intérêt du livret A, sur lequel est basé les autres livrets réglementés. Ils ont fini par trouver cela tellement fâcheux qu'une formule mathématique a été mise en place pour déterminer automatiquement, deux fois par an, le taux du livret A, en fonction du taux d'inflation et du taux Euribor, un taux de marché déterminé par la Banque Centrale Européenne. Ces derniers mois, la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt laisser présager une forte hausse du taux du livret A. Au 1er février, celui-ci aurait ainsi du passer de 3% à 4%. Pourtant, l'augmentation n'aura été que d'un demi-point. En effet, François Fillon a décidé de ne pas appliquer la formule, en prétextant de circonstances exceptionnelles. Il se permet tout de même de s'afficher comme celui qui augmente la rémunération du livret A, alors qu'il en a limité l'ampleur. Les circonstances exceptionnelles sont tout simplement la renchérissement du crédit, logique et normale lorsque les taux d'intérêts augmentent.

Le pouvoir a donc voulu se débarasser du mistigri grâce à un mécanisme automatique, mais n'hésite pas à le reprendre quand ça l'arrange. Le message qui est ici passé auprès de la population est qu'il ne faut surtout pas toucher au taux du livret A quand il descend, mais qu'il faut néanmoins en limiter la hausse. A ce jeu là, les épargnants sont certains d'être toujours perdants. Ils peuvent donc avoir légitimement avoir le sentiment que l'on se moque d'eux. Le livret A n'est pourtant pas un instrument d'épargne pour personnes riches qui devraient consommer davantage. Au contraire, il est le compte épargne privilégié de ceux qui ont peu d'économies, mais qui les amassent lentement en prévision de coups durs ou d'investissements. Les revenus issus de l'épargne sont pourtant bien des revenus, et à ce titre, participent au pouvoir d'achat. François Fillon n'aurait pas dû jouer cette comédie autour du livret A. Elle ne rend service à personne, et surtout elle exaspère les Français.

Photo : Réa