Au conseil des ministres de la semaine dernière, le budget qui a été présenté voit les déficits de l'Etat français s'accroître. Le gouvernement considère désormais que la croissance sera faible, aux alentours de 1 % en 2008 et 2009, mais considère que les déficits publics continueront à représenter environ 2,7 % du PIB français. Si l'on atteint déjà ce niveau avec 2 % de croissance, il est difficile de voir comment la stabilité prévaudra en la matière lorsque le déficit de l'Etat augmente et que la croissance est en berne. Les circonstances économiques difficiles nous sont présentées comme la cause de ce relâchement dans la discipline budgétaire, qui était pourtant déjà assez laxiste. Mais alors quand avons nous connu une période de croissance, si c'est autant la crise aujourd'hui ? Si l'objectif est de mener une politique de relance économique keynésienne, c'est raté. Cela fait maintenant 35 ans que les gouvernements successifs tentent cette stratégie, et cela n'a pas fonctionné une seule fois. Cela pourrait être envisageable si la relance était aussi forte que temporaire, mais cela présuppose alors que l'orthodoxie budgétaire règne le reste du temps. Dans le cas de la France, ces tentatives pathétiques se sont transformés en un Etat obèse, suralimenté et peu efficace de façon permanente. Quitte à puiser les ressources dans l'emprunt, donc, et devoir en payer les énormes intérêts sans limite de temps.

La charge de la dette est aujourd'hui le deuxième poste de budget de l'Etat. L'emprunt peut s'envisager lorsqu'il a une fonction d'investissement, c'est-à-dire de dépenser maintenant pour obtenir un gain supérieur par la suite. Aujourd'hui, l'Etat emprunte pour des dépenses de fonctionnement, des dépenses courantes. Ce faisant, il creuse sa tombe quotidiennement. En permettant un Etat providence bien peu efficace (au vu des résultats), la France ne prépare aucunement l'avenir de ses enfants, bien au contraire : elle les charge dès le départ d'un lourd fardeau qu'ils devront porter, sans qu'il n'en ait vu le moindre aspect positif. D'ailleurs, les personnes d'une vingtaine d'année sont déjà soumises à cette épreuve, étant obligées d'évoluer dans une société où l'équivalent de la totalité des recettes de l'impôt sur le revenu est consacré à payer les intérêts des erreurs passées. Le Traité de Maastricht peut bien inciter la France à être plus sérieuse, elle devrait déjà l'être dans son propre intérêt.

Pour ce faire, il faudrait commencer par arrêter de baisser des impôts, des mesures fiscales étant trop souvent adoptées pour répondre à telle ou telle revendication catégorielle, sans jamais les calmer... ce qui prouve leur inutilité. De la même façon, les différentes taxes qu'imaginent administration ou politiques comme réponse à divers problème ne sont pas une vraie solution. Du côté des recettes, le premier pas est de s'attaque aux très nombreuses niches fiscales, ce qui commence à arriver. Mais c'est surtout du côté des dépenses que l'on note le côté grotesque de l'Etat : commissions, couches administratives, subventions en tout genre et fonction publique pléthorique forment un puits sans fond qu'il faut ramener à la raison. C'est bien du côté des dépenses qu'il faut attaquer le budget de l'Etat, et ce n'est plus une lente et timide réforme de l'Etat qui suffira. L'heure est plutôt aux électrochocs.

Cela ne semble pourtant pas être l'humeur actuelle. Ces derniers jours l'illustrent. Le gouvernement annonce ainsi que la prime de Noël versée aux titulaires de minima sociaux allait augmenter. La justification de ladite prime est néanmoins floue. Les gouvernements ont été forcés de concevoir des mécanismes faisant en sorte que le travail soit plus intéressant que l'inactivité en versant de l'argent public en plus des salaires à ceux qui retrouvaient un emploi, pour ne pas qu'ils perdent de l'argent en ne touchant plus l'assurance chômage. La prime pour l'emploi et désormais le RSA vont dans ce sens. Cela laisse penser que l'Etat paye bien l'inactivité, et doit ensuite repayer pour faire cesser l'accoutumance à l'argent public. Tout cela est évidemment coûteux.

Un autre exemple trouvé dans l'actualité impacte certainement moins les finances de l'Etat, mais est encore plus symbolique du peu de conscience fait de l'argent public : l'appartement de fonction réservé à Christian Poncelet après qu'il ait quitté la présidence du Sénat. Celui-ci peut bien vociférer contre "les chiens" à l'origine de la polémique qui l'empêche de profiter de ce qu'il considérait être un avantage acquis. Ce qui est encore plus grave, c'est qu'il considère avoir grandement servi l'institution qu'il présidait, en ayant fourni beaucoup d'efforts pour améliorer son image, ce qui ne consistait en fait qu'en de grosses dépenses de communication, opérations événementielles et chaîne de télévision coûteuse en guise de vitrine. Si chacun raisonne comme cela, les déficits sont garantis pour encore longtemps, et l'intérêt général continuera à être oublié. Pour que rien ne soit fait, c'est que cela doit visiblement plaire.