Le poids de Microsoft dans le marché de l'informatique a aujourd'hui atteint un point terrifiant. Le succès de son système d'exploitation Windows et de sa suite de bureautique Office lui font des rentes colossales qui donnent à Microsoft une trésorerie inimaginable pour se lancer sur n'importe quel marché, et le conquérir à l'usure, pouvant supporter des pertes pendant de longues années, et n'hésitant pas à racheter les concurrents mieux implanter pour arriver à ses fins. Le marché des portails internet, des logiciels pour mobiles, des consoles de jeux vidéo ou les applications de messagerie instantané sont autant d'exemples de marchés attaqués de façon agressive. Le monopole de fait qu'a Microsoft sur plusieurs marchés lui donne les moyens de se créer de nouveaux monopoles dans d'autres. En théorie, les autorités de la concurrence sont censées empêcher cela. Mais aux Etats-Unis, la puissance de lobbying déployée par Microsoft a permis de noyer l'affaire. Et en Union Européenne, des poursuites ont été engagées, mais elles durent depuis si longtemps qu'elles n'ont plus de lien avec les enjeux actuels, et semblent bien peu efficaces vis-à-vis de l'armée d'avocats de l'entreprise de Seattle. Alors que le Commissariat à la concurrence intérieure est toujours paranoïaque envers de nombreux cas de concurrence perçue comme insuffisante, dans ce cas là, le plus grave, l'action se révèle être un échec complet.

Plutôt que de compter dessus, il vaut mieux se pencher sur la possibilité de créer une alternative aux produits de l'empire Microsoft. Quitte à se lancer dans la construction de champions nationaux, ou d'aider les petites entreprises qui essayent de s'attaquer à ce monopole. L'une des mesures proposées par Ségolène Royal dans son pacte présidentiel était de privilégier l'utilisation de logiciels libres dans les administrations. C'est en effet une bonne idée. Le fait qu'ils soient développés dans une grande mesure par des volontaires, ce qui diminue évidemment les frais de développement. Par ce biais, le nombre de développeurs est important, et la fiabilité de ces logiciels est éprouvée. Des entreprises peuvent se charger de commercialiser ces logiciels, ou d'en faire les finitions. Ce peut être un fer de lance intéressant pour créer une alternative. Ce qui peut favoriser une vraie compétition avec Microsoft est souhaitable, tant pour l'amélioration de la qualité des logiciels, que pour se sortir du contrôle omnipotent d'une seule entreprise. Ce doit donc être encouragé par l'action publique dans le cadre de la politique industrielle. C'est dans une certaine mesure le cas en France, puisqu'un pôle de compétitivité dans le domaine des logiciels libres a été créé en Ile-de-France, sous le nom d'Ouverture. Dans l'absolu, le but serait de créer toute une gamme de logiciels pouvant remplacer ceux de Microsoft. Mais pour faciliter leur adoption, l'idéal serait que la conversion entre les logiciels Microsoft se fasse très facilement. Il ne doit pas être difficile de faire des logiciels "génériques" pouvant prendre en charge les fichiers .doc ou .xls par exemple, se prenant en main de la même façon et ayant les mêmes effets.

Actuellement, les logiciels libres sont très performants, qu'il s'agisse de système d'exploitation, de suite bureautique ou de retouche d'image. Le navigateur Firefox commence même a être beaucoup utilisé. Mais pour qu'il y ait de vrais concurrents à Microsoft, il faudra que la base d'utilisateurs croisse de façon substantielle. Cela suppose donc de s'adapter aux besoins des utilisateurs, et donc qu'il y ait une compatibilité entre les logiciels libres et ceux issus de Microsoft. Au bout du compte, si l'on bénéficie des faibles prix et de la facilité de conversion, il peut être possible de créer des micro-ordinateurs de premiers prix, assurant largement la plupart des fonctions demandées par les consommateurs. Et ce d'autant plus que l'accroissement du nombre de fonctions et de capacités demandées à un ordinateur est moins important, vu le point où l'on en est arrivé. Cela peut populariser les logiciels libres, en même temps que de diminuer le coût représenté par le monopole Microsoft. De plus, cela peut créer de nouveaux emplois, et favoriser la croissance d'une branche industrielle. Autant de raisons qui poussent à l'encouragement dans ce domaine.