Quelques jours après la formation du gouvernement, le nouveau ministre du budget (ou plutôt des "comptes publics") Eric Woerth s'est retrouvé dans une situation délicate. Il avait en effet annoncé que l'une des mesures annoncées par le candidat Nicolas Sarkozy, la déduction fiscale des intérêts des emprunts immobiliers ne serait effective que pour les achats de biens effectués depuis l'élection du nouveau Président. Cela entrait en contradiction avec le programme que ce dernier avait développé pour se faire élire, et dans la mesure où celui-ci compte tenir toutes ses promesses, son ministre a été désavoué. D'une manière générale, les différents ministres du gouvernement doivent accomplir les engagements du Président de la République, et la politique fiscale à mettre en place en représente une bonne partie. On peut s'interroger sur la politique fiscale la plus pertinente à mettre en oeuvre, mais le thème est extrêmement vaste, et peut s'assimiler à la question "quelle politique appliquer ?". Plutôt que de se laisser dépasser par l'ampleur de la question, on peut déjà commencer par examiner certains points.

La déduction des intérêts des emprunts immobiliers de la déclaration de revenus a été critiquée par certains économistes sur le fait que cette mesure augmenterait la demande immobilière, et favoriserait ainsi l'augmentation des prix des biens mis en vente. Cela peut paraître paradoxal : cela voudrait dire que pour faire baisser les prix et rendre les biens immobiliers accessibles à un plus grand nombre, il faudrait durcir les conditions du crédit. En poussant ce raisonnement à l'extrême, cela voudrait dire qu'il faudrait se réjouir de voir l'immobilier à un très faible prix alors que les conditions de paiement en serait très difficile. Pourtant, si l'on suit la théorie de l'offre et de la demande, une augmentation des prix immobiliers pousse à la construction de logements pour profiter des opportunités créées. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle les prix sont déjà élevés, et cela a des répercussions sur les ménages qui peuvent difficilement devenir propriétaire. Ils doivent pour cela s'endetter fortement sur de très longues durées. Cette pénurie immobilière a aussi des conséquences pour les locataires, qui ont parfois des difficultés à trouver des appartements à louer, pour des loyers évidemment toujours plus élevés. Dès lors, la non imposition des montants déboursés pour les intérêts des emprunts réalisés pour acheter un logement principal ne peut qu'être une bouffée d'oxygène bienvenue. Celle-ci n'est bien sûr pas suffisante, et doit être accompagnée d'une véritable politique de construction de logements, comme l'avait engagée Jean-Louis Borloo au quinquennat précédent.

La question de l'impôt sur la fortune se pose depuis longtemps pour la droite. Certains effets néfastes lui sont attribués, comme la fuite de personnes dont le seul tort aura été de réussir dans la vie. Mais sa suppression par Jacques Chirac pendant la cohabitation de 1986 à 1988 avait été impopulaire, et il apparaît difficile de revenir dessus. Pourtant il touche de plus en plus de personnes, non pas que le nombre de gens réellement fortunés ait vraiment augmenté, mais avec l'envolée des prix immobiliers certains propriétaires y deviennent assujettis du jour au lendemain. L'exemple des familles modestes habitant l'île de Ré depuis des décennies qui se retrouvent confrontées au fisc pour ne pas avoir versé l'impôt correspondant à leur fortune virtuelle en cas de revente. Car il s'agit d'un impôt sur la valeur, où chacun doit prendre conscience que son logement vaut davantage que le prix qu'il a acheté, et doit alors se déclarer fortuné au Trésor Public. Il est déjà étonnant que cet impôt soit sur le patrimoine et non sur les revenus qu'il procure. Un possession peut avoir de la valeur, mais ne pas dégager le moindre revenu. Dans une telle situation, l'imposé est justement condamné à être de moins en moins riche. Le fait que ce soit la valeur de marché qui soit prise en compte est également troublant : il serait plus juste que l'estimation se fasse sur la valeur d'achat plutôt que sur une valeur qui peut n'apparaître que comme virtuelle. Malgré les inconvénients de cet impôt, Nicolas Sarkozy n'a pas souhaité y mettre fin. Il préfère que le bouclier fiscal soit rabaissé, c'est-à-dire que personne ne paie plus d'impôts que la moitié de ses revenus. La non prise en compte du domicile principal dans le calcul du patrimoine est également une possibilité d'évolution avancée.

Un autre sujet qui a fait polémique dernièrement est celui de la TVA sociale, jettée en pature dans l'entre deux tours des législatives. Le débat qui a suivi fût caricatural, alors que la question méritait d'être étudiée. L'idée est de faire basculer le coût des charges sociales du travail à la consommation. En théorie, les économies réalisées par les entreprises françaises sur les frais de productions leur permettent de prendre en charge le surcoût de TVA qui apparaîtrait. Au niveau des prix, le résultat serait ainsi neutre pour les consommateurs... pour les produits fabriqués en France. Les importations ont souvent déjà de faibles coûts du travail, et l'augmentation de la TVA serait alors une vraie charge supplémentaire. Néanmoins, les différentiels de prix sont tels que la variation ne doit pas être exagérée. La mesure redonnerait un léger avantage à l'industrie française, dans la mesure où celle-ci est actuellement fortement désavantagée dans la compétition internationale par ses forts coûts du travail. Et elle n'aurait certainement pas comme conséquence une baisse de cinq points de pouvoir d'achat, contrairement à ce qu'a affirmé une gauche aux abois pendant les législatives.

Enfin, le plus grand fer de lance de la politique fiscale de Nicolas Sarkozy est certainement la défiscalisation des revenus issus des heures supplémentaires, pour l'employé comme pour l'employeur. C'est la traduction en mesure concrète du slogan "Travailler plus pour gagner plus". Après des années où la réduction du temps de travail passait comme le paradigme de la marche vers le bonheur du travailleur considéré comme malheureux, ce changement de philosophie étonne. Evidemment, tous n'ont pas la possibilité de faire des heures supplémentaires. Mais lorsque la gauche dénonce le fait que le recours aux heures supplémentaires empêche des embauches, elle oublie le fait que c'est le travail qui crée la richesse, que celle-ci n'est pas un simple gateau à partager, mais qu'il est aussi possible de le faire grandir. En l'occurrence, cette mesure fiscale vise à favoriser le pouvoir d'achat des travailleurs sans se contempter d'une augmentation artificielle des minimums contrôlés par l'Etat, qui favorise l'inflation plus qu'elle n'est censée la rattrapper.