Une bonne partie de la politique économique envisagée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était candidat à la présidentielle, a été adoptée par le biais du "paquet fiscal", caricaturé comme un plan de réductions fiscales envers les plus riches, alors qu'il était constitué de mesures telles que la défiscalisation des intérêts immobiliers pour que les ménages puissent accéder plus facilement à la propriété, ou bien l'exonération des heures supplémentaires, pour encourager la hausse du pouvoir d'achat par davantage de travail. Certes, la suppression d'une grande partie des droits de succession n'était pas justifiée. Mais les mesures sont loin d'être toutes dénuées de pertinence. Si les prélèvements fiscaux restent très importants en France, c'est qu'ils sont à la mesure des dépenses, et leur sont même inférieurs. Car la France subit un déficit public annuel conséquent, de l'ordre d'une quarantaine de milliards d'euros... l'équivalent des sommes versées au service de la dette. Dette qui s'est justement constituée au fur et à mesure de ces déficits. La France, par ce cercle vicieux, creuse sa tombe. Elle est en faillite, dit François Fillon métaphoriquement. Alors il faut en tirer les conséquences. Maintenant que les recettes fiscales de l'Etat devraient être réduites (au moins sur le court terme) par les exonérations qui ont été décidées, il est désormais temps de faire diminuer la dépense publique, d'une façon plus que proportionnelle. Car la restauration de finances publiques saines est une exigence qui dure depuis des décennies, même si sa prise de conscience date des dernières années. Et pour réussir, il faut s'en donner les moyens.

Le président de la Cour des Comptes, Philippe Séguin, se fait le porte-parole de son institution lorsqu'il dénonce les gaspillages et les mécanismes coûteux et peu efficaces. Les rapports rendus par la Cour des Comptes représentent une source d'inspiration constante quant aux sources d'économies possibles. Philippe Séguin a notamment lancé le mois dernier l'idée de la fin des exonérations de cotisations sociales sur les stock options, mais des pistes sont également lancées pour certaines réorganisations des services de l'Etat qui diminueraient les coûts et amélioreraient l'efficacité. La Cour des comptes n'est du reste pas la seule voie disponible pour diminuer les dépenses de l'Etat. Nicolas Sarkozy entendait s'appuyer sur le non-remplacement de un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Pour le budget 2008, il n'est plus question que d'un sur trois. Ce budget est en fait une véritable déception, dans la mesure où il s'appuie sur des prévisions de croissance optimistes, et prévoit un gel des réductions des déficits, alors qu'ils devraient être combattus sans répit. Le prochain budget manque tout simplement d'ambition.

Il serait pourtant possible d'être plus radical en la matière. La chasse aux gaspillages et le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sont des outils de départ pour arriver à l'objectif, mais il faudrait commencer par se forcer dès le départ à ne pas voir le déficit comme une bienveillante possibilité, mais comme un ennemi implacable. Pour cela, il faudrait décider de la non-augmentation de la partie dépenses du budget, et cela en volume. Ainsi, les rentrées supplémentaires d'une année sur l'autre en effet valeur d'une part, réalisés par la croissance d'autre part, seraient automatiquement attribuées à la réduction du déficit de l'Etat. Evidemment, cela supposerait un effort important de la part des diverses administrations, mais tous les ministères n'ont pas la même priorité à l'heure actuelle. Les deux priorités présentes sont le ministère de la Justice d'une part, et celui de l'Enseignement Supérieur et de la recherche d'autre part, qui doivent impérativement voir leur budget augmenter. Certains ministères peuvent se contenter de crédits stables d'une année sur l'autre, il s'agit là surtout des ministères de l'Intérieur, de la Défense et de l'Environnement. Les autres doivent vraiment réduire leur train de vie de façon conséquente.

Bien sûr de telles mesures sont forcément impopulaires, chaque chapelle mesurant sa valeur supposée à l'aune des augmentations de crédits obtenues. Mais cela ne suffirait d'ailleurs pas, vu que les déficits publics ne concernent pas le seul Etat, mais aussi ses différentes administrations ou entreprises publiques. Le trou de la sécurité social reste toujours aussi béant, et le déficit de la SNCF vient d'être intégré aux déficits publics comptés par la Commission Européenne. Face aux réformes à venir ou en cours, les corporatismes sont déjà à l'œuvre, comme le montre la grève des transports en commun décidée pour le 18 octobre. C'est pourtant de l'intérêt général dont il s'agit. En 1995, la France a raté la possibilité d'un changement profond, et elle en paye le prix depuis. Le 5 décembre 1995, le Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, déclarait "les yeux dans les yeux" aux Français à propos de sa réforme : "Je ne retirerai pas le plan de sauvegarde de la Sécurité Sociale parce que ce serait une erreur, et je dirais même une faute que de le faire. Cela irait contre l'intérêt de chacun et chacune d'entre vous, et contre l'intérêt de la France." Il avait raison. Mais il a fini par le retirer, ce qui fut bien une faute, et on en mesure les lourdes conséquences aujourd'hui. Les difficultés à venir qu'il présentait alors font désormais partie de notre quotidien. Voilà pourquoi la France ne doit plus reculer, et qu'il faut procéder aux bouleversements nécessaires. Et cela commence par l'élimination des déficits.