Ségolène RoyalSondages après sondages, elle apparaît comme le phénomène médiatique du moment. Son principal mérite ? Etre populaire. Ségolène Royal pourrait bien être désignée candidate du Parti Socialiste pour ce seul motif, sans qu'on ne ce soit jamais demandé ce qu'il se passerait une fois l'élection passée.

Les militants socialistes ont été traumatisés par le résultat du 21 avril 2001, et le mot est faible. Leur souci principal n'est donc plus de savoir quoi faire du pouvoir, mais avant tout d'être élu. Il reste que nombreux sont les candidats de gauche à l'élection présidentielle, et le paysage politique actuel semble favoriser une gauche peu centriste après le non à la constitution européenne. En théorie, le candidat de gauche devrait donc essayer de fléchir son discours vers la gauche et appeler au rassemblement sur son nom en prônant une doctrine très marquée dans cette direction. En limitant la division, le premier tour peut être franchi, ce qui peut être suffisant si la droite est elle suffisamment divisée pour permettre à son tour à l'extrême droite d'arriver en finale. C'est en tous cas la stratégie qu'a adopté très cyniquement Laurent Fabius. Malgré une impopularité persistante dans les sondages, il compte sur ce positionnement et son expérience du pouvoir pour mobiliser la gauche autour de lui. Mais si l'on pouvait prévoir que l'absence de popularité serait un handicap, il était toutefois inattendu que la désignation du candidat socialiste ne se ferait que sur ce critère.

Jour après jour, Ségolène Royal engrange de nouveaux soutiens. Ceux qui la rejoignent ont un raisonnement simple "elle a les meilleures chances de l'emporter, donc il faut la soutenir et arrêter de se diviser". En prônant l'"arrêt des divisions", c'est tout simplement de l'arrêt des débats dont il s'agit. Il faut dire qu'à ce niveau là, la candidate n'a même pas commencé. Elle refuse les échanges d'idée, et se contente d'évoquer dans ses discours des idées creuses que personne ne peut contredire, et quelque fois des propositions absurdes où elle feint de jouer à l'agressée lorsqu'on lui reproche. Elle parle des problèmes des gens d'autant mieux qu'elle ne fait que répéter ce qu'ils lui disent (entre autre par son site internet), mais sans en proposer la solution. Le fait qu'elle soit une femme suffit de toutes façons à intéresser les médias, et toute personne qui lui met des bâtons dans les roues est qualifiée de machiste. A vrai dire, la discrimination dont souffraient les femmes en politique joue là à contre sens. En mettant en avant ses états de mère et de femme, elle veut laisser penser qu'elle aurait une pratique du pouvoir différente des hommes, alors que l'exemple de Margaret Thatcher suffit pour démontrer l'inverse.

Bref, en jouant du tambour médiatique elle arrive à faire oublier son manque d'expérience au plus haut niveau (alors que d'autres femmes sont justement mieux placées à ce niveau là) et son refus du débat, compréhensible dans la mesure où elle souhaite éviter d'afficher son manque de préparation pour les questions économiques ou géopolitiques les plus complexes. En répétant ce que disent les électeurs, elle en devient un reflet. En cela, elle se rapproche de la situation de Jean-Pierre Raffarin qui, à son arrivée au pouvoir, était présenté comme quelqu'un venant de la campagne, avec l'apparence de Monsieur Tout le Monde, ancien ministre de second plan, président de la région Poitou-Charentes et donc ancré dans les préoccupations des gens ordinaires, de la France d'en bas. Si cela a pu représenter une bouffée d'oxygène au niveau de la communication politique pendant une année environ, il n'en reste pas moins qu'il n'était probablement pas préparé à un tel niveau de difficulté dans la gestion des affaires. Ségolène Royal en est la version féminine, et cette fois-ci c'est pour un poste encore plus élevé qu'il est proposé un tel profil, celui de Président de la République.

Alors si la communication politique permet d'obtenir des scores élevés dans les sondages sans impliquer l'adoption aux idées, il serait pertinent de s'interroger sur la pérennité de ces scores. Et surtout de craindre le moment où l'erreur aura lieu, et sa gravité. Sans expérience et sans conviction, celle-ci se produire nécessairement lorsqu'il lui sera demandé plus qu'une allure et une creuse empathie. Si l'erreur se produit dans la campagne électorale contre Nicolas Sarkozy, il sera trop tard pour le Parti Socialiste. Si elle se produit une fois qu'elle sera arrivée à la Présidence, il sera trop tard pour la France. C'est donc une responsabilité particulière qui incombe aux militants socialistes, celle de se soucier d'abord de l'intérêt de la France, plutôt que de ne tenir compte que de simples conjectures électorales. Car il ne faut pas oublier que le meilleur candidat doit être le meilleur Président.

Photo : Libération