Voilà, les municipales sont passées. Comme prévu, ce fut globalement une défaite pour la droite. Mais elle ne fut pas plus forte qu'annoncée. En fait, elle était du même ordre que celle encaissée par la gauche lors des municipales de 2001. Les villes qui avaient alors basculé à droite de façon inattendue sont pour la plupart repassée à gauche. Grâce à leurs réussites dans la gestion de leurs villes, Bertrand Delanoë et Gérard Collomb étaient assurés d'être confortablement réélus. En fin de compte, la surprise est surtout venue du côté de la droite : les réélections de Jean Tibéri, d'Alain Juppé et de Jean-Claude Gaudin paraissaient sérieusement remises en cause. Alain Juppé fut réélu dès le premier tour, et la majorité des membres du gouvernement qui se sont présentés aux municipales ont été élus. Retour de balancier, c'est probablement le terme qui décrit le mieux ces dernières élections.

Le phénomène le plus marquant de l'élection n'est pas la victoire de la gauche, mais bien la forte absention. Cela montre la démobilisation de l'électorat de droite, celui qui avait fait la victoire de Nicolas Sarkozy, et qui continue de plébisciter dans les sondages François Fillon, l'homme qui a toujours défendu le besoin de réformer la France. Le Président de la République, lui, connait les affres de l'impopularité. Ce n'est pas son programme qui est remis en cause, mais son style personnel, ses coups étranges, de l'invitation de Kadhafi à l'abolition de la publicité sur France Télévisions, alors que les réformes semblent ne plus être au coeur de l'action présidentielle. Nicolas Sarkozy, en souhaitant politiser au niveau national des élections locales, est bien un responsable de cette défaite. On peut également s'interroger sur sa volonté de ne pas sanctionner les ministres battus dans cette élection, au contraire de ce qu'il s'est passé lors des législatives. Du reste, aucun ministre n'aurait du être candidat pour devenir maire, alors qu'ils en ont de toute évidence pas le temps.

Du côté de la gauche, il n'y a pas de quoi se réjouir énormément non plus. Les socialistes savent que les électeurs ne sont pas revenus vers eux pour leur projet. Ils savent au moins parfaitement qu'ils n'en ont pas. Chacun se prépare aux grandes manoeuvres pour remplacer François Hollande, un premier secrétaire qui a longtemps cru que les votes contre la droite validaient sa stratégie de non-choix idéologique à gauche. Il est temps qu'il n'ait plus de rôle national, mais il serait tout de même préférable que l'on ait la certitude que l'on aura mieux à la place. Ce n'est pas certain.

Au bout du compte, la plus grande leçon de ces municipales aura été le comportement du Modem de François Bayrou. Celui-ci se voulait être l'apôtre de l'indépendance politique, son mouvement aura prouvé dans toute la France qu'il était prêt à toutes les alliances du moment qu'il y avait des postes à la clé. L'opportunisme aura été la grande constante de l'action du Modem ces dernières semaines. C'est à vrai dire le lot de la plupart des politiciens, mais en annonçant vouloir faire de la politique autrement, le Modem aura surtout étalé son hypocrisie. En se voulant au centre, François Bayrou pense pouvoir devenir incontournable. Il ne l'a pas été : son parti a souvent snobé la droite pour se détacher de son image d'ancien parti composant la majorité présidentielle, et il n'a souvent pas réussi à s'allier à la gauche, qui n'en avait pas besoin. A Pau, François Bayrou, battu, a rejeté la faute sur le maintien du candidat de l'UMP qu'il a qualifié de manoeuvre destinée à le faire battre. Mais au nom de quoi l'UMP aurait-elle du se retirer quand le Modem se maintient lorsqu'il est en troisième position, dans des cas similaires ? Il n'aura fait que gouter à sa propre cuisine. François Bayrou peut bien prôner un système constitutionnel dont il serait le principal vainqueur. Mais au vu des arrangements bien peu clairs qui se sont faits à travers la France pour faire élire des adjoints Modem ici et là, on a désormais confirmation de ce qu'était le projet politique de ce parti : compter sur les combines entre officines politiques pour arriver au pouvoir plutôt que sur l'expression de la majorité des suffrages. Et surtout, il semble difficile d'accorder à François Bayrou le fait qu'il soit sincère dans sa démarche.

Photo : AFP