Réflexions en cours

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vendredi 25 mai 2007

La fête de la défaite

Le 6 mai au soir, à peine le vainqueur de l'élection présidentielle était-il connu que Ségolène Royal est apparue à la télévision, faisant un discours optimiste en se montrant particulièrement joyeuse. Pourtant, elle avait été battue. La défaite a été nette pour elle. Cela ne l'a visiblement pas empêché d'adopter un comportement victorieux. Elle a même promis à ses partisans de se retrouvez d'ici une dizaine de jours à la Courneuve pour un grand rassemblement festif et militant, semblable à celui qui avait eu lieu au stade Charléty. C'est ainsi une "fête de la défaite" que Ségolène Royal a voulu organiser, ne se rendant pas alors compte que sa non-élection n'était pas vraiment quelque chose dont elle devait normalement être fière. Mais si Ségolène Royal n'a jamais envisagé la défaite avant l'élection, elle ne semble pas plus l'envisager après. Peu importe pour elle que ce soit la troisième fois de suite que la gauche perde l'élection présidentielle, elle se félicite avant tout de l'élan qu'elle a cru rencontrer dans sa campagne, et se contente facilement d'être passée au second tour. Partie comme cela, elle ne se posera pas la question de ce qui a pu la faire échouer. Ou en tous cas, les raisons qu'elle pourrait invoquer ne la concerneront aucunement. Elle accusera son adversaire, les médias ou son parti, mais ne se rendra jamais compte que la première raison de son échec fut elle même. Alors on est prié de participer à l'édification de sa gloire personnelle, y compris dans de tels événements décalés.

La fête de la défaite n'aura en fin de compte pas lieu. Julien Dray met ce renoncement sur le compte des finances du Parti Socialiste, qui sont exsangues après la campagne présidentielle, alors qu'elles seront aussi sollicitées pour les législatives. L'organisation des débats participatifs, aux retombées dérisoires, aura semble-t-il été un puit de dépenses. De plus, peut-être que l'organisation de célébrations lorsques les perspectives sont sombres pour la gauche a paru déplacé pour ceux qui, parmi les socialistes, se rendent compte de la situation. La campagne pour les élections législatives a commencé, et bon nombre de figures importantes se sont repliées sur leur circonscription. Si Ségolène Royal avait promis de mener cette bataille aussi, elle y participe en fin de compte de façon éloignée. Seul François Hollande est sur le pont, prenant la posture de l'opposition politique au gouvernement avant même qu'il ait pu faire quoi que ce soit. Il souhaite que la gauche soit forte à l'Assemblée pour empêcher Nicolas Sarkozy d'appliquer le programme sur lequel il a été élu. Le voilà donc enchaînant les apparitions télévisées, faire des meetings en étant seul à parler, tout en admettant qu'il ne sera plus premier secrétaire du PS après le prochain congrès. Car François Hollande reste le plus petit dénominateur commun du PS : autrefois, tout le monde l'acceptait pour donner une apparence de rassemblement, aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le fait que la non prise de choix qu'il représentait fut coupable.

Dès à présent s'ouvre la bataille pour la présidentielle de 2012. Et sa première étape est la conquète de la direction du parti socialiste. Et si les socialistes laissent François Hollande conduire la campagne des législatives aujourd'hui, alors qu'il est l'un des moins populaires d'entre eux, c'est pour mieux s'en débarasser ensuite. Ségolène Royal est d'ailleurs la première à vouloir la place, et en adoptant une attitude aussi euphorique au soir de sa défaite, c'est qu'elle ne voulait pas passer pour un symbole d'échec. Et si elle l'a fait aussi tôt, c'était pour mieux couper l'herbe sous le pied de ses rivaux, Dominique Strauss-Kahn en tête, qui n'ont pas apprécié ni son investiture, ni son mépris envers eux pendant la campagne. Elle était donc même prête à fêter sa défaite pour tenter de rejeter ses adversaires dans le domaine du passé et se montrer incontournable, sans se rendre compte de l'aspect surréaliste de la chose en question. Une fois les législatives passées, le débat aura enfin lieu a annoncé François Hollande. Il faudra qu'il donne lieu à une véritable clarification de la pensée du PS. Et tant qu'à faire, il serait souhaitable que le résultat soit favorable à la France.

mardi 15 mai 2007

Le départ de Jacques Chirac

Jacques Chirac voit son mandat prendre fin. Et alors que son successeur, Nicolas Sarkozy, a de nombreux espoirs mis en lui, pour le Président sortant, c'est surtout l'heure du bilan. Bilan d'une présidence de douze ans, voire même d'une vie consacrée à la politique. Certes, celle-ci n'est pas tout à fait finie, puisque Jacques Chirac souhaite continuer son oeuvre pour le dialogue des peuples et le développement durable à travers une fondation. Mais depuis le début de la campagne présidentielle de 2007, on pouvait sentir qu'une page était en train d'être tournée. Alors quel est ce bilan de la présidence Chirac ? Déjà, il est certain qu'il aura été au niveau du point de vue de la politique étrangère. En gardant des positions issues d'un certain consensus depuis le général de Gaulle, la France continue d'être respectée dans de nombreux pays. Evidemment, le reproche d'arrogance continue d'être fait parmi certains pays d'Europe et aux Etats-Unis, et le rôle français n'est pas toujours aussi important que ce que l'on voudrait croire. Jacques Chirac se sera montré toujours sensible à la construction européenne, étant l'un des plus importants soutiens à l'adoption de la monnaie unique en France. D'une manière générale, il aura été un homme d'Etat solide aux moments sensibles, du point de vue des symboles, mais pas seulement, comme lorsqu'il dénonça la guerre américaine en Irak.

En fin de compte, on pourra reprocher à Jacques Chirac un nombre limité d'erreurs, mais des erreurs qui se sont transformés en échecs graves, et donc qui ne pourront être passées sous silence. Il est aisé de les énumérer :
- il cède en décembre 1995 face aux grêves organisées contre le plan de sauvegarde de la Sécurité Sociale.
- il dissout l'Assemblée Nationale en 1997.
- dans son deuxième mandat il fait durer trop longtemps Jean-Pierre Raffarin, et le fait en fin de compte remplacer par Dominique de Villepin.
- il échoue à faire adopter le Traité Constitutionnel Européen en 2005.
Voilà en tous cas les fautes les plus lourdes qu'il a commises. Mais Jacques Chirac a évidemment aussi eu des réussites en matière de politique intérieure. Les chantiers présidentiels qu'il a défendu pendant son second mandat (handicapés, sécurité routière, lutte contre le cancer) sont à mettre à son crédit, et il est aussi en partie comptable des bilans de ses quatre Premier ministres successifs.

En fin de compte, ce qui sera probablement reproché à Jacques Chirac dans l'avenir c'est la faible trace qu'il aura laissée, le peu de changements qui auront eu lieu dans la société française entre 1995 et 2007. En fait, le constat vaut pour toute l'action politique depuis 1974, et c'est certainement le constat le plus cinglant vis-à-vis d'une génération d'hommes politiques qui aura été aux affaires pendant cette période. Espérons désormais que cela ne soit plus le cas.

lundi 7 mai 2007

Notre Président

Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République française avec 53,06 % des voix. Le scrutin s'est déroulé après une longue campagne, durant laquelle il a clairement défendu les idées qui sont les siennes, et le programme qu'il compte mettre en oeuvre. Avec une participation très forte, et un écart des voix entre les deux finalistes du second tour aussi net, il a une légitimité forte pour accomplir les réformes qu'il a prévues. Il est difficilement contestable que c'est pour lui une éclatante victoire. Pourtant, sur le papier, les conditions lui étaient défavorables. En premier lieu, la droite était au pouvoir, et depuis 1981, les électeurs français avaient toujours choisi de changer de majorité, de sortir les sortants. Nicolas Sarkozy a réussi à briser cette malédiction, pour succéder à Jacques Chirac qui a été Président pendant douze ans, venant tous les deux du même camp. Alors que le gouvernement auquel il appartenait n'était pas particulièrement populaire, il a réussi à se détacher du lot en mettant en avant ses propres convictions. De plus, il était au centre d'un vaste mouvement de diabolisation, visant à le faire passer pour une espèce de fasciste sans pitié. Il est certain qu'il est détesté par une partie de la population, mais la grossièreté de la caricature n'a pas eu de réel effet, et de toutes façons elle n'avait de prise que sur ceux qui lui auraient été défavorables, étant très majoritairement de gauche. Son programme plutôt libéral, alors que la France est habituée aux manifestations corporatistes, ou son origine bourgeoise, en étant maire de Neuilly, pouvaient être des handicaps. Enfin, il avait été contesté au sein même de la droite, y ayant de nombreux ennemis. Mais il a su faire de ses oppositions des preuves de sa différence.

C'est pour Nicolas Sarkozy l'aboutissement d'une carrière d'une trentaine d'année. Commençant jeune comme militant de base, il arrive à se faire sa place à la mairie de Neuilly-sur-Seine, puis en tant que député de cette ville. Par son talent et son ambition, il monte rapidement dans les hautes sphères de la politique, étant d'abord un protégé de Jacques Chirac, puis en faisant campagne pour le rival de celui-ci à l'élection présidentielle de 1995, Edouard Balladur. L'échec de cette campagne ainsi que celui de celle des européennes de 1999 le pousse en retrait temporairement. Mais il parvient à revenir au premier plan, et c'est ainsi qu'il est nommé au Ministère de l'Intérieur en 2002, lors de la réelection de Jacques Chirac. Dès ce moment là, il n'a plus que la présidentielle pour ligne de mire, cette fois pour son compte.

En campagne permanente depuis 2002, voire même depuis ses 20 ans, il a largement eu le temps de faire de nombreux tours de la France dans le cadre de telle ou telle élection. Détesté pour sa trahison en 1995, il a retrouvé la popularité par ce qu'il a présenté comme sa "passion pour l'action", un frénétisme qui l'a rendu omniprésent ces dernières années. Lors de cette campagne, il a pu surprendre par sa stratégie positionnée clairement à droite, contestant le fait que les élections se gagnaient forcément au centre. Il a ainsi pu aborder le front le terrain des valeurs, avec en premier lieu le travail et l'autorité. En fait, il a réussi à donner une nouvelle pensée que la droite pouvait assumer. C'est comme cela qu'il a construit une relation avec les Français, laquelle lui a permis de se faire élire.

Mais il devra se rappeler pourquoi il a été élu, sous peine de décevoir autant que ses prédécesseurs à la Présidence de la République. Si toutes les mesures de son programme ne sont pas d'égale importance, il devra notamment avoir, en fin de mandat, réussi dans plusieurs dossiers dont les plus importants sont :
- le plein emploi
- la relance de la construction européenne
- la relance de la croissance
- la maîtrise des comptes publics.
- le service minimum
Evidemment, pour cela, il lui faudra une majorité à l'Assemblée Nationale pour faire des réformes parfois difficiles. La campagne des législatives commence donc dès maintenant. Et peut être aussi celle de 2012...

Photo : L'Express

mercredi 2 mai 2007

La gauche n'est pas prête

A quelques jours du second tour, Ségolène Royal semble être à la peine. Le score de Nicolas Sarkozy, et surtout son avance, représentent de mauvaises bases pour qu'elle puisse l'emporter. Elle a tenté la semaine dernière de rameuter le vote centriste en ouvrant franchement la porte à l'UDF, laissant même ouverte la possibilité de nommer François Bayrou à Matignon. Celui-ci en profite pour faire sa promotion en vue des législatives, et même des prochaines présidentielles. Mais Ségolène Royal aura du mal à emporter une fraction suffisamment importante de ceux qui ont voté pour le président de l'UDF. La plupart des parlementaires centristes ont décidé d'entrer l'éventuelle majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. Surtout, lors du débat télévisé qui vient de s'achever, Ségolène Royal a fait preuve d'une incroyable agressivité envers son adversaire, ce qui pourrait bien rebuter ceux qui souhaitent que gauche et droite travaillent ensemble pour l'intérêt du pays. De plus, dans ce débat, elle s'est montrée bien évasive sur les questions économiques et sociales, montrant clairement qu'elle n'avait pas de piste pour permettre le financement des retraites, alors qu'elle veut remettre en cause les lois Fillon. Quant à son idée de faire raccompagner chaque femme fonctionnaire chez elle du fait de deux faits divers, elle laisse pantois. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy a su se montrer serein, rappelant même Ségolène Royal au calme lorsque celle-ci perdait son contrôle. Alors que l'échéance se rapproche, il ne lui reste guère plus de cartes à jouer. Il y a toujours la tentation de faire jouer celle du "tous sauf Sarkozy", ce qui est l'argument de campagne le plus déplorable, tant il ne cherche plus du tout un vote d'adhésion sur la politique proposée. Mais le premier tour a montré qu'il portait difficilement.

La perspective de la défaite se profile donc pour le Parti Socialiste, même si une surprise est toujours possible. De toutes façons, que ce soit en cas de victoire ou de défaite, la gauche aura montré qu'elle n'était pas prête pour retourner au pouvoir. Evidemment, ce serait inquiétant qu'elle y accède dans cet état. Elle avait pourtant cinq pleines années pour repartir du bon pied. Cela aurait du largement suffire pour qu'elle puisse faire sa "révolution" sociale démocrate, en devenant modérée, en ayant perdu de vu le concept de lutte des classes... Or avec trois trotskystes, une communiste et un "anti-libéral" à la présidentielle, l'extrème gauche aura réussi à garder une part de voix démesurée. A l'intérieur même du Parti Socialiste, on retrouve une frange qui se perçoit toujours dans une doctrine socialiste à l'ancienne, dont l'inadaptation au monde d'aujourd'hui a été démontrée dans les années 80. C'est cette partie de la gauche qui a voulu le rejet du Traité Constitutionnel Européen, c'est cette partie de la gauche qui n'a pas sa place pour gouverner la France, tant elle semble plus attachée au respect d'un dogme plutôt qu'à un soucis des réalités.

Le Parti Socialiste n'ayant pas su trancher entre cette gauche là et la sociale démocratie, elle a fini par se retrouver derrière une candidature d'apparence, loin du niveau demandée pour le poste de Président de la République. Ségolène Royal n'a ainsi pas tellement surpris en faisant une campagne médiocre, se qualifiant au second tour grâce au seul vote utile qui s'est reposé sur les voix de l'extrème gauche, laminée en conséquence. En s'en prenant frontalement à Nicolas Sarkozy, elle veut le vaincre en jouant sur le rejet de sa personne. Cela ne peut pas donner une présidence qui repose sur un contrat clair entre une candidate et la population française, ce qui fait que une telle présidence n'est pas souhaitable. En fin de compte, il apparait surtout qu'aujourd'hui la gauche doit s'atteler à cette réflexion sur elle même qu'elle aurait du faire avant d'en arriver là.

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