Réflexions en cours

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vendredi 26 décembre 2008

Arrivisme et trahison en politique

En 1969, Valéry Giscard d'Estaing se prononça en faveur du non lors du référendum organisé par le Général de Gaulle. Si la majorité des libéraux s'opposaient à la réforme du Sénat qui diminuerait leurs pouvoirs, VGE sait qu'il joue plus largement la fin du gaullisme dans ce référendum. Il compte alors faire de son camp une force indispensable au sein de la majorité de droite, et se révèle à ce titre comme la première personne faisant de l'accession à l'Elysée son objectif ultime, nécessitant un engagement constant. François Mitterrand le suivra peu après lui aussi dans cette voie-là, mais dans les années 60, il se préoccupe surtout de mettre fin à la Vème République qu'il trouve alors bien peu à son goût.

Entre 1969 et 1974, Valéry Giscard d'Estaing arrive donc à être incontournable, étant ministre des finances pendant toute la durée du mandat de Georges Pompidou. Et c'est alors qu'il occupe ces fonctions que, à la mort de ce dernier, il se lance franchement dans la présidentielle. Il s'oppose à Jacques Chaban-Delmas, son ancien Premier ministre, ce qui lui vaut l'oppostion des gaullistes de l'UDR, un mouvement puissant pouvant le gêner considérablement. Heureusement pour lui, il trouve en la personne du nouveau ministre de l'Intérieur, Jacques Chirac, une personnalité de l'UDR prête à faire campagne pour lui. Et ce pour deux raisons : Jacques Chirac apprécie peu Jacques Chaban-Delmas qu'il considère un adversaire de la mémoire de Georges Pompidou, son mentor, et bien sûr Jacques Chirac pourrait gravir les échelons politiques bien plus rapidement en cas de victoire de Valéry Giscard d'Estaing, en étant le lien naturel entre le Président et les gaullistes. C'est ce qu'il se passa, et Jacques Chirac devint Premier ministre.

Il se trouva par la suite que le nouveau Président méprisait largement l'UDR, ce qui facilita la prise d'indépendance de Jacques Chirac à son égard. Après avoir démissionné de Matignon, il prit le contrôle de sa famille politique en créant le RPR, et passa les cinq années suivantes à mener une guérilla contre l'Elysée, disposant d'une position forte pour cela à l'Assemblée Nationale. Le but ultime étant bien sûr de passer à l'étape suivante : que Jacques Chirac devienne Président lui-même. En 1981, la droite passa dans l'opposition, mais Jacques Chirac en devint le chef.

En 1993, elle remporta avec une majorité écrasante les élections législatives. Jacques Chirac refusa de retourner à Matignon, continuant de viser l'Elysée, et y envoya son ancien numéro 2, Edouard Balladur. Malgré ses serments à la télévision comme quoi il ne se présenterait pas à l'élection présidentielle, ce dernier se présenta quand même, créant une violente guerre de tranchées dans le même bord politique. Edouard Balladur se vit alors accompagné d'un grand nombre de personnalités de droite qui considérait tout simplement avoir plus de chances de gagner avec lui, et en choisissant le bon candidat, ils espéraient gagner un poste, une promotion.

Nicolas Sarkozy était l'une d'entre elles. Alors ministre du budget, il comptait d'abord obtenir un ministère majeur, avant de devenir Premier ministre (succédant dans son idée à Charles Pasqua, d'après ce qu'affirme celui-ci dans ses mémoires). Evidemment, il se serait alors posé comme l'héritier naturel du balladurisme. La victoire de Jacques Chirac à la présidentielle le fit traverser une traversée du désert (les postes du gouvernement d'Alain Juppé ayant presque tous été occupés par des gens ayant misé sur le nouveau chef, à l'exception de François Bayrou, qui accepta de retourner à l'Education Nationale pour rester dans le gouvernement). Mais dès son retour sur le devant de la scène en 2002, il assuma son objectif de succéder à Jacques Chirac et fit tout pour devenir un ministre puissant, efficace et populaire, puis prendre la tête de la droite avant d'en devenir le candidat presque incontesté en 2007.

Cela fait donc une quarantaine d'années que la course à la présidentielle est devenue le mètre étalon des ambitions. Les personnalités politiques qui apparaissent de nos jours se sont construites en apprenant les leçons des "vainqueurs" précédents. Elles reposent en bonne partie sur un arrivisme de moins en moins subtil, et une pratique de la trahison qui est presque considérée comme un art. Quelqu'un comme Jean-François Copé en est même arrivé à ne parler des affaires en cours aux journalistes exclusivement en termes de conséquence sur sa propre carrière personnelle. L'intérêt de la France est une notion qui ne semble pas lui traverser l'esprit, et traite volontiers d'hypocrites tout ceux qui viendraient à le lui reprocher, considérant qu'ils fonctionnent sous le même mode que lui. C'est possible, mais ça ne le grandit pas pour autant. Là où Nicolas Sarkozy servait ses ambitions en servant la France, Jean-François Copé ne cherche plus qu'à servir ses ambitions en jouant personnel et par les manoeuvres. A gauche, la situation est équivalente, si ce n'est que la longue présence de François Mitterrand à sa tête a rendu ces pratiques moins claires et plus sournoises. Et François Bayrou est lui-même un exemple vivant de quelqu'un prêt à tout pour accéder à l'Elysée, chacun de ses faits et gestes étant motivée par cet objectif.

C'est un lieu commun que de dire que l'être humain est ambitieux, et il en faut certainement une bonne dose pour affronter les défis qu'ont à affronter les personnalités politiques. Mais il ne faut pas que ça en arrive à un point où ce mélange d'arrivisme et de basses manœuvres écartent structurellement les bonnes volontés qui peuvent pourtant beaucoup apporter. On peut croire qu'assumer son arrivisme éloigne l'hypocrisie, mais il reste au final que cet arrivisme obtus est bien laid à contempler pour la population. Au final, le milieu politique doit se rappeler qu'il ne doit se tromper de cible.

jeudi 11 décembre 2008

Le politicien corporatiste

Xavier Darcos n'est peut être pas très original ou subtil en se lançant dans une n-ième réforme de l'Education Nationale, cette fois-ci portant sur la structure de l'enseignement au lycée, il n'en est pas moins que sa dénonciation de "la culure de la grève" repose sur une base solide. D'une manière générale, c'est même toute une culture de la protestation à outrance qui handicape la France, et qui finit par fournir un vacarme de fond pénible et continuel, parfois même tragique lorsqu'il arrive que des voix justes et utiles ne puissent plus être entendues, faute de pouvoir s'en extraire. Le principe en est simple : chacun se sent le devoir de porter ses préoccupations sur la place publique, et fera tout soit pour défendre ses propres avatages particuliers, soit pour en obtenir de nouveaux, jusqu'à l'irrationnel. Ce sont les professeurs qui font grève car leur ministre de tutelle ne parlent pas d'eux en voulant les flatter. Ce sont les agriculteurs qui réclament des aides publiques dès que les prix du marché sont trop bas, ou que les récoltes sont trop faibles. Ce sont les chercheurs qui s'effraient à l'idée que la recherche puisse être financée par le secteur privé. Ce sont les médecins qui veulent augmenter les prix des consultations. Ce sont les ouvriers du livre qui veulent préserver leur monopole et leur contrôle d'un système de distribution. Ce sont les notaires qui veulent que toute transaction immobilière passe entre leurs mains pour toucher leur pourcentage. Ce sont les motards qui ne veulent plus d'arbres le long des routes car ils ont trop tendance à rentrer dedans...

Bref, c'est bel et bien toute une culture consistant à crier contre tout ce qui est considéré comme une menace, même lointaine, même exagérée ou délirante, qui forme le fond du débat en France. L'intérêt général est vite oublié, même s'il est parfois invoqué de façon alambiquée dans les discours, seuls les intérêts particuliers s'exprimes. Ceux qui doivent pourtant agir malgré tout ça sont les hommes politiques. Ce sont eux, en théorie, les garants de l'intérêt général. Mais que peuvent-ils accomplir s'ils sont les seuls à s'en soucier ? Pour pouvoir agir et changer les choses qui ne vont pas, le politicien doit pouvoir avoir des responsabilités. En démocratie, il doit obtenir les suffrages de ses concitoyens, qui l'élisent et contrôlent son travail. Si chacun les jugent en fonction de ses propres intérêts, alors on pourrait penser que tous les intérêts particuliers des électeurs sont aussi ceux du politicien.

Inévitablement, ces différents intérêts particuliers viendront à rentrer en conflit les uns avec les autres. L'intérêt du médecin pour augmenter le prix de ses consultations n'est pas celui de ses patients, au budget limité. L'intérêt des usagers des transports en commun pour des transports de qualité n'est pas celui du cheminot, prêt à tout pour défendre son droit de faire grève. Le politicien ne peut donc satisfaire tout le monde en même temps, et ne peut donc bien accomplir son travail pour lequel il est élu et rémunéré. S'il y avait un politicien corporatiste, voulant défendre son métier et ses conditions de travail, il aurait plus à gagner à obtenir que la population pense davantage à l'intérêt général, que de souhaiter que son régime de retraite soit maintenu ou que son enveloppe parlementaire soit grossie. Mais aujourd'hui, l'homme politique est une cible facile, soit parce qu'il fait des choix difficiles, soit parce qu'il n'en fait pas en promettant tout à tout le monde. Dans les deux cas il n'est qu'un miroir : l'insatisfaction de la société ne fait que se retourner vers elle-même. En tous temps, en tous lieux, on a les dirigeants que l'on mérite. Et si l'on s'intéressait davantage à l'intérêt général, non pas l'intérêt général interprété comme étant une extension de soi-même, mais au vrai intérêt général, celui dans lequel on peut aussi avoir à perdre si cela peut faire gagner la société dans son ensemble ?

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