Réflexions en cours

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lundi 13 décembre 2010

Copé, pourquoi faire ?

En étant à la tête de l'UMP pour son conseil national de samedi, Jean-François Copé a marqué une nouvelle étape dans son plan de carrière. Il n'en fait pas mystère, son but est de devenir Président de la République. Il y pensait certainement lorsqu'il a choisi de faire l'ENA, il y pensait lorsqu'il soutenait Jacques Chirac en 1995, il y pensait lorsqu'il était ministre lors du quinquennat précédent, il y pensait lorsqu'il dirigeait le groupe UMP à l'Assemblée Nationale, il y pense plus que jamais depuis qu'il est le secrétaire général de l'UMP. Depuis que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, n'a pas caché ses propres présidentielles, assumant ainsi son ambition personnelle, Jean-François Copé a choisi de suivre la même stratégie. Il fait donc savoir à tout le monde qu'il veut être à l'Elysée en 2017, se rangeant donc officiellement parmi ceux qui ont été obsédés par ce rêve toute leur vie (Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Laurent Fabius, Jacques Chirac, Ségolène Royal, François Bayrou...). C'est après tout son droit. Seulement, il a porté cette ambition au rang de fin en soi, sans jamais se préoccuper de fond.

Jean-François Copé suit son propre parcours, grimpant régulièrement l'échelle de la politique, sans jamais dire ce qu'il pense vraiment (autre que "je veux telle place"). Ses livres sont des témoignages, non l'exposition de ses idées. Ainsi, dans Promis, j'arrête la langue de bois, il explique de façon pathétique comment lors de la réélection de Jacques Chirac, sa seule préoccupation était de savoir quelle place il aurait au gouvernement, se désespérant que son téléphone ne sonne pas. Ce n'est peut-être pas de la langue de bois, c'est certainement parfaitement vrai, mais malheureusement, cela ne suscite que de la pitié pour n'avoir que ce genre de priorités. Et c'est comme cela que tout se résume à des questions de carrière personnelle. En 2004, il était candidat pour devenir le président de la région Ile-de-France, mais l'oublia dès que les élections furent terminées. A vrai dire, il se contenta de se féliciter pour être passé de "secrétaire d'Etat" à "ministre délégué" lors du remaniement qui suivit. En 2007, il aurait voulu un grand ministère, et se plaignit bruyamment de ne pas l'obtenir, avant se féliciter de devenir le nouveau président du groupe parlementaire. Et ces derniers mois, il fit campagne pour devenir le nouveau secrétaire général de l'UMP, sachant que c'est un passage obligé pour de plus hautes fonctions, se contentant de cracher sur le titulaire du poste, Xavier Bertrand, en guise d'arguments.

Et le plus surprenant, c'est qu'il n'a jamais prouvé quoi que ce soit dans les différents postes qu'il a occupé. Tant et si bien qu'il reste encore une feuille blanche : on sait qu'il veut monter de grade, mais on ne sait pas ce qu'il veut faire à son nouveau grade, ni s'il a bien rempli les fonctions de son grade précédent, s'il est compétent, ce qu'il pense, ou quoi que ce soit. On ne connaît pas sa ligne politique. Chiraquien sous Jacques Chirac, vaguement sarkozyste sous Nicolas Sarkozy, a-t-il des affinités avec la démocratie chrétienne ? le libéralisme ? l'interventionnisme gaulliste ? S'intéresse-t-il à la construction européenne ? Que veut-il changer ?

Il a paradoxalement monté un club de réflexion, Génération France. Ce groupuscule se décrit comme un lieu d'expression pour le débat d'idées, mais à le lecture de son site, il s'avère être un océan d'eau tiède. Sur chaque problème contemporain, toutes les causes sont citées, de nombreuses pistes d'exploration sont lancées... mais sans jamais arriver à une conclusion ferme. Au bout du compte, cela ne forme pas un programme politique, mais la seule impression qui reste est celle d'une écurie au service d'une ambition. Une ambition désincarnée. Certes, il reste sept ans à Jean-François Copé avant sa grande échéance. On a commencé à entendre Nicolas Sarkozy sur les grands sujets cinq années avant l'élection présidentielle, en passant précisément par des ministères importants. Mais il serait surement bon pour Jean-François Copé qu'il commence dès maintenant à se demander ce pourquoi il se bat.

mercredi 8 décembre 2010

La présidentielle de 2012

La prochaine élection présidentielle est dans 18 mois. Comme il y a cinq ans, il est possible de faire d'ores et déjà un tour des candidats potentiels pour voir comment le champ de bataille apparaîtra. Et le premier constat, c'est que les acteurs seront les mêmes. En premier lieu, se pose la question du sortant. Nicolas Sarkozy se représentera et obtiendra l'investiture de l'UMP. Il n'aura pas la tâche facile, loin de là. En France, le pouvoir en place est presque toujours sanctionné. L'alternance avait ainsi prévalu depuis 1981. En 2007, Nicolas Sarkozy a pu jouer de ses différences avec Jacques Chirac pour promettre la rupture et apparaître comme le candidat du changement. Cette fois-ci, il pourra toujours tenter de montrer qu'il a lui-même changé, ou bien proposer une vraie nouvelle dynamique pour ne pas paraître épuisé par le pouvoir. Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, les pronostics sont contre lui, surtout avec la crise économique que traverse le monde. Mais il peut se passer beaucoup de choses en 18 mois, la situation de la France peut s'améliorer, et il est surtout très aguerri en campagne électorale.

A contrario, la gauche est elle favorite. Le Parti Socialiste reste sur la lancée de sa victoire aux régionales, mais il ne faut pas oublier les raisons de sa défaites aux européennes de 2009. Le spectacle lamentable des divisions du Congrès de Reims avait autant écarté les électeurs que celui du Congrès de Rennes pour les élections législatives de 1993. Or ces divisions ne sont en rien résolues. D'ores et déjà, les candidats commencent à s'accumuler, avec en premier lieu l'inénarrable Ségolène Royal, qui n'a toujours pas compris les raisons de sa défaite de 2007, et considère toujours s'être fait voler la direction du PS.

Un de ses anciens lieutenants, Arnaud Montebourg, est lui aussi dans la course. C'est l'occasion pour lui de défendre ses marottes telles que la VIème République (mais plus le combat contre le cumul des mandats depuis qu'il en est devenu un adepte). Ses chances sont encore limitées, il pourrait par contre obtenir un gros ministère en cas de victoire de son camp. Dans cette catégorie, on trouve aussi Manuel Valls. Lui aussi a 48 ans, lui aussi est un ancien soutien de Ségolène Royal, lui aussi a des positions particulières (un réalisme qui fait tâche au PS), lui aussi considère qu'il peut devenir Président dès 2012... et lui aussi paraît pour l'instant destiné à gros ministère. Pierre Moscovici a lui cinq de plus, était favorable à Dominique Strauss-Kahn, mais si celui-ci n'y va pas, ne se sent pas en mesure de contenir son ambition et se dit prêt à y aller lui aussi.

Dominique Strauss-Kahn est bien la question qui reste en suspens. Le "pacte" DSK/Aubry dont on parle tant à l'heure actuelle reste bien mystérieux. La côte de popularité du premier est stratosphérique, et doit beaucoup à son éloignement du bourbier de la politique française. La seconde peut gagner à ne pas l'affronter de face. Martine Aubry pourrait aussi avoir du mal à organiser des primaires ouvertes (dans la mesure où sa candidature n'est pas évidente pour les autres prétendants, contrairement à Mitterrand autrefois), et serait dans ce cas contrainte à quitter la tête du PS. Elle a donc intérêt à repousser au maximum la désignation du candidat du PS, que ce soit pour son bien ou celui de DSK. Dans le cas d'une candidature de DSK, il ne reviendrait qu'au plus tard sur la scène politique (et ce malgré ses promesses de rester au FMI pendant tout son mandat). Il faudrait qu'il puisse décrocher l'investiture sans avoir à s'abimer face aux autres candidats, et peut être limiter les primaires aux adhérents du PS pour écarter l'influence de l'extrême gauche. Il pourrait alors proposer un ticket DSK/Aubry, avec l'ancienne ministre des Affaires sociales au poste de Premier ministre. Dans le cas où cette dernière irait seule au combat, la droite aura beau jeu de rappeler les dégâts de la politique des 35 heures qu'elle représente, qui seront toujours plus importants que la question du bouclier fiscal. Accessoirement, François Hollande est aussi candidat, mais a-t-il un quelconque soutien dans la population ?

Quel qu'il soit, le candidat du PS devra déjà faire avec les autres candidats de la gauche au premier tour. Eva Joly pour les Verts et Jean-Luc Mélenchon pour le Front de Gauche peuvent faire du bruit pendant la campagne, sans compter tous les candidats trotskystes qui ne manqueront pas d'apparaître. François Bayrou rentre aussi dans cette catégorie. En 2007, il avait fait campagne sur le thème du "ni l'un, ni l'autre", mais au cours des dernières années, ses attaques contre la majorité se sont faites avec une telle violence, une telle systématicité et tellement sans le moindre discernement qu'il aura certainement du mal à être fort parmi les électeurs qui se considèrent de droite. Autant de candidats qui pourraient gêner le PS, et représenter une opportunité pour Nicolas Sarkozy.

Seulement, celui-ci devra aussi faire avec ses propres menaces. Il y aura déjà certainement Marine Le Pen, qui entamera l'air de "Sarkozy vous a trompé en 2007, pour une vraie politique nationaliste, votez FN". La faiblesse de Jean-Marie Le Pen en 2002 avait été une vraie surprise, il est difficile de savoir ce qu'il en sera cette fois-ci. Pour les déçus du sarkozysme, une alternative est toujours Dominique de Villepin... à condition d'oublier son mauvais passage à Matignon entre 2005 et 2007. Si l'affaire Clearstream est toujours d'actualité, il pourra continuer à jouer le rôle du martyre. Il n'a aucune chance de gagner, étant peu apprécié tant à droite qu'à gauche. Mais il peut avoir un pouvoir de nuisance suffisant sur Nicolas Sarkozy, et lui faire perdre l'élection. C'est à n'en pas douter une satisfaction suffisante pour lui.

Il y a cinq ans, on pouvait s'attendre à l'arrivée de politiques plus marquées, et avec l'élection de Nicolas Sarkozy, ce fut le cas dans certains domaines. Aujourd'hui, il est impopulaire, et son style énerve probablement plus que les politiques qu'il met en place. En 2012, le défi sera encore plus grand pour lui. Sa chance serait d'être sous-estimé. Actuellement, l'influence de la gauche de la gauche dans le jeu politique semble avoir diminué, et si cela a des conséquences après l'élection présidentielle, ce serait déjà une bonne chose.

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