Réflexions en cours

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vendredi 29 décembre 2006

Les ambitions de Michèle Alliot-Marie

En refusant de briguer l'investiture UMP (ou le "soutien logistique et financier" du parti, comme elle souhaite le désigner), Michèle Alliot-Marie semble renoncer à la présidentielle. Pourtant, elle affirme qu'elle considère toujours une candidature hors parti. Mais si elle n'a pas l'investiture de la droite, cela voudra nécessairement dire que si elle se présente en dehors, il y aura au moins deux candidats qui en seront issus. Pour quelle utilité ? Diviser pour mieux régner ?

Une double candidature de l'UMP est le souhait de Jean-Marie Le Pen, qui table ouvertement sur une élimination de la droite au premier tour de la présidentielle, en comptant gagner l'élection face à Ségolène Royal. Le risque n'est pas mince, et c'est la raison pour laquelle cette candidature de Michèle Alliot-Marie serait jugée sévèrement par la droite, voire par tout à chacun. Surtout que son intervention n'apporte pas grand chose. Les "forums" de l'UMP dont elle avait demandé l'organisation ont montré les différences en fin de compte minces qu'elle avait avec Nicolas Sarkozy. Alors, que reste-t-il qui puisse justifier une candidature de sa part ? Ce n'est donc pas un projet de société fondamentalement différent ou incompatible développé par l'UMP. Une haine personnelle pour Nicolas Sarkozy ? Ce serait plutôt la raison qui motiverait Dominique de Villepin, autre personnalité à croire seule en sa destinée personnelle. Il ne reste plus qu'une ambition personnelle, d'autant plus folle qu'elle se fait sans le soutien de qui que ce soit. Il est en fait peu probable qu'elle se lance en fin de compte dans une candidature solo, mais toute la séquence de ses hésitations sur une éventuelle aventure solitaire et dangereuse laisse une étrange impression. Car si c'est une personne qui a de nombreuses qualités, la façon dont elle est intervenue donne l'image de quelqu'un soucieux avant tout de sa propre personne, à l'ego mal mis en avant. Ce n'est certes pas nouveau en politique, mais là c'est vraiment maladroit et absurde.

vendredi 15 décembre 2006

La parité en politique

Fallait-il une loi pour qu'il y ait la parité entre hommes et femmes dans la vie politique (en fait, qu'il y ait autant d'hommes que de femmes à chaque niveau) ? Non. Il est évidemment nécessaire qu'il n'y ait aucun critère qui soit discriminant à l'un ou l'autre des sexes dans les règles démocratiques, mais faire une loi car un genre est sous représenté, c'est aller bien au-delà.

Pour quelle raison n'y a-t-il pas assez de femmes dans les postes de pouvoir politique ? L'argument le plus entendu est que les politiciens seraient machistes, qu'ils feraient tout pour bloquer l'ascension de femmes qu'ils tiendraient dans leur globalité que pour peu de chose. On ne peut certes pas rejeter en bloc la possibilité de l'existence de machistes dans les partis politiques. Mais dans le jeu démocratique, nul n'est inamovible, personne n'est irremplaçable : si les femmes étaient tenues à l'écart du pouvoir explicitement, elles pourraient à loisir se faire élire directement par le peuple pour renvoyer chez eux de tels indélicats sexistes. En on est quand même pas là. Peut être faut-il se poser une autre question : quelle est la proportion de femmes parmi les adhérents aux partis politiques ? Ce n'est pas la même que celle de la population. En fait, les partis se félicitent du fait qu'actuellement leurs nouveaux adhérents sont moins masculins qu'avant, avec une part d'hommes supérieure à 60 % tout de même. Cela montre qu'il n'y pas autant de femmes que d'hommes qui dès le départ adhèrent à un parti politique. Pourtant, l'adhésion est ouverte à tous, il suffit de faire la démarche. L'explication pourrait se trouver dans l'oeuvre de Pierre Bourdieu : la socialisation des petites filles développerait moins leur goût pour le pouvoir, ce qui donnerait à l'âge adulte un attrait moins prononcé pour les postes à responsabilité en milieux hostile, via une réticence à la confrontation. Dès lors, elles sont moins nombreuses à rechercher le pouvoir en lui-même, surtout que les codes du milieu ont été écrits de façon masculine.

C'est donc un handicap de départ auquel il faut s'attaquer dès son origine, en incitant les filles à prendre part aux responsabilités, en leur faisant comprendre dès leur jeunesse qu'elles ont un rôle à jouer. Elles peuvent prendre conscience de ça plus tard aussi, et si l'on peut se réjouir qu'elles soient de plus en plus nombreuses à s'impliquer dans ces affaires, on regrette toujours qu'elles ne soient pas autant que les hommes à faire la démarche, à faire candidature pour une responsabilité, à prendre les initiatives qui les mettent devant l'affiche... Car sans se leurrer, ce sont là bien les moyens qui permettent d'arriver au pouvoir. Créer une loi pour arriver à un effet équivalent ne fait que créer un doute sur la légitimité d'un ou d'une parvenu(e), alors que sans le résultat ne pouvait être le résultat que de faits d'armes.

Cette vision dure et cynique de la politique peut sembler répulsante, mais il faut bien avouer que c'est celle qui prédomine depuis toujours. Ces règles n'ont pas lieu qu'en politique d'ailleurs, il en va ainsi également dans le monde des affaires. Les femmes sont en effet moins nombreuses à s'engager dans les filières qui permettent d'arriver le plus souvent au sommet des entreprises. En conséquence, là où il y un vrai problème de discrimination, c'est qu'à poste et compétences égaux le salaire ne soit pas le même entre un homme et une femme. Etablir la proportion de femmes dans les directions générales n'est pas suffisant pour établir une discrimination, puisqu'une femme, par les images qu'elle se représente, peut être la première à atténuer ses ambitions. Voilà quel est le domaine sur lequel il faut travailler désormais, maintenant qu'il n'y a plus de règles discriminantes. Il faut autant changer la mentalité de la femme peu ambitieuse que celle de l'homme machiste.

dimanche 10 décembre 2006

La stratégie du miroir

A l'issue des primaires socialistes, Ségolène Royal est désormais la candidate officielle du PS. En obtenant 60 % des voix et sa désignation au premier tour, elle montre une main mise forte sur son parti. Dominique Strauss-Kahn, candidat d'une ligne clairement sociale démocrate finit deuxième, malgré son expérience et sa stature d'homme d'Etat. Ou plutôt du fait de son expérience et de sa stature d'homme d'Etat. Et d'après le traitement que lui réserve Ségolène Royal depuis sa désignation, celle-ci n'a aucune envie de voir son ancien adversaire jouer un quelconque rôle dans sa campagne présidentielle, ne souhaitant que le marginaliser. Même sort en vue d'ailleurs pour le troisième, Laurent Fabius, tenant d'une ligne très à gauche au sein du PS. Seul ténor socialiste à trouver grâce aux yeux de Ségolène Royal : Jack Lang, qui a eu le mérite de mettre fin à sa propre candidature prématurément après avoir dit qu'il irait jusqu'au bout, de l'avoir rallié après avoir écrit un livre virulent envers la candidate, et de lui promettre une nouvelle crédibilité sur le plan international contre l'obtention d'un prestigieux ministère.

Mais alors, si Ségolène Royal n'est ni vraiment à gauche, ni sociale démocrate, qu'est-elle ? C'est bien simple : elle de votre avis. Tout son discours repose sur la "démocratie participative", qui suppose que les milieux politiques doivent se contenter d'écouter les demandes du peuple et de les exécuter, partant du principe que les citoyens sont les meilleurs experts de ce qu'ils vivent. Dans ce cas, pourquoi il y a-t-il des "personnes ressources" dans son équipe, qui jouent le même rôle que les experts traditionnels ? Ceux-ci doivent certes avoir moins d'importance au sein de cette campagne que dans les autres. Car toute la stratégie de Ségolène Royal consiste à faire croire aux gens qu'elle est comme eux et qu'elle pense la même chose qu'eux. Cela s'applique à tous ses auditoires : si la méthode connaît pour l'instant un certain succès auprès des citoyens français, elle est appliquée avec moins de bonheur à l'étranger. Ainsi, lors de sa récente visite au Proche-Orient, Ségolène Royal s'est contentée de rendre visite à tous les intervenants sans distinction de prise de position pour affirmer son accord avec eux. Justifiant les survols des forces françaises au Liban par Tsahal et demandant à la fois leur arrêt, elle n'a pas hésité à se montrer parfaitement contradictoire dans une région où la subtilité est de mise. Sa volonté d'apparaître d'accord avec tout le monde est même allée jusqu'à approuver les paroles d'un député du Hezbollah, notamment lorsque celui-ci évoquait les Etats-Unis d'après elle, alors que celui-ci venait de les comparer ainsi qu'Israël à des nazis. Il lui fallut 24 heures pour comprendre ce qu'elle avait dit.

Se trouve ainsi illustrée ce que l'on peut appeler la stratégie du miroir. Faute de fond, elle doit apparaître comme une espèce de pâte à modeler informe mais de belle couleur, dont chacun croit qu'elle deviendra ce qu'il souhaite. En se reconnaissant en elle, ses partisans ne font que voir un miroir qui reflètera toutes les images, même les plus antinomiques. Il y a ainsi une tromperie, puisque si elle reflète autant de visages que ceux qui la regardent, elle sera bien obligée de n'en garder qu'un en cas de réussite électorale, décevant tous les autres qui avaient mal cru trouver quelqu'un à leur goût. A moins évidemment qu'en gardant cette posture, la France ait le droit de cinq années de présidence informe. Mais si la stratégie est vouée en cas d'échec si l'on dépasse le seul cadre de l'élection, elle connaît indéniablement un certain succès actuellement. Si son élection n'est certainement pas souhaitable, le risque est fort néanmoins qu'elle se réalise. Cela ne doit en aucun cas sous-estimé. Et ce d'autant plus que cette stratégie lui permet également de repousser des critiques légitimes. Ainsi, ses concurrents à l'investiture socialiste ont découvert qu'ils ne pouvaient mettre en exergue le fait qu'elle soit incompétente : ceux qui se reconnaissaient en elle considéraient du même coup que c'était eux aussi qui étaient dépréciés. Il faudra donc bien démontrer que cette posture de reflet est tout à fait artificielle pour lutter efficacement contre la candidate socialiste.

Remarquons tout de même que si Ségolène Royal a tendance à être d'accord avec tout le monde, il est une catégorie qui fait exception : ses opposants politiques. Que ce soit au sein de la droite, à qui elle refuse de parler, ou bien au sein de son propre parti, comme ses concurrents à l'investiture socialiste ont découvert sa rancune tenace, conséquence du fait d'avoir osé s'opposer à elle. Dès lors, c'est bien sur la personnalité de la candidate que l'on peut se poser la question. Car si elle se montre comme l'apôtre de la démocratie participative, elle refuse obstinément les critiques et les objections, aussi légitimes et constructives soient-elles. Ségolène Royal ne sait pas où elle va, mais elle y va tête baissée. Et si sa stratégie du miroir peut se montrer efficace électoralement parlant, on ne peut que la craindre pour l'avenir de la France.

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