Réflexions en cours

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samedi 25 septembre 2010

Le chef, le stratège et le porte flingue

La vie politique française est ainsi faite que les personnalités politiques peuvent assez facilement être séparées en deux types différents. Cela ne dépend pas de leurs idées en matière de politique à appliquer, mais de leur nature, de leur caractère. On a d'abord celui qui est le plus spectaculaire, c'est le porte flingue. On le reconnait notamment par son goût pour la polémique, son sens de l'activisme et son implication en première ligne dans les luttes de politique politicienne. On a ensuite celui qui est plus discret et préfère agir dans l'ombre, le stratège. Aussi appelé quelque fois "éminence grise", il est souvent en charge des dossiers de fond, mais n'hésite pas à s'impliquer lui aussi dans les petits combats politiques qui font le quotidien du microcosme. Il est seulement plus en retrait, organisant les choses de loin, en étant précautionneux et en se voulant davantage décisif.

Le stratège et le porte flingue ont l'habitude de travailler au service de quelqu'un d'autre, qu'on appellera ici le chef, comme un chef de meute. Le chef est tout simplement un ancien stratège ou porte flingue qui est devenu indépendant et travaille désormais pour son propre compte. Il peut être à la tête d'une petite organisation, d'un courant au sein d'un parti, d'un parti politique, du gouvernement ou même de l'Etat. Son but est généralement de grimper d'échelon pour pouvoir mettre les politiques qu'il souhaite. Ses fidèles stratèges et porte flingues naviguent dans ce sillage, s'attendant eux aussi à être placés à l'aune de la faveur dont il jouit.

Les exemples ne manquent pas. Ainsi, Georges Pompidou pouvait compter, lorsqu'il était à l'Elysée, sur les services de Jacques Chirac, porte flingue placé dans un ministère, et d'Edouard Balladur, son secrétaire général, en tant qu'éminence grise. Alors que Jacques Chirac se démarquait par son énergie et sa virulence envers les ennemis réels ou supposés du Président, Edouard Balladur restait peu connu, mais n'en avait pas moins un poste important. Lors de la deuxième cohabitation mitterrandienne, ceux qui avaient autrefois combattu ensemble s'affrontèrent violemment. Chacun étant devenu chef, ils disposaient de leur propres troupes à envoyer dans des luttes sanglantes. Alain Juppé était un stratège pour Jacques Chirac, Charles Pasqua était un porte flingue pour Edouard Balladur, et ce dernier pouvait également compter sur des soldats plus jeunes. A l'époque, beaucoup de choses avaient été dites sur les deux Nicolas de Balladur, Nicolas Bazire le stratège directeur de cabinet à Matignon, et Nicolas Sarkozy, porte flingue ministre du budget.

Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy est à son tour devenu chef. Il a donc lui aussi des stratèges (comme Claude Guéant) et des porte flingues (comme Brice Hortefeux ou Frédéric Lefebvre). Evidemment, la formule s'applique parfaitement à gauche. Claude Bartolone était le porte flingue de Laurent Fabius avant de devenir celui de Martine Aubry. François Hollande était le porte flingue de Lionel Jospin avant de se mettre à son compte. Lorsqu'il était encore impliqué dans la politique française, Dominique Strauss Kahn pouvait compter sur Jean-Christophe Cambadélis comme porte flingue, et sur Pierre Moscovici pour jouer le rôle de stratège. Ce dernier essaie désormais de devenir indépendant, et lorgnerait bien sur une candidature à la présidentielle, mais n'a pas encore de troupes à son service.

Parfois, c'est aussi cela le renouvellement du personnel politique : les chefs sont écartés, et les anciens porte flingues et stratèges d'hier le deviennent à leur tour, voyant se recréer en dessous d'eux les rôles qu'ils jouaient précédemment.

vendredi 10 septembre 2010

Delors hier, DSK aujourd'hui

Dominique Strauss-Kahn bénéficie d'une côte de popularité stratosphérique. Il battrait à plate couture le Président sortant en cas d'élections anticipées, avec des scores bien supérieurs à tous les autres présidentiables socialistes. Dès lors, il apparait comme un recours pour la gauche, une sorte d'assurance de gagner. La situation rappelle fortement celle de Jacques Delors à l'approche de la présidentielle de 1995. En politique, être éloigné de la scène principale se révèle être un atout. Ainsi, Jacques Delors, en ayant passé une dizaine d'années à la tête de la Commission Européenne, avait une belle stature de chef d'une administration internationale. Il avait laissé un souvenir favorable de son passage au ministère des finances, avant d'entrer dans la Commission. Il incarnait l'image d'un homme sérieux et compétent, toujours actif mais ne s'impliquant plus de la politique politicienne nationale. C'était un atout : cela lui a permis de ne pas être impliqué par les échecs des gouvernements socialistes successifs, et de ne pas tremper dans le consternant congrès de Rennes. Fin 1994, il était le seul à être intact quand toute la gauche était en lambeaux. Contrairement aux autres, il aurait pu l'emporter face à Édouard Balladur et Jacques Chirac. S'il ne fut pas le candidat du PS, ce fut par son propre choix.

Aujourd'hui, la situation est ni plus ni moins la même pour Dominique Strauss-Kahn. En 2012, il aura passé cinq années à la tête du Fonds Monétaire Internationale, un poste important pour les pays du monde entier. Il a lui aussi laissé un souvenir positif de son passage au ministère des finances, entre 1997 et 1999. Il avait d'ores et déjà une stature présidentielle en 2007, lorsqu'il fut candidat aux primaires, mais ne fut pas désigné. Actuellement, il suit de très loin la politique intérieure française. Il continue d'agir en politique économique et internationale, mais ne peut plus être accusé aux tourments réguliers des socialistes français. Contrairement à tous les autres candidats socialistes potentiels, il n'a pas trempé dans le consternant congrès de Reims. Aujourd'hui, la gauche n'est pas exactement en lambeaux, mais malgré le bref scandale qu'il a traversé à Washington, il reste celui qui dispose de la meilleure image pour 2012. Il pourrait très bien l'emporter face à tous les autres candidats lors de la présidentielle. Reste à savoir si cela sera son choix.

La question en effet est de savoir s'il sera bien présent sur un bulletin de vote. En 1994, Jacques Delors avait décliné les appels à se présenter. Il n'en avait à vrai dire pas vraiment envie, et certains affirment qu'il souhaitait laisser le champs libre à la carrière politique de sa fille, Martine Aubry. Si Dominique Strauss-Kahn veut se présenter, il devra quitter en avance son poste de directeur du FMI, alors que son mandat cours jusqu'à fin 2012. Il aurait certainement à affronter des primaires, où il pourrait justement être face à Martine Aubry. Et il faudrait savoir également si le poste de Président de la République française est plus intéressant que celui qu'il occupe actuellement. Autrefois, il en avait envie. S'il le souhaite à nouveau, c'est là que sa trajectoire différera de celle de Jacques Delors.

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