Réflexions en cours

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vendredi 30 novembre 2007

La campagne permanente

D'habitude, les personnalités politiques se lancent à la conquête d'un poste en mettant en place une stratégie, en usant de toutes leurs aptitudes et en entretenant un dialogue avec les électeurs dans le but de récolter leurs voix. Une fois l'opération couronnée de succès, elles s'installent à leur nouveau poste, font ce qu'ils pensent être juste et à l'approche de la fin de leur mandat, s'inquiètent de devoir relancer le lourd processus de la campagne électorale. Si tout cela apparaît normal, il n'y manque pas moins une tâche qui a une véritable utilité, celle de poursuivre tout au long du mandat la campagne. Car si la personnalité politique a le sentiment de faire ce pour quoi elle a été élue, il n'en reste pas moins que le citoyen est inquiet de l'utilisation qui est faite du pouvoir qu'il a délégué pendant la durée d'un mandat. Tout le dialogue entre les personnalités politiques et les électeurs apparaît trop cyclique pour qu'il soit pris vraiment au sérieux par ces derniers. Un député peut recevoir les habitants de sa circonscription dans une permanence, mais cela ne suffit pas pour en faire un dialogue avec l'ensemble de la population, qui n'a lieu que pendant le temps d'une campagne électorale. Le cas est pire dans le cas d'un gouvernement ou d'un Président de la République, qui sont les représentants de la nation dans sa totalité.

La rupture de ce dialogue en fait une véritable difficulté dans l'accomplissement des tâches entreprises par le pouvoir politique. La légitimité de l'action est bien sûr plus évidente si celle-ci bénéficie d'une approbation forte. Les citoyens souhaitent pouvoir juger en temps réel de l'action de leurs responsables, et pouvoir leur transmettre des messages. De leurs côtés, les responsables politiques ont le besoin d'expliquer ce qu'il font et de comprendre l'état d'esprit de leurs concitoyens. Pour que ces objectifs soient remplis, il est nécessaire que le dialogue ne s'interrompe plus. L'un des conseillers de Jimmy Carter, Patrick Caddell, avait établi le besoin d'une campagne électorale qui ne s'arrête pas pour obtenir l'approbation du peuple jour après jour. Le terme de campagne permanente fut ainsi forgé, et repris par les démocrates américains.

La campagne permamente est le style de présidence assumé par Nicolas Sarkozy. "Je dis ce que je fais, et je fais ce que je dis" est l'un de ses leitmotivs. Cela se traduit par un activisme constant, la plupart du temps relayé par les médias, qui ont assez peu le choix puisque c'est manifestement lui qui fait l'actualité jour après jour. Cela se comprend, vu l'ampleur des changements qu'il souhaite opérer sur la société française. Mais le fait qu'il soit davantage présent dans les médias que son Premier ministre ou que ses prédécesseurs l'ont été exaspère certaines personnes, qui ont tôt fait d'accuser les médias de complicité. Mais le reproche est bien souvent uniquement de l'ordre de l'attaque politique. Il reste que les campagnes politiques sont l'occasion d'ébullitions intellectuelles et sociales, et pour forger, il faut que le fer soit chaux. Le risque est à chaque fois de retomber dans l'immobilisme. Voilà pourquoi la campagne permanente peut en fait être un élément de progrès. L'heure n'est certainement pas à la démobilisation du simple fait que l'élection présidentielle est passée.

jeudi 22 novembre 2007

L'ouverture redoutée

Pendant la dernière campagne présidentielle française, François Bayrou a voulu se désolidariser de la droite, l'alliée traditionnel du centre. Son but étant de rester le leader de son propre camp, il ne voulait pas devenir l'allié de la gauche pour autant. De ce fait, il s'excluait de lui même de toute majorité. Pour sortir de cette situation inconfortable, il énonça une stratégie audacieuse pour avoir une majorité dont il serait le chef : à ce moment-là, seuls ses plus ardents supporters le soutenaient, mais une fois qu'il serait élu, toutes les personnes de bonne volonté accepteraient de travailler avec lui pour changer les choses en France dans une sorte d'unité nationale, hors de la tension entre la droite et la gauche qui serait l'une des causes des difficultés du pays. A l'époque, ce scénario apparaissait comme hautement hypothétique. Mais lorsque, dans l'émission "J'ai une question à vous poser", Nicolas Sarkozy fut interrogé sur ce thème, il répondit qu'il menait alors une campagne où il exposait clairement ses idées et ses plans pour la France, mais qu'une fois élu, il aurait à coeur de rassembler au delà des frontières politiques pour mener ses réformes. C'est ce qu'il appelait l'ouverture.

Et comme il l'avait annoncé, il a réussi à augmenter le nombre de ses alliés alors qu'il se positionnait pourtant comme clairement à droite. Si un bon nombre des personnes qui vinrent à lui par l'ouverture le firent après ses victoires électorales, certaines l'avaient également rejoint pendant sa campagne. Ainsi, le centriste André Santini n'avait pas hésité à annoncer son soutien en sa faveur alors que François Bayrou grimpait spectaculairement dans les sondages. D'une manière générale, l'ouverture apparaît comme une manoeuvre politique redoutée, alors qu'elle permet d'ouvrir le champ politique. Ceux qui décident de travailler avec la droite alors qu'ils en étaient en théorie interdits l'ont fait en général par conviction, justement en tant que personnes de bonne volonté souhaitant sincèrement changer les choses en France. Et pourtant, François Bayrou ne cesse de persifler contre ceux qui l'ont quitté du fait de l'ouverture, alors qu'il attendait clairement que d'autres fassent la même sorte de mouvement. Pour lui, le véritable problème est qu'il ne fut pas fait en sa faveur.

Ceux qui ont accepté les propositions de l'ouverture l'ont souvent fait à la suite d'une analyse stratégique. Est-ce dans l'opposition que l'on a le plus de chances d'apporter les solutions que l'on souhaite voir appliquer ? Quelqu'un comme Jean-Marie Bockel avait de toutes façons beaucoup de mal à se faire entendre dans son propre parti. Gilles de Robien ne voulait plus être soumis à la stratégie improductive du cavalier seul de François Bayrou à l'UDF. Evidemment, parfois, le mouvement prend des airs de trahison. L'essai d'Eric Besson contre Ségolène Royal ne serait pas autant apparu comme une basse manoeuvre si celui-ci avait refusé d'entrer au gouvernement de François Fillon par la suite. Quant à Hervé Morin, il fut particulièrement étonnant de le voir quitter François Bayrou, alors qu'avec Marielle de Sarnez, il ne s'était illustré que comme un inlassable défenseur du président de l'UDF. Son changement de cap entre les deux tours ne passe pas comme autre chose que pour une inquiétude pour son avenir personnel. Il est vrai que les députés UDF avaient peu de chance de se faire réélire sans alliance avec la droite après la défaite de François Bayrou. Mais dans ce cas, cela pose la question de la conviction avec laquelle ils l'ont suivi pendant la campagne.

Si l'ouverture gêne l'opposition, ce n'est qu'une de ses conséquences, mais ce ne pouvait être son seul but. Au moins parce qu'en terme de dégât collatéral, elle gêne presque autant les politiciens de droite, bien peu ravis de voir ceux qui n'avaient pas fait campagne pour le gagnant, contrairement à eux, être "récompensés" à leur place. Le problème fondamental dans cette histoire est de voir les portefeuilles ministériels comme une récompense, alors qu'ils devraient être vus par tous comme une charge lourde de responsabilités. De plus, les différents camps politiques devraient commencer par ne plus considérer que leurs adversaires représentent le mal absolu, des personnes avec une interminable guerre est en cours. Ce n'est pas forcément faire l'unité nationale que de penser ainsi, mais c'est au moins avoir une vision plus saine du débat politique.

lundi 12 novembre 2007

Le cumul des mandats

En politique, être ambitieux est souvent en atout. Au moins pour le bien de sa carrière, c'est même une nécessité. Mais est-ce pour autant quelque chose de souhaitable ? La réponse est simple : il faut que l'ambition serve des convictions, et pas seulement une progression personnelle. Vouloir grimper les échelons sans vouloir par la même occasion servir l'intérêt général rend l'exercice vain, et celui qui l'accomplit méprisable. En affichant depuis longtemps son désir de devenir Président de la République, Nicolas Sarkozy a parfaitement assumé son ambition, et s'est ainsi exonéré de l'accusation d'hypocrisie. Jean-François Copé croit suivre cette démarche, en débordant à son tour de certitudes quant à son propre avenir présidentiel, n'hésitant pas à en parler dès maintenant. Certes, à ce niveau là au moins, on ne peut pas dire qu'il fasse de la langue de bois. Mais lorsque son action d'aujourd'hui n'est faite que dans un seul but, c'est à dire son propre avancement, en en oubliant l'intérêt de la France, il y a un vrai problème.

Jean-François Copé est devenu un symbole lorsqu'il décida d'entrer dans un cabinet d'avocats d'affaires. Il est désormais le symbole du politicien qui cumule les rôles jusqu'à l'excès. Député à l'Assemblée Nationale, il y a un rôle important en étant président de groupe (celui de l'UMP en l'occurrence). Il est aussi maire d'une ville d'une taille conséquente, Meaux. Et il est aussi président de communauté d'agglomération. Et il faut rajouter à cela le fait qu'il est conseiller régional (depuis sa campagne ratée pour les régionales en Ile de France en 2004). En sachant qu'il a aussi une famille, on se rend facilement compte qu'il n'a techniquement pas le temps pour bien assumer tous ces rôles. Et qu'après tout, d'autres pourraient s'en occuper sans que cela nuise à l'intérêt général. Dès lors, le rôle néfaste du cumul des mandats apparaît rapidement. Surtout qu'il ne serait pas envisageable à l'étranger. Les politiciens essaient tant bien que mal de le justifier en affirmant qu'être maire en plus d'être parlementaire permet de ne pas se couper de la vraie vie. Mais absolument rien ne condamne un parlementaire à se couper du peuple, et à abondonner sa circonscription. En fin de compte ce jeu apparaît pour ce qu'il est : le fait de miser sur plusieurs tableaux et de se garantir des rôles publics en cas de défaite à telle ou telle élection.

Aujourd'hui encore, nombreux sont les ministres ou secrétaires d'Etat à se présenter aux municipales. C'est leur droit, mais s'ils viennent à devenir maire, il faudra qu'ils en tirent les conséquences en abandonnant leur portefeuille. En fait, on peut envisager qu'un élu ait un job à plein temps, et éventuellement avoir un rôle consultatif, mais pas exécutif. Dans ce cas on peut être maire et conseiller régional ou général, à condition de ne pas avoir de responsabilités exécutives dans ces assemblées. Un parlementaire pourrait être également simple conseiller municipal. Ce serait le même cas que celui d'un travailleur ordinaire choisissant de s'engager pour la communauter à travers la vie publique en dehors de ces horaires de travail. Au delà, il y a un problème.

Pour avoir beaucoup cumulé, Nicolas Sarkozy ne risque pas de proner une attitude exemplaire sur ce sujet. Jacques Chirac avait également cumulé de façon improbable les postes de maire de Paris et de député de la Corrèze (en plus d'être président du RPR), mais cela ne l'avait pas empêché de vouloir de ses ministres le respect d'une règle de non cumul. Ségolène Royal, s'est retirée de son poste de député en ne se représentant pas, après avoir été élue présidente de région. Mais elle aura quand même cumulé trois ans, et si elle a fait cette promesse de non cumul, c'est bien parce qu'elle considérait ne pas arriver dans une situation où elle aurait du l'appliquer, pensant se faire élire à l'Elysée. D'une manière générale, presque personne n'évite le cumul. Et c'est encore un élément supplémentaire qui rend les Français circonspects quant à leur représentants politiques. Et dans les grands partis, ils ont peu le choix : à chaque fois, le candidat a déjà une responsabilité, mais ne promet jamais de la quitter en cas d'accession à une plus importante.

Photo : Reuters

vendredi 2 novembre 2007

Le mandat impératif

La France est une démocratie représentative. Le mandat impératif est d'ailleurs proscrit dans sa Consitution. Mais cela veut alors dire que le peuple élit ses représentants uniquement sur leur personnalité : en effet, au moment du choix, si un candidat n'est constitutionnellement pas tenu de faire ce qu'il a annoncé avant l'élection, sur quoi peut se reposer l'électeur ? Il ne lui reste alors que la bone mine du candidat. Mais celui-ci ne garantit pas pour autant sa bonne mine, ou la constance de sa personnalité. S'il se fait élire sur la base du fait qu'il est un homme généreux, il pourra être arrogant et égocentrique pendant tout son mandat sans que cela ne lui pose problème. Normalement, le bilan est fait lors de l'élection suivante. Et en cas de déception, il ne reste plus aux électeurs qu'à faire un nouveau pari sur la bonne impression laissée par tel ou tel candidat.

Ce système peu satisfaisant n'est évidemment pas appliqué en politique. Les électeurs peuvent légitimement demander aux candidats ce qu'ils pensent sur les différents sujets, et ce qu'ils comptent faire. Certes, les élus ne sont pas constitutionnellement tenus de faire ce qu'ils ont annoncé en tant que candidat. Mais qu'il y ait une parfaite indépendance entre ce qu'ils ont dit et ce qu'ils font ensuite a le don d'exaspérer une bonne partie des électeurs, qui considèrent que l'élection est le moment où l'on choisi le meilleur des candidats non seulement sur sa personnalité, mais aussi sur ses convictions et son projet. Dès lors, est-ce trop demander aux responsables politiques d'être constants dans leurs appréciations, sous peine que le peuple se sente floué et méprisé, dans le sens où il est tenu pour incapable de songer correctement aux affaires publiques ? Le mandat représentatif pris au pied de la lettre ne peut que favoriser la rupture du lien entre les gouvernants et les gouvernés.

Nicolas Sarkozy a fait campagne dès son intronisation sur un programme, qu'il a répété inlassablement pendant des mois. A l'intérieur de ce programme, on trouve des mesures attendues et nécessaires depuis bien longtemps, dont l'absence de courage politique a empêché jusque là l'adoption. Il s'est engagé sur ce programme, et de ce fait, son but sera de ne pas être pris en défaut dessus. Il n'a donc pas le choix, il doit appliquer ce programme pour lequel il a été élu, et c'est justement la légitimité d'une élection à forte participation dont il a été le vainqueur clair qui lui permet de l'appliquer. Nicolas Sarkozy doit désormais appliquer son programme. Il l'appliquera. Il a cinq années pour cela, et au bout de cette période, on fera les comptes. Il le sait certainement mieux que quiconque, il vaudra mieux à ce moment là que l'on ne puisse pas lui faire de reproche sur ce point. Si jamais il venait à manquer de courage, pour au bout du compter manquer au peuple français, ce ne serait pas seulement sa fin politique, ce serait aussi un nouveau coup dur pour le système politique français.

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