D'habitude, les personnalités politiques se lancent à la conquête d'un poste en mettant en place une stratégie, en usant de toutes leurs aptitudes et en entretenant un dialogue avec les électeurs dans le but de récolter leurs voix. Une fois l'opération couronnée de succès, elles s'installent à leur nouveau poste, font ce qu'ils pensent être juste et à l'approche de la fin de leur mandat, s'inquiètent de devoir relancer le lourd processus de la campagne électorale. Si tout cela apparaît normal, il n'y manque pas moins une tâche qui a une véritable utilité, celle de poursuivre tout au long du mandat la campagne. Car si la personnalité politique a le sentiment de faire ce pour quoi elle a été élue, il n'en reste pas moins que le citoyen est inquiet de l'utilisation qui est faite du pouvoir qu'il a délégué pendant la durée d'un mandat. Tout le dialogue entre les personnalités politiques et les électeurs apparaît trop cyclique pour qu'il soit pris vraiment au sérieux par ces derniers. Un député peut recevoir les habitants de sa circonscription dans une permanence, mais cela ne suffit pas pour en faire un dialogue avec l'ensemble de la population, qui n'a lieu que pendant le temps d'une campagne électorale. Le cas est pire dans le cas d'un gouvernement ou d'un Président de la République, qui sont les représentants de la nation dans sa totalité.

La rupture de ce dialogue en fait une véritable difficulté dans l'accomplissement des tâches entreprises par le pouvoir politique. La légitimité de l'action est bien sûr plus évidente si celle-ci bénéficie d'une approbation forte. Les citoyens souhaitent pouvoir juger en temps réel de l'action de leurs responsables, et pouvoir leur transmettre des messages. De leurs côtés, les responsables politiques ont le besoin d'expliquer ce qu'il font et de comprendre l'état d'esprit de leurs concitoyens. Pour que ces objectifs soient remplis, il est nécessaire que le dialogue ne s'interrompe plus. L'un des conseillers de Jimmy Carter, Patrick Caddell, avait établi le besoin d'une campagne électorale qui ne s'arrête pas pour obtenir l'approbation du peuple jour après jour. Le terme de campagne permanente fut ainsi forgé, et repris par les démocrates américains.

La campagne permamente est le style de présidence assumé par Nicolas Sarkozy. "Je dis ce que je fais, et je fais ce que je dis" est l'un de ses leitmotivs. Cela se traduit par un activisme constant, la plupart du temps relayé par les médias, qui ont assez peu le choix puisque c'est manifestement lui qui fait l'actualité jour après jour. Cela se comprend, vu l'ampleur des changements qu'il souhaite opérer sur la société française. Mais le fait qu'il soit davantage présent dans les médias que son Premier ministre ou que ses prédécesseurs l'ont été exaspère certaines personnes, qui ont tôt fait d'accuser les médias de complicité. Mais le reproche est bien souvent uniquement de l'ordre de l'attaque politique. Il reste que les campagnes politiques sont l'occasion d'ébullitions intellectuelles et sociales, et pour forger, il faut que le fer soit chaux. Le risque est à chaque fois de retomber dans l'immobilisme. Voilà pourquoi la campagne permanente peut en fait être un élément de progrès. L'heure n'est certainement pas à la démobilisation du simple fait que l'élection présidentielle est passée.