Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 27 février 2011

Tribune exclusive des diplomates du groupe Etienne Marcel

Ce blog produit ici en première exclusivité la tribune des diplomates éminents du groupe Etienne Marcel, du nom du café du deuxième arrondissement où il se sont rencontrés pour discuter du texte :

"Après la tribune du groupe Marly dans Le Monde, celle du groupe Rostand dans Le Figaro et plus récemment celle du groupe Albert Camus dans Libération, nous tenons nous aussi, du fait de notre expérience de diplomates aguerris, à défendre courageusement et anonymement nos convictions. Le rôle d'un diplomate est d'assurer le dialogue entre nations, pas de déterminer la politique extérieur du pays qu'ils servent. La politique doit être menée par les représentants du peuple qui sont légitimement élus, pas par des hauts fonctionnaires, quelque soit les prétentions dont ils se prévalent. En l'occurrence, si un diplomate veut faire de la politique, il peut tout à fait se présenter aux élections. S'il considère qu'il ne peut mener la politique qui est menée par le gouvernement, il a parfaitement le droit de quitter son poste. Mais il ne peut pas profiter de sa position pour mener la politique qu'il souhaite lui-même mener, sans qu'elle ait été validée par les représentants du peuple.

Alors plutôt que d'essayer de remettre en cause la politique menée par le gouvernement, pourquoi ne pas nous concentrer sur notre fonction de diplomate, et laisser aux parlements et aux électeurs le soin de juger ladite politique ? Nous sommes au service d'un pays, pas de nous-mêmes. Jouer aux vengeurs masqués n'est pas digne de notre fonction, et fragilise notre profession. Les Français doivent savoir qu'ils gardent en leur contrôle la politique étrangère, et que nous sommes à leur service."

Le groupe Etienne Marcel

mercredi 23 février 2011

Des conflits d'intérêts en politique

Le fait que la femme d'Eric Woerth soit employée par Liliane Bettencourt ou le voyage controversé de Michèle Alliot-Marie en Tunisie ont mis sur le devant de la scène la question des conflits d'intérêts, à travers des scandales plus ou moins artificiels. Un rapport commandé par le Président de la République sur ce sujet a récemment été publié, faisant des propositions très strictes pour éviter tout conflit d'intérêt potentiel pour les membres du gouvernements. Il en arrive même à faire une proposition absurde : inscrire dans la Constitution l'impossibilité d'être membre du gouvernement et d'être dirigeant de parti politique. Et cela, pour "ne pas exposer inutilement [les membres du gouvernement] à la polémique". Ce serait bien une première. A l'étranger, c'est même l'inverse qui prévaut. En Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, les chefs de gouvernement sont à chaque fois les dirigeants du principal parti de la majorité. Qui irait reprocher à Angela Merkel de diriger la CDU en même temps que l'Allemagne ? S'il y a bien des polémiques inutiles, quel est le problème ? Le ministre qui en est l'objet, ou bien l'inutilité de la polémique elle-même ?

Le rapport Sauvé se montre plus raisonnable sur la question des cadeaux. Il propose une loi interdisant les cadeaux, libéralités et invitations aux acteurs publics (ministres, dirigeants d'organismes publics ou hauts fonctionnaires, mais cela pourrait aussi s'appliquer aux parlementaires), à l'exception de l'hospitalité "conventionnelle" et des cadeaux mineurs, de moins de 150 euros par exemple. Les cadeaux protocolaires seraient reversés à l'administration, et dument enregistrés. Avec l'implémentation de ce genre de règles, le soupçon de corruption aurait moins d'espace.

Mais en ce qui concerne l'activité professionnelle, on peut difficilement attendre d'un ministre ou d'un parlementaire qu'il soit coupé de la société. Un ministre médecin pourra être intéressé par l'augmentation des honoraires par la Sécurité Sociale, un sénateur entrepreneur pourra plus facilement voter des aides qui vont vers son secteur... et un député enseignant sera particulièrement intéressé par telle réforme de la fonction publique. Au bout d'un moment, cela fait partie de l'expertise de la personne concernée. Il est même préférable que nos représentants aient eu une vie professionnelle autre que des mandats électoraux. Et on ne peut pas non plus interdire à la famille d'une personnalité politique d'avoir sa propre activité professionnelle.

En fait, dans ce domaine, la vraie question est celle de la transparence. Il serait préférable que toute activité, tout conflit d'intérêt potentiel soit dûment enregistré, et puisse être consulté par le plus grand nombre. La conscience de cette surveillance serait un outil plus efficace pour éviter les décisions biaisées que l'impossibilité de prendre ce genre de décisions (une méthode qui handicaperait finalement la démocratie).

lundi 14 février 2011

Les futurs ministres socialistes

José Luis Zapatero est devenu Premier ministre à 43 ans. Tony Blair l'est devenu quelques jours avant ses 44 ans. Pour David Cameron, c'était à 43 ans également. Barack Obama est devenu Président à 47 ans. En voyant cela, bon nombre de hiérarques du Parti Socialiste s'énervent. Ils sont déjà plus âgés que ces exemples notables, et ils n'ont jamais été ne serait-ce que ministre. Ils désespèrent de voir le temps passer, et les opportunités d'occuper le pouvoir s'envoler. Il y a comme un problème de génération. En 1997, les anciens poids lourds de Mitterrand occupaient encore le premier plan, avec Lionel Jospin à Matignon. Mais les anciennes nouvelles figures des années 80 devenaient elles-mêmes les poids lourds de Lionel Jospin, avec Dominique Strauss-Kahn à Bercy ou Martine Aubry. A ce moment-là, de nouvelles têtes commençaient à nouveau à émerger. Normalement, en 2002, tout le monde aurait du avancer un cran. Ce n'est pas arrivé. Ce n'est pas arrivé non plus en 2007...

Du coup, alors qu'on continue toujours de parler de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry pour l'Elysée, les quadragénaires d'hier souhaitent désormais accéder eux-mêmes directement aux plus hautes responsabilités. Ils n'ont jamais été ministres, mais ils considèrent que le temps passé à l'Assemblée Nationale ou à diriger une collectivité locale leur a donné l'expérience nécessaire de l'Etat. Arnaud Montebourg est même allé jusqu'à renier ses propres combats contre le cumul des mandats pour prendre la tête du conseil général de Saône-et-Loire, afin de pouvoir dire qu'il a dirigé quelque chose dans sa vie. On retrouve donc beaucoup de monde aux primaires du PS, mais il n'y aura qu'un seul candidat. Ils gagneront néanmoins en poids politique, et ne refuseront certainement pas un quelconque portefeuille ministériel en cas de victoire. On peut alors essayer d'imaginer à quoi ressemblerait un gouvernement socialiste dans ce cas.

Ceux qui ont déjà été ministres sont les favoris dans les primaires. Si la gauche gagne, le Président et le Premier ministre seraient une combinaison parmi les noms suivants : Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Ségolène Royal. Et si Ségolène Royal arrivait à l'un de ces deux postes, il serait très étrange de voir François Hollande à un quelconque niveau dans le gouvernement, mais on ne peut jurer de rien. Ce serait surtout le moment de la grande distribution des postes, les récompenses attribuées après 10 ans d'attentes.

Arnaud Montebourg (48 ans actuellement) se verrait certainement bien en garde des Sceaux : il a toujours tout vu sous l'angle juridique, et s'amuse à jouer aux constitutionnalistes. Un choix plus sage serait André Vallini (54 ans), mais le poids politique compte lors de la composition d'un gouvernement. Grâce aux centre d'intérêts qu'il a montrés, Pierre Moscovici (53 ans) pourrait occuper le Quai d'Orsay. De même, l'insistance de Manuel Valls (48 ans) sur les questions de sécurité le placerait bien à l'Intérieur. En tant que professeur, Vincent Peillon (50 ans) serait facilement casé à l'Éducation Nationale. Quelqu'un comme Jean-Marc Ayrault (61 ans) aura dirigé le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale pendant pas moins de quinze années, s'il ne veut pas du perchoir, il pourra prétendre à un ministère important également. Lui et Jean-Christophe Cambadélis, un autre ancien apparatchik du PS (59 ans), pourraient se partager par exemple les ministères des finances et des affaires sociales. A moins que ce dernier ne s'occupe de la Défense... Il faudrait également trouver des postes à Benoît Hamon (43 ans), Claude Bartolone (59 ans), Harlem Désir (51 ans) et peut-être à Julien Dray (55 ans). Et parmi les postes importants restants à répartir, il y aurait le ministère des transports, la présidence de l'Assemblée Nationale et la direction du Parti Socialiste.

On voit tout de même que l'on est pas dans le grand rajeunissement de la politique avec de telles personnalités. Ce sont essentiellement des quinquagénaires. Bien sûr, ces hypothèses ne tiennent pas compte de l'entrée de non socialistes au gouvernement, mais le poids des communistes et écologistes avait été en fin de compte très modeste dans celui de "Gauche Plurielle" en 1997. Le plus frappant dans ces hypothèses, et ce qui tend à les invalider, c'est l'absence de femmes parmi toutes ces personnalités politiques. Mis à part Martine Aubry (60 ans) et Ségolène Royal (57 ans) qui visent toutes deux l'Elysée, il n'y a que des hommes parmi tous ceux qui ont été au premier plan du PS depuis 10 ans. Est-ce parce qu'en proportion, peu de femmes ont souhaité afficher des ambitions personnelles fortes ?

Bien sûr, si Martine Aubry est Présidente et Ségolène Royal Premier ministre, la question ne se posera pas de la même façon. Mais toujours est-il que derrière elles, il n'y a que peu de femmes. En 2007, Ségolène Royal avait monté une jeune garde féminine, avec Aurélie Filippetti (37 ans) ou Najat Belkacem (33 ans). Elles pourraient évidemment accéder au gouvernement, mais pour avoir accès aux plus gros portefeuilles, elles devront bénéficier d'un coup de main face aux autres éléphants qui attendent depuis si longtemps un maroquin. Sur son site internet, le PS se targue que son secrétariat national est rajeuni et aux couleurs de la diversité. Mais ce n'est pas vraiment un lieu de parité hommes/femmes, puisqu'elles ne sont que 20 sur un effectif pléthorique de 65 secrétaires. En somme, le Parti Socialiste peut penser qu'il a une équipe prête à reprendre le pouvoir, mais le signal qu'enverra sa composition risque d'être un peu curieux.

lundi 7 février 2011

Un candidat radical ?

La sortie de Jean-Louis Borloo du gouvernement a pu surprendre (il y était depuis huit ans), mais elle s'explique très bien. Il avait accompli ce qu'il voulait aux postes qu'il avait occupé, sauf un grand plan de politique générale. Cela supposait qu'il reste longtemps à Bercy ou qu'il atteigne Matignon, deux choses qui ne lui ont pas été accordé. Une troisième alternative est bien sûr de prendre l'Elysée. Ministre d'Etat pendant plusieurs années, il a le parcours qu'il faut pour devenir Premier ministre, et chaque premier-ministrable majeur est également un présidentiable de second rang. En l'occurrence, la candidature à la Présidence pourrait bien n'être qu'une manœuvre pour gagner en poids politique. Le désarroi dans lequel les centristes se trouvent actuellement lui ouvre quelques perspectives intéressantes. Jean-Louis Borloo a quelques atouts en sa main. Déjà, son absence du gouvernement le protège grandement d'attaques violentes comme celle que subit Michèle Alliot-Marie en ce moment. Sa longue présence au gouvernement fait qu'il est bien connu de tous, mais il peut encore se présenter comme une solution alternative. Il a aussi son propre parti, le Parti radical, le plus vieux parti de France, qui bien que loin de ses anciens jours de gloire, conserve toujours une présence certaine sur le territoire.

Jean-Louis Borloo n'a connu le Parti Radical que sur le tard. En fait, le Parti Radical est toujours resté assez solide, mais manquait de têtes d'affiches. Celles-ci viennent donc se greffer à lui, chacun y trouvant son compte, pour peu qu'ils soient compatibles au niveau des valeurs. C'était le cas de Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1969, mais encore aujourd'hui, des personnalités comme Jean-Louis Borloo, Rama Yade ou Yves Jégo ont rejoint d'authentiques radicaux tels qu'André Rossinot, Laurent Hénart ou François Loos.

Un autre parti suit aussi exactement la même stratégie. Et pour cause. C'est le Parti Radical... de gauche. Constamment maltraité par le Parti Socialiste (alors que le Parti Radical valoisien, celui de Jean-Louis Borloo était parti prenante dans l'UDF puis l'UMP), les radicaux de gauche hésitent entre se voir accordé des miettes en cas d'alliance électorale avec le PS, et faire des scores très faibles en solo. Les deux stratégies sont utilisées avec alternance. Les radicaux de gauche avaient connu le succès en recrutant Bernard Tapie en 1994, puis l'échec avec l'étrange candidature de Christiane Taubira en 2002, mais aujourd'hui, ils sont à nouveau dépourvus de tête d'affiche.

En fait, la division du Parti Radical, qui a eu lieu au début des années 70 du fait de la nécessité de faire un choix entre des candidats à la présidentielle, reste assez artificielle sur le fond. Les deux héritiers gardent les mêmes idées : profondément laïque, favorable à la construction européenne, hostile au communautarisme et enclin à un certain équilibre en matière économique. Au Sénat, ils siègent dans le même groupe. La tentation est donc grande de réunir ces deux partis, et c'est qu'essaie de faire Jean-Louis Borloo depuis quelques années. Il pourrait ainsi être le candidat de tous les radicaux.

C'est possible, mais ça reste peu probable. Comme pour François Bayrou en 2007, une candidature purement centriste rencontrerait un obstacle majeur : la nécessité de faire un choix entre la gauche et la droite s'imposera à un moment ou à un autre. Et cette question n'a rien d'anodine pour les radicaux, puisque c'est précisément celle qui les a séparé pendant 40 ans. Actuellement, les radicaux valoisiens sont en position de force, mais pour la plus grande partie des militants des radicaux de gauche, se considérer comme étant gauche restera toujours comme une satisfaction morale supérieure. Pour tous ceux-là, l'alliance avec la droite résonnera comme la marque de la trahison. Jean-Louis Borloo pourra donc tenter le coup, mais il ne faudra pas qu'il y compte trop.

mardi 1 février 2011

Mélenchon ou le retour de la violence en politique

La scène se passe au Parti de Gauche. Deux caméras sont braquées sur Jean-Luc Mélenchon. Il a un micro cravate accroché à la chemise, et un micro perche au dessus de sa table. On lui montre un extrait du journal télévisé de France 2, où des syndicalistes mettent à sac les locaux de leur entreprise. David Pujadas pose des questions sur la légitimité de ces actes au leader CGT local. "Salaud !", "larbin !", tels sont les mots dont Jean-Luc Mélenchon se sert devant les caméras pour qualifier le journaliste. Il est coutumier de ce cette façon de s'exprimer basée sur l'insulte et le mépris. En titrant son livre "Qu'ils s'en aillent tous !", il montre en effet jusqu'à quel point il se considère supérieur à tous les autres. Il est peu probable en effet qu'il montre l'exemple en s'en allant le premier. D'une manière générale, ceux qui ne pensent pas comme lui ne risquent pas de trouver grâce à ses yeux.

Cela pose problème, car cela rend le débat politique bien plus compliqué. Comment, en effet, discuter avec des gens qui ne montrent que mépris et lancent les insultes facilement, lorsque apparaissent des désaccords ? L'insulte, le mépris, ou la censure, voilà l'alternative, le sort réservé explicitement à celui qui osera disconvenir face à la parole mélenchonniste. C'est d'autant plus regrettable que ce genre de procédés n'incite pas de bienveillance en retour, et pousse surtout à l'appauvrissement de la discussion. Sans être vraiment surpris, on y retrouve les techniques oratoires traditionnelles de l'extrême gauche.

A la base, il y a avant tout le manichéisme. Le camp défendu l'est toujours, malgré tout, car il a toujours raison, et les autres ont en conséquence toujours tort. De ce fait, tout acte douteux ou scandaleux se trouvera parfaitement justifié, au pire en affirmant que c'est le résultat de l'opposition hostile dont ce camp est la victime. Enfin, cette opposition est très mal comprise. Elle sera considérée comme un manque d'informations, ou bien comme le résultat d'une détestable malhonnêteté. Dans les deux cas, cette opposition sera refusée, disqualifiée d'un revers de main. D'où le mépris, l'insulte et la censure.

C'étaient les façons de faire des communistes il y a quelques décennies. Le quotidien L'Humanité défendait le Parti Communiste Français et l'URSS envers et contre tout. L'URSS elle-même procédait ainsi de façon étatique. Si un dissident avait une bonne image, et ne pouvait à ce titre être conspué facilement, il était envoyé à l'asile. Ne pas arriver à comprendre la supériorité du système soviétique était alors vu comme une marque de folie, et le dissident, parfois éminent scientifique, était envoyé chez les fous. Si le dissident ne bénéficiait pas de telles marques d'estime, il était supprimé plus brutalement, en étant envoyé dans les goulags. Mais dans les deux cas, l'expression est censurée. La propagande d'Etat se chargeait d'expliquer la vision des autorités, et de condamner celles dissidentes si jamais elles étaient reconnues.

Jean-Luc Mélenchon a quitté le Parti Socialiste pour créer le Front de Gauche avec le Parti Communiste. A la suite de la chute de l'empire soviétique, ce dernier avait beaucoup moins d'espaces d'expressions, car il est totalement discrédité par l'Histoire. Mais à travers Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche, on retrouve toute cette violence qui habitait la vie politique jusque dans les années 70. La violence verbale d'une part, à travers les discours tenus par Jean-Luc Mélenchon et ses militants. La violence physique d'autre part, légitimée lorsqu'elle est qualifiée d'"action syndicale". Dans les deux cas, c'est une évolution funeste. Mais ce n'est pas étonnant de la part de Jean-Luc Mélenchon, qui a seulement trouvé un porte-voix plus puissant en s'éloignant du Parti Socialiste. On peut d'ailleurs se demander ce qu'il y faisait jusque là...

free hit counter