Le fait que la femme d'Eric Woerth soit employée par Liliane Bettencourt ou le voyage controversé de Michèle Alliot-Marie en Tunisie ont mis sur le devant de la scène la question des conflits d'intérêts, à travers des scandales plus ou moins artificiels. Un rapport commandé par le Président de la République sur ce sujet a récemment été publié, faisant des propositions très strictes pour éviter tout conflit d'intérêt potentiel pour les membres du gouvernements. Il en arrive même à faire une proposition absurde : inscrire dans la Constitution l'impossibilité d'être membre du gouvernement et d'être dirigeant de parti politique. Et cela, pour "ne pas exposer inutilement [les membres du gouvernement] à la polémique". Ce serait bien une première. A l'étranger, c'est même l'inverse qui prévaut. En Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, les chefs de gouvernement sont à chaque fois les dirigeants du principal parti de la majorité. Qui irait reprocher à Angela Merkel de diriger la CDU en même temps que l'Allemagne ? S'il y a bien des polémiques inutiles, quel est le problème ? Le ministre qui en est l'objet, ou bien l'inutilité de la polémique elle-même ?

Le rapport Sauvé se montre plus raisonnable sur la question des cadeaux. Il propose une loi interdisant les cadeaux, libéralités et invitations aux acteurs publics (ministres, dirigeants d'organismes publics ou hauts fonctionnaires, mais cela pourrait aussi s'appliquer aux parlementaires), à l'exception de l'hospitalité "conventionnelle" et des cadeaux mineurs, de moins de 150 euros par exemple. Les cadeaux protocolaires seraient reversés à l'administration, et dument enregistrés. Avec l'implémentation de ce genre de règles, le soupçon de corruption aurait moins d'espace.

Mais en ce qui concerne l'activité professionnelle, on peut difficilement attendre d'un ministre ou d'un parlementaire qu'il soit coupé de la société. Un ministre médecin pourra être intéressé par l'augmentation des honoraires par la Sécurité Sociale, un sénateur entrepreneur pourra plus facilement voter des aides qui vont vers son secteur... et un député enseignant sera particulièrement intéressé par telle réforme de la fonction publique. Au bout d'un moment, cela fait partie de l'expertise de la personne concernée. Il est même préférable que nos représentants aient eu une vie professionnelle autre que des mandats électoraux. Et on ne peut pas non plus interdire à la famille d'une personnalité politique d'avoir sa propre activité professionnelle.

En fait, dans ce domaine, la vraie question est celle de la transparence. Il serait préférable que toute activité, tout conflit d'intérêt potentiel soit dûment enregistré, et puisse être consulté par le plus grand nombre. La conscience de cette surveillance serait un outil plus efficace pour éviter les décisions biaisées que l'impossibilité de prendre ce genre de décisions (une méthode qui handicaperait finalement la démocratie).