Réflexions en cours

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samedi 28 avril 2012

Analyse chiffrée du premier tour

Le premier tour de la présidentielle est passée, et comme avant, la campagne électorale ne consiste qu'en invectives, accusations absurdes et délires de toutes sortes. Et si on regardait plutôt les faits, en observant les votes de ce premier tour, et leur évolution depuis le premier tour de la présidentielle de 2007 ? Ne serait-ce qu'en procédant par grands ensembles, même si cela simplifie forcément et élimine bien sûr tous les cas particuliers, on arrive à apprendre certaines choses. Par exemple, avec 828 345 voix, Eva Joly fait mieux que Dominique Voynet en 2007, qui n'en avait récolté que 576 666. Mais elle n'a tout de même pas de quoi se réjouir, sachant qu'à cette époque, José Bové s'était également présenté, et que "Europe Ecologie Les Verts" devaient justement représenter cette alliance de tous les "écologistes" de gauche. A cet égard, Eva Joly fait bien moins que l'addition des voix de Dominique Voynet et de José Bové.

Pour continuer sur les candidats de niche, Nicolas Dupont-Aignan fait également moins bien que le précédent candidat souverainiste, Philippe de Villiers, avec 643 907 voix contre 818 407. Cette déperdition n'a pas profité à Nicolas Sarkozy, qui par rapport à son score de 2007, auquel il faudrait rajouter les voix de Frédéric Nihous qui l'a soutenu cette année, perd 2 115 679 votes.

Le plus surprenant dans tout cela, c'est qu'au final, la droite a gagné des électeurs, alors même qu'il y avait plus de 800 000 suffrages exprimés de moins. En effet, les électeurs perdus par Nicolas Sarkozy et Nicolas Dupont-Aignan ne suffisent pas à expliquer le surplus d'électeurs de Marine Le Pen. Au final, c'est donc près de 300 000 électeurs que la droite en général compte de plus par rapport à 2007.

Bien évidemment, ils ne viennent pas de la gauche. Dans son ensemble, elle progresse elle-même de plus de 2,4 millions de voix. Les 772 593 électeurs gagnés par François Hollande par rapport à Ségolène Royal ne sont pas la plus grande progression. Elle revient à Jean-Luc Mélenchon, qui même lui attribuant les électeurs perdus par Philippe Poutou et Nathalie Artaud sur Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, gagne 1,9 millions d'électeurs qui n'étaient pas à l'extrême gauche auparavant. On voit donc à quel point les extrêmes ont le vent en poupe en France.

Mais alors, si la droite et la gauche gagnent tous deux des suffrages, alors que le nombre de votants a diminué, d'où viennent-ils ? L'analyse froide est cruelle pour François Bayrou et son MoDem, car c'est là que se trouve que se trouve la grande hémorragie. 3 544 997 voix de moins qu'en 2007, c'est moins d'un électeur sur deux qui est resté. C'est plus que la simple augmentation des bulletins blanc ou nuls, ainsi que des abstentionnistes. Certes, ces électeurs perdus n'ont probablement pas directement sauté vers les Fronts, National et De Gauche. Mais cela veut au minimum dire qu'il y a un mouvement global de "décentrage" des électeurs, chacun étant donc plus à droite ou à gauche qu'auparavant, se répercutant en cascade sur tout l'axe politique. Cela aura forcément des conséquences sur la politique française.

mercredi 25 avril 2012

Score record du Front National

Raisonnons en nombre de voix : 6 421 773 personnes ont voté pour Marine Le Pen lors du premier tour de la présidentielle, dimanche dernier. C'est un résultat énorme, un record tant en nombre de voix donc qu'en part de l'électorat. Il en avait fallu beaucoup moins à son père pour passer au deuxième tour en 2002, mais cette année, les deux principaux candidats sont restés à des niveaux bien plus élevés. Il faut noter la progression : en 1988, Jean-Marie Le Pen faisait 4 376 742 voix. En 1995, il passait à 4 571 138 électeurs. 2002 était le précédent record du Front National, avec 4 804 713 voix, mais même en ajoutant les 667 026 voix de Bruno Mégret, un dissident frontiste lors de cette élection, il y a toujours une différence d'un million de personnes. Un millions de voix en plus par rapport en 2002. Le choc était déjà grand en 2002, mais avec ce million en plus, c'est toute la société qui est interpellée. Alors, que s'est-il passé ?

Pour commencer, ce n'est pas une surprise en soi. A vrai dire, on craignait déjà un score élevé du candidat du Front National en 2007, et ce d'autant plus que les sondages traditionnellement évaluent mal ce poids politique. Entre 2002 et 2007, les raisons du vote FN n'avaient pas diminué, et déjà à l'époque, on redoutait le futur remplacement de Jean-Marie Le Pen par sa fille, aussi percutante, mais évidemment plus jeune. A l'époque, la surprise fut le faible score du FN, en bonne partie car Nicolas Sarkozy avait réussi à obtenir le vote de personnes jusque là déçues par la droite.

Au vu des résultats, on s'aperçoit bien que ces mêmes personnes ont été déçues à nouveau. Le fond du problème de positionnement de Nicolas Sarkozy est qu'il a été trop à droite dans le discours, et pas assez dans les actes. Alors que le discours devait attirer les électeurs tentés par l'extrême droite, et la pratique rassurer les centristes, c'est le contraire qui s'est passé. Le discours a heurté les centristes, et la pratique n'a pas satisfait la marge droitière de l'électorat. Reste à savoir comment celle-ci accueillerait une Présidence François Hollande...

En même temps, Marine Le Pen a bien eu l'impact prédit. Elle garde le même ton agressif envers à peu près tout, mais n'a pas les mêmes casseroles que son père. Peut-être contrôle-t-elle mieux son expression. En même temps, il faut également reconnaître que sans le proclamer, le programme du Front National a évolué sur certains points qui étaient susceptibles d'effrayer des électeurs autrefois : par exemple, contrairement à l'époque de Jean-Marie Le Pen, il n'est plus question de mettre tous les étrangers dehors, mais seulement tous les sans papiers, et il est désormais indiqué qu'il y aura soit le rétablissement de la peine de mort, soit la perpétuité réelle, changeant fondamentalement la question. Au bout du compte, le FN est donc moins craint : ce n'est pas un parti fasciste doté d'une milice, les gens s'en rendent compte, il peut davantage être comparé à d'autres partis ultra-conservateurs en Europe qu'à la menace nazie. Voilà qui a probablement aidé à élargir son socle électoral.

Au final, il reste que le Front National est considérée comme la principale alternative aux deux grands partis, plutôt que les communistes en tous genres et les centristes. Cela a forcément une influence. François Hollande a ainsi déclaré vouloir récupérer ces voix, ce qui n'a semble-t-il gêné personne, alors que c'était jusqu'à présent l'un des principaux reproches faits à Nicolas Sarkozy. Le vote FN, c'est principalement un vote contre l'immigration, la mondialisation, la construction européenne, le laxisme en matière de sécurité... Comme sur tous les sujets, il faut à chaque fois trouver le bon dosage. Le PS et l'UMP ne sauraient aller jusqu'aux positions du FN sur ces points. Mais ils doivent au moins comprendre que ces thèmes préoccupent beaucoup de gens, et apporter des solutions convaincantes pour y répondre. Après tout, on l'a vu en 2007, le vote FN n'a rien d'une fatalité.

dimanche 22 avril 2012

Allez Bayrou, la 4ème sera peut-être la bonne ! (?)

Le premier tour de l'élection présidentielle est passé, et l'on a eu droit aux traditionnels dialogues de sourds entre politiciens sur les plateaux télévisés. Pour tout ce beau monde, la politique continue comme si de rien n'était. On ne sait pas encore qui sera le Président de la République dans un mois, mais on connaît déjà les noms de huit personnes supplémentaires qui ne le seront pas. Parmi celles-ci, le cas de François Bayrou est le plus intéressant. Dans son esprit, cette troisième candidature aurait du être celle qui le consacrerait. Après tout, François Mitterrand et Jacques Chirac avaient été élus au bout de leur troisième tentative, et sa deuxième avait déjà eu beaucoup plus de succès que la première. Déjà qualifié du titre de perennial candidate (éternel candidat) par la presse anglo-saxonne, il a encore de la marge par rapport aux cinq défaites de Jean-Marie Le Pen, ou aux six candidatures successives d'Arlette Laguiller. Mais est-ce vraiment le chemin qu'il lui faut prendre ?

A vrai dire, François Bayrou peut difficilement passer la main. Contrairement aux autres partis où il y a toujours quelqu'un prêt à prendre la succession (et rapidement, si possible), François Bayrou n'a pas d'héritier potentiel. On peut même dire qu'il n'a pas grand monde autour de lui. Dans cette campagne, on a vu Marielle de Sarnez, son ombre, Philippe Douste-Blazy, revenant qui a perdu sa place à l'UMP, Robert Rochefort, l'ancien dirigeant du Credoc... C'est à peu près tout. Même ses anciens soutiens Corinne Lepage et Azouz Begag ont appelé à voter directement François Hollande. Aucun de ces noms est une personnalité politique d'avenir. Le MoDem, en tant que parti politique, est totalement dépendant de François Bayrou... et pour cause, puisqu'il a été construit ainsi.

Alors François Bayrou est-il condamné à rempiler ? Après tout, il peut peut-être encore penser que son destin se réalisera un jour, et la quatrième fois pourrait être la bonne. Il n'aura "que" 65 ans en 2017, le même âge que François Mitterrand en 1981. Mais les raisons de ses échecs précédents auront-elles disparues d'ici là ? Quand le centre est en vogue, il ne dépasse pas les 20 %, et quand les extrêmes sont élevés, il n'atteint pas la barre des 10 %. Cette année, il devrait être à peine plus haut que son score de 2002. Au bout d'un moment, un constat s'impose : son intuition d'un centre indépendant est une voie sans issue. Les Français n'ont pas montré vouloir sortir nettement d'un clivage gauche/droite.

Au final, l'"indépendance" du MoDem lui aura assuré de ne pas avoir d'assise locale, et de ne pas avoir d'influence au niveau national. Cela fait quinze ans maintenant que la parole de François Bayrou n'a pas compté quant à la gestion de la France, les électeurs les plus jeunes ne l'ont toujours connus que dans l'opposition. A quoi bon avoir les bonnes solutions si on ne les applique jamais ? Il ne peut pas rester l'éternel remplaçant, au maillot toujours propre, mais qui ne montre jamais rien. Il est temps pour lui d'essayer d'appliquer vraiment ses propositions, et pour filer la métaphore, cela passe par un jeu d'équipe, où ce ne sera pas forcément lui le capitaine. Certes, il lui faudrait pour cela reconnaître que sa tactique n'était pas la bonne, mais au vu des résultats, ce constat s'impose.

mardi 10 avril 2012

Comeback Kid

Les sondages, ça va, ça vient... On les lit pour deviner quel sera le résultat d'une élection, mais on oublie qu'il s'agit en fait d'une photographie de l'opinion à un moment donné, et que ces opinions peuvent changer continuellement, au dernier moment. Ainsi, pour chaque élection présidentielle, les variations ont été fortes au fur et à mesure des campagnes. Edouard Balladur et Lionel Jospin auraient été Présidents si l'élection avait eu lieu au moment des premiers sondages pour les élections présidentielles de 1995 et de 2002, mais il en a été autrement. En 2007, au départ, on s'attendait à un Jean-Marie Le Pen fort et à un François Bayrou faible, mais ce fut l'inverse qui se produisit finalement.

Pour cette campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy fut qualifié de mort avant même qu'elle n'ait commencé. Il y a peine quelques mois, les éditorialistes spéculaient sur la probabilité d'une qualification au second tour de Marine Le Pen à son détriment, son score au premier tour était qualifié de ridicule, et si par hasard il se qualifiait quand même pour le second tour, il se ferait battre par 62 % contre 38 % par François Hollande, le nouvel horizon indépassable de la France. Les journalistes, jamais mesurés, enchaînaient les unes sur la fin de l'ère Sarkozy, enterré avant même l'élection.

Ces derniers temps, l'ambiance a bien changé. Nicolas Sarkozy est désormais en tête des sondages du premier tour, et il réduit régulièrement son retard sur François Hollande au second. Celui-ci ne gagnerait plus que par 53 % désormais, d'après la plupart des instituts. Alors bien sûr, l'élection présidentielle n'est toujours pas jouée, dans un sens comme dans l'autre, et tout cela peut encore évoluer. Mais il y a au moins une chose que l'on a pu constater : Nicolas Sarkozy est bien loin de faire de la figuration dans cette campagne, il est l'un des deux candidats (avec Jean-Luc Mélenchon) autour desquels les énergies se rassemblent.

Un tel retour en force rappelle celui de Bill Clinton, lors des primaires démocrates à l'élection présidentielle américaine de 1992. Dans la primaire primordiale du New Hampshire, il avait au départ perdu beaucoup de terrain, et était considéré comme fini. Mais une campagne acharnée de sa part sur le terrain lui a permis de revenir petit à petit sur le devant de la scène, finissant deuxième, un bon résultat pour lui, considérant là d'où il partait. Il gagna alors le surnom de "Comeback Kid", symbolisant son retour gagnant. Certes, il n'avait pas gagné cette primaire, mais désormais, l'élan était de son côté, et il gagna finalement la nomination, puis l'élection. Il est encore trop tôt pour savoir si Nicolas Sarkozy remportera un second mandat, mais l'ambiance actuelle de la campagne présidentielle française est certainement marquée par une solidité de sa part bien plus forte que pronostiquée.

dimanche 1 avril 2012

La gauche mimolette

Plus que trois semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle, et François Hollande peine toujours à créer l'adhésion sur sa personne. Dans ses discours, il parle bien plus de Nicolas Sarkozy que de lui-même, et même s'il a adopté un ton vociférant dans les meetings, sa personnalité reste transparente. Sa biographie officielle sur son site internet n'a pas grand chose à raconter, et évite soigneusement les périodes de sa vie où il était prêt à se compromettre pour un coup politique. On voit surtout que François Hollande a passé sa vie à (mal) servir le Parti Socialiste, et non la France. C'est Ségolène Royal, qui le connaît bien, qui résumait en septembre dernier : "Le point faible de François Hollande, c'est l'inaction. Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu'il aurait réalisée en trente ans de vie politique ? Une seule ?" Lui-même n'a toujours pas trouvé de réponse.

Alors, François Hollande, aujourd'hui, qu'est-ce que c'est ? "La gauche molle", avait dit Martine Aubry. "Quand c'est flou, c'est qu'il y a loup" avait-elle également rappelé pour qualifier les positions de celui-ci. Il faut dire que bien qu'il en ait longtemps été le premier secrétaire, François Hollande n'a même pas réussi à gagner le respect du Parti Socialiste, n'y ayant convaincu personne. Laurent Fabius peine d'ailleurs à le défendre à la télévision, après l'avoir traité de "fraise des bois" par le passé. Sa désignation comme candidat est surtout révélatrice du manque de talents de premier plan au Parti Socialiste. Normalement, Dominique Strauss-Kahn aurait du être le candidat désigné, mais ses frasques l'ont mis hors course. Dans les six candidats à la primaire, Jean-Michel Baylet représentait une force trop faible, Arnaud Montebourg et Manuel Valls avaient des positions trop iconoclastes, la vacuité de Ségolène Royal était apparu au grand jour au cours des cinq dernières années, et Martine Aubry souffrait de son bilan des années Jospin. François Hollande, en ayant ni bilan, ni position affirmée, ni personnalité, n'avait pas les mêmes défauts que ses adversaires, son néant devenant son principal atout.

Le parcours d'apparatchik de François Hollande ne plaide pas en sa faveur. Sous sa direction, le Parti Socialiste a vu se développer les clientélismes et les corruptions locales, et il n'a soit pas voulu, soit pas pu y mettre un terme. Il rappelle en fait Guy Mollet, symbole de l'incompétence du temps de la IVème République. C'est à croire que l'on se trompe d'époque pour que ce soit à de nouveau d'actualité. La gauche hollandaise, c'est donc la gauche molle et molletiste... Pour la boutade, on serait donc tenté de l'appeler la "gauche mimolette", ce fromage du Nord parfois appelé... le "vieux Hollande" !

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