Le premier tour de l'élection présidentielle est passé, et l'on a eu droit aux traditionnels dialogues de sourds entre politiciens sur les plateaux télévisés. Pour tout ce beau monde, la politique continue comme si de rien n'était. On ne sait pas encore qui sera le Président de la République dans un mois, mais on connaît déjà les noms de huit personnes supplémentaires qui ne le seront pas. Parmi celles-ci, le cas de François Bayrou est le plus intéressant. Dans son esprit, cette troisième candidature aurait du être celle qui le consacrerait. Après tout, François Mitterrand et Jacques Chirac avaient été élus au bout de leur troisième tentative, et sa deuxième avait déjà eu beaucoup plus de succès que la première. Déjà qualifié du titre de perennial candidate (éternel candidat) par la presse anglo-saxonne, il a encore de la marge par rapport aux cinq défaites de Jean-Marie Le Pen, ou aux six candidatures successives d'Arlette Laguiller. Mais est-ce vraiment le chemin qu'il lui faut prendre ?

A vrai dire, François Bayrou peut difficilement passer la main. Contrairement aux autres partis où il y a toujours quelqu'un prêt à prendre la succession (et rapidement, si possible), François Bayrou n'a pas d'héritier potentiel. On peut même dire qu'il n'a pas grand monde autour de lui. Dans cette campagne, on a vu Marielle de Sarnez, son ombre, Philippe Douste-Blazy, revenant qui a perdu sa place à l'UMP, Robert Rochefort, l'ancien dirigeant du Credoc... C'est à peu près tout. Même ses anciens soutiens Corinne Lepage et Azouz Begag ont appelé à voter directement François Hollande. Aucun de ces noms est une personnalité politique d'avenir. Le MoDem, en tant que parti politique, est totalement dépendant de François Bayrou... et pour cause, puisqu'il a été construit ainsi.

Alors François Bayrou est-il condamné à rempiler ? Après tout, il peut peut-être encore penser que son destin se réalisera un jour, et la quatrième fois pourrait être la bonne. Il n'aura "que" 65 ans en 2017, le même âge que François Mitterrand en 1981. Mais les raisons de ses échecs précédents auront-elles disparues d'ici là ? Quand le centre est en vogue, il ne dépasse pas les 20 %, et quand les extrêmes sont élevés, il n'atteint pas la barre des 10 %. Cette année, il devrait être à peine plus haut que son score de 2002. Au bout d'un moment, un constat s'impose : son intuition d'un centre indépendant est une voie sans issue. Les Français n'ont pas montré vouloir sortir nettement d'un clivage gauche/droite.

Au final, l'"indépendance" du MoDem lui aura assuré de ne pas avoir d'assise locale, et de ne pas avoir d'influence au niveau national. Cela fait quinze ans maintenant que la parole de François Bayrou n'a pas compté quant à la gestion de la France, les électeurs les plus jeunes ne l'ont toujours connus que dans l'opposition. A quoi bon avoir les bonnes solutions si on ne les applique jamais ? Il ne peut pas rester l'éternel remplaçant, au maillot toujours propre, mais qui ne montre jamais rien. Il est temps pour lui d'essayer d'appliquer vraiment ses propositions, et pour filer la métaphore, cela passe par un jeu d'équipe, où ce ne sera pas forcément lui le capitaine. Certes, il lui faudrait pour cela reconnaître que sa tactique n'était pas la bonne, mais au vu des résultats, ce constat s'impose.