Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 16 mai 2012

Un repris de justice à Matignon

Six heures. C'est le temps qui se sera écoulé entre l'entrée en fonction de François Hollande, et sa première promesse rompue. La promesse en question n'était pourtant pas bien veille. Elle ne datait que du mois dernier, quand le candidat avait déclaré, une semaine avant le premier tour, "je n’aurai pas autour de moi à l’Élysée des personnes jugées et condamnées". Il a pourtant nommé à Matignon Jean-Marc Ayrault, bel et bien condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir confié un marché public à une personnalité proche du Parti Socialiste. Au moins, on sait à quoi s'en tenir sur la moralisation de la vie politique. Mais Jean-Marc Ayrault, ce n'est pas qu'une condamnation. Lui aussi n'a aucune expérience ministérielle, ce qui lui permettra de ne pas être meilleur que François Hollande. En revanche, son point fort, c'est qu'il sait parler allemand. C'est dommage que ce soit le Président où les ministres qui iront le plus souvent aux sommets européens, cela aurait pu être utile.

La composition du gouvernement obéit à une tradition française bien ancrée depuis toujours : être faite en urgence en moins de 36 heures, même lorsqu'on a une dizaine de jours pour la préparer. Observons là plus en détail sur quelques points :
  • Manuel Valls à l'Intérieur et Vincent Peillon à l'Education, ce sont deux nominations parfaitement logiques.
  • A l'instar de son alter ego Alain Juppé, Laurent Fabius est increvable, et réussit à décrocher à nouveau un gros ministère. Il se voit ainsi récompensé pour ne pas avoir obéi à François Hollande sur le Traité Constitutionnel Européen en devenant numéro deux du gouvernement et chargé des Affaires étrangères.
  • Marisol Touraine et Michel Sapin récupèrent le même ministère, les Affaires sociales.
  • En 2007, Ségolène Royal avait promis à Nicolas Hulot de nommer un vice Premier ministre chargé de l'Environnement. Nicolas Sarkozy avait promis de mettre à la tête d'un grand ministère de l'environnement un poids lourd politique, numéro deux du gouvernement. Ce fut d'abord Alain Juppé, puis Jean-Louis Borloo. Ce fut déjà un peu moins le cas avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut alors numéro quatre. Désormais, c'est donc une parfaite inconnue, Nicole Bricq, qui reprend l'Environnement, seulement huitième au rang protocolaire.
  • Arnaud Montebourg récupère un ministère au nom ronflant, le "redressement productif", qui n'est en fait que l'Industrie. Ce ne devait pas être un nom assez sexy.
Pour en revenir à la condamnation de Jean-Marc Ayrault, c'est vrai qu'il y a pire. Après tout, le PS soutient toujours sans sourciller Jean-Paul Huchon, qui lui a pourtant été condamné pour enrichissement personnel. Mais au delà de la promesse non tenue de François Hollande, on remarque quand même le deux poids, deux mesures de la gauche. Elle n'avait cessé de monter au front pour attaquer sur le plan du droit des membres du gouvernement qui n'avaient pas été condamnées, et contre lesquelles il n'y avait même pas de preuves le plus souvent. A contrario, le cas Jean-Marc Ayrault, c'est censé ne rien être du tout. En définitive, il faut savoir que pour la gauche, un coupable de gauche est forcément innocent, et un innocent de droite est forcément coupable.

mardi 8 mai 2012

Le Modem, parti de gauche

Pour certains, ce fut semble-t-il une surprise. Mais François Bayrou avait déjà annoncé avant même que la campagne commence qu'il prendrait position lors du second tour, sous entendant qu'il appellerait à voter pour le candidat opposé à Nicolas Sarkozy. Il s'est donc prononcé en faveur de François Hollande. Ce faisant, il met fin à une fiction qui aura duré cinq ans, celle du "centre indépendant". Le centrisme pur, cela n'existe pas. On ne peut pas être à la fois dans la majorité et dans l'opposition. On peut être de centre droit ou de centre gauche, mais il est impossible d'être entre les deux, c'est comme faire de l'équilibrisme sur le fil d'un couteau : très rapidement, on bascule toujours d'un côté. Si l'ancienne UDF était censé être autrefois dans la majorité au début du second mandat de Jacques Chirac, François Bayrou s'est lui rapidement réfugié dans une opposition très classique, bien plus confortable. Sa posture d'opposant lui permit ainsi d'attirer bien des militants de gauche, effrayés par Ségolène Royal, mais soudés par la haine de la droite, pour établir le Modem.

Au bout du compte, le constat est bien net : le Modem est un parti de gauche. Et c'est un parti de gauche dont l'utilité n'est aujourd'hui plus avérée. En effet, à quoi bon un autre parti de gauche, alors qu'il y a déjà le Parti Socialiste ? Celui-ci n'a que faire du Modem. D'après les enquêtes d'opinion, l'électorat de François Bayrou s'est divisé entre les deux candidats restants d'une manière guère différente de celle de 2007. La prise de position de François Bayrou en faveur de François Hollande n'aura pas changé grand chose. Le Parti Socialiste n'a pas besoin du Modem pour gouverner. En effet, les législatives devraient lui donner une majorité suffisante pour gouverner seul. Et cette année, le Modem a moins le vent en poupe qu'en 2007, il y a donc peu d'espoir pour eux de créer un groupe parlementaire. Les électeurs qui voudront soutenir l'opposition aux socialistes voteront directement UMP, plutôt que pour un parti rallié comme le Modem.

Alors à partir de là, quel avenir pour le Modem ? Certains semblent bizarrement croire à une recomposition du centre droit autour de François Bayrou. Ce n'est que chimères. Pour commencer, une explosion de l'UMP apparaît aujourd'hui assez peu probable. Chez ceux qui en font actuellement partie, rares sont ceux qui y ont vraiment intérêt. Et si certains souhaitent en effet que ce parti se rééquilibre vers le centre, ce peut être fait sans grand big bang. Après tout, celui qui en était ultimement responsable, Nicolas Sarkozy, quitte la vie politique. En outre, les centristes de l'UMP ont encore moins apprécié les caricatures qui ont été faites de la campagne présidentielle que la campagne elle-même. Pour les sympathisants de l'UMP, le Modem s'est engagé pour la gauche, ils s'en souviendront à jamais et le tiendront responsables de la suite. Enfin, si une recomposition du centre droit devrait vraiment arriver, elle se ferait autour de Jean-Louis Borloo, avec le Parti Radical et le Nouveau Centre, qui ont toujours maintenu leur attachement à l'alliance avec la droite.

D'autres militants du Modem croient pouvoir jouer un rôle dans une majorité de gauche. Mais à part peut-être pour le seul siège de François Bayrou, il n'y a aucun accord électoral pour les prochaines législatives, et François Hollande a prévenu que son gouvernement serait socialiste. Le Modem ne bénéficie d'aucune considération de la part du PS, voilà tout. Quelques personnes se mettent à rêver que les résultats du gouvernement socialiste seraient tellement désastreux qu'après peu de temps, le Modem s'imposerait comme le recours naturel. Belle mentalité que celle induite par la politique du pire !

Au bout du compte, le Modem, ce n'est que François Bayrou. C'est un parti entièrement dédié au culte d'un seul homme, un homme qui a déjà été rejeté à trois reprises par les Français dans les urnes, un homme qui, ne pouvant être hégémonique à droite, se place à gauche, sans se rendre compte qu'il y a là encore moins de place pour lui.

dimanche 6 mai 2012

Président par hasard

Quand Nicolas Sarkozy fut élu en 2007, l'une des choses que l'on pouvait d'ores et déjà prévoir est que l'élection de 2012 serait beaucoup plus difficile pour lui en 2012. Et ce quelque soit la politique menée ou les résultats obtenus. En effet, en France, le leitmotiv des élections nationales, c'est "sortez les sortants", où ceux qui ont le pouvoir de fait n'arrivent jamais à le conserver. Valéry Giscard d'Estaing avait été battu en 1981. François Mitterrand avait perdu sa majorité en 1986. Le Premier ministre Jacques Chirac ne fut pas élu Président en 1988, il fut battu largement au second tour. François Mitterrand a de nouveau perdu sa majorité en 1993. Le Premier ministre Edouard Balladur ne fut pas élu Président en 1995, il ne passa même pas le premier tour. Jacques Chirac a perdu sa majorité en 1997. Le Premier ministre Lionel Jospin ne fut pas élu Président en 2002, il ne passa même pas le premier tour. En fin de compte, la prouesse dans tout ça, c'est que Nicolas Sarkozy ait réussi à se faire élire en 2007 alors que son camp était au pouvoir depuis cinq ans. Mais chacun se souvient qu'au sein de la majorité, sa différence avec Jacques Chirac avait très marquée depuis longtemps.

Alors qu'il y a quelques mois les sondeurs annonçaient une défaite aux proportions hors normes, telle que 62-38 pour son adversaire, il s'avère en fin de compte qu'elle reste honorable, avec 48 % des suffrages exprimés, voire plus. C'est de toute façon conforme au mouvement général en Europe où ceux qui ont été au pouvoir pendant cette crise économique sont guidés vers la sortie, qu'ils soient de droite ou de gauche. Désormais, Nicolas Sarkozy s'éloigne logiquement de la vie politique, et ce sera à ceux qui restent de décider quelle orientation prendra la droite et le centre droit.

Pour ce qui est de la France, dans l'immédiat, les choses ne sont pas dures à imaginer. Il n'y aura pas de grand "changement", comme il n'y a avait pas eu de "rupture" en 2007. En fait, tout continuera comme avant, comme lors des précédents gouvernements socialistes. Alors, bien sûr, ce soir, il y a des gens qui font la fête, croyant vraiment que tout va changer. Plus tard, ils seront déçus, ou bien voudront revivre cette sensation de rêver. Peut-être qu'il y aura moins de grèves, maintenant que les syndicats ont un parti idéologiquement compatible au pouvoir. Les professionnels de l'indignation sauront se taire, quelques soient les circonstances. Mais engoncée dans ses conservatismes, la France ne règlera pas ses problèmes de fond.

Dans tout cela, il y a quand même une lueur d'espoir. Auparavant, on croyait qu'être Président de la République, c'était avoir des talents de meneur d'hommes et arriver à créer un mouvement populaire en sa faveur. Seuls des personnalités exceptionnelles pouvaient occuper un tel poste. Ce n'est plus le cas, et on se rend compte désormais que n'importe qui peut le devenir, comme on l'a vu ce soir. François Hollande se retrouve donc élu Président grâce à un impressionnant concours de circonstance.

L'écroulement spectaculaire de Dominique Strauss-Kahn a permis aux candidats socialistes de second choix d'arriver sur le devant de la scène. Parmi ceux-là, il s'est avéré qu'il n'y en avait pas un qui s'imposait naturellement par son charisme et ses compétences. François Hollande fut désigné, étant comme au temps où il était le premier secrétaire du PS le plus petit dénominateur commun. Il n'était pas celui qui avait le plus de qualités, il était celui qui n'avait pas les défauts des autres. Dans toute cette campagne, personne n'a expliqué pourquoi François Hollande était qualifié pour devenir Président. Mais cette campagne fut menée comme un référendum sur Nicolas Sarkozy, et moins que la victoire de François Hollande, aujourd'hui, c'est la défaite du Président sortant. C'est comme cela que l'on a vu plusieurs personnalités politiques déclarer soutenir François Hollande, prenant pour argument qu'il ne réaliserait probablement pas son programme.

Alors bonne chance à François Hollande. Après tout, ce serait dommage que celle-ci ne le quitte qu'au moment où elle pourrait servir tout un pays et non pas une seule carrière.

Photo : Duvignau/Reuters
free hit counter