Réflexions en cours

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jeudi 18 mai 2006

Parti unique de droite, ou parti unique du centre ?

La décision de François Bayrou de voter la récente mention de censure contre le gouvernement est assez surprenante. En effet, son parti, l'UDF, était un allié traditionnel du RPR, puis a considéré faire parti de la majorité avec l'UMP. Or, le budget 2006 avait déjà été voté sans le soutien de l'UDF. Cela signifie donc que l'UDF passe à l'opposition, tout du moins pour ceux qui suivent la ligne officielle (seuls 11 députés sur 33 ont en fin de compte voté cette mention de censure). Il faut savoir que François Bayrou a toujours rêvé d'un grand parti du centre, de Jacques Delors à Edouard Balladur. Il a aussi toujours rêvé de son élection à la Présidence de la République. En fait, l'un va avec l'autre, ou plutôt, le premier rêve doit permettre le deuxième. Ce n'est pas évident pour François Bayrou de se faire une place : une bonne partie de l'ancienne UDF est passée avec armes et bagages du côté du RPR en formant l'UMP. En fait, l'actuelle UDF correspond tout juste à l'antique MRP d'après guerre. Et ce n'est pas une pensée idéologique particulière qui distingue l'actuelle UDF de l'UMP. A vrai dire, à part une conviction forte sur l'Europe, rien ne sépare la pensée UDF de la pensée UMP. Alors il ne reste qu'une solution pour François Bayrou : élever artificiellement la voix pour rouspéter contre tous ceux qui ne sont pas avec lui. Peu importe qu'il n'ait aucune solution différente, ou qu'il aurait fait la même chose s'il avait été au pouvoir. Il souhaite avant tout se distinguer, mais pas par la voie positive, en proposant de nouvelles idées, mais plutôt par la voie négative, en critiquant celles des autres. Rien de plus facile en fait.

François Bayrou en critiquant et en voulant affaiblir l'UMP souhaite emporter la mise du mécontentement de la population. Mais même si par hasard il y arrivait, une fois élu Président, que ferait-il ? Il faudrait déjà qu'il ait une majorité... Si après les élections législatives, l'UDF n'a pas la majorité absolue, il lui faudra créer une alliance pour pouvoir former un gouvernement disposé à le suivre. Le Parti Socialiste ne souhaitera jamais faire alliance avec l'UDF, au vu des nombreux adhérents très à gauche qui rejettent tout ce qui ressemble de près ou de loin à la droite, et François Bayrou est tout de même clairement marqué de centre droit. Il faudra alors que François Bayrou demande à faire alliance avec l'UMP, alors qu'il n'a cessé de critiquer tout ce qu'a fait ce parti. Si jamais l'UMP acceptait, ce ne serait que de mauvaise grâce, et le climat serait aussi malsain que celui qui prévalait entre 1976 et 1981, lorsque le RPR était un allié réticent de l'UDF, ne souhaitant que pouvoir s'en débarrasser. Dans un cas contraire, si l'UDF parvenait à avoir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale dans les élections législatives qui suivrait son élection, il manoeuvrerait pour se passer logiquement de l'UMP. Pour celui qui a combattu le parti unique, le fait qu'il en promeuve un serait assez étonnant. "Lorsque tout le monde pense la même chose, c'est qu'on ne pense plus rien" disait François Bayrou lorsqu'il combattait la formation de l'UMP. Au vu de la façon dont il gère son parti, en écartant Gilles de Robien qui n'est pas d'accord avec sa façon de faire, l'hypocrisie devient apparente : ce qui lui pose problème, ce n'est pas que tout le monde pense la même chose, c'est que tout le monde ne pense pas la même chose que lui.

En fait, François Bayrou rêve d'établir le même genre de coalition que celle qui gouverne actuellement en Allemagne. Mais il faut bien comprendre qu'outre Rhin, personne n'est satisfait d'une telle solution, et si les décisions qui sont prises par Angela Merkel seront forcément consensuelles, elles auront du mal à être nombreuses. Lui ne voit pas cela, puisque dans son esprit, une telle coalition ne doit pas servir à changer ce qui ne va pas en France, mais uniquement à établir sa gloire personnelle en permettant son élection à la Présidence de la République avec un parti qu'il croit sur mesure. On pourrait bien y voir une défense du multipartisme, mais à quoi bon si l'UDF et l'UMP sont les mêmes partis, avec des dirigeants différents ? Vu les graves problèmes posés par les partis extrémistes, et le manque de clarté dans l'action que l'existence de nombreux petits partis introduit, autant discuter clairement la possibilité d'établir un bipartisme.

mardi 16 mai 2006

La VIème République, ou le retour de la IVème

Pour cet homme, c'est une obsession. Arnaud Montebourg veut une VIème république pour la France. Pour lui, ce sera à coup sûr la solution à tous les problèmes. Il faut dire qu'il les voit tous sous un angle purement juridique. Avocat, membre de la Commission des Lois, il s'est fait connaître pour avoir voulu envoyer Jacques Chirac devant la Haute Cour de Justice. Puis il a directement embrayé sur la question des institutions, et avec un certain succès même, puisque la question revient sans cesse désormais. En fondant la Convention pour la VIème république, il a souhaité que le Président de la République devienne un père respectable de la Nation, figure d'autorité morale sans réelle prise sur les affaires du pays, qui ne serait pas forcément élu au suffrage universel. Il a souhaité le retour de la proportionnelle pour l'élection de l'Assemblée Nationale. Bref, il veut une république parlementaire, où ne prédominent pas les luttes de personnes.

C'est une idée assez étrange. D'une part, car on peut se dire que le gouvernement est en crise dans notre pays, mais changer les institutions sans changer les hommes qui sont responsables de la situation ne peut avoir de réel effet. C'est une tentation irrationnelle que de vouloir changer de Constitution à chaque moment de crise, et ne peut aider la stabilité dont a besoin la chose publique. Certains pays ont des constitutions séculaires, et vont parfaitement bien sans faire le yo-yo institutionnel. D'autre part, le projet proposé est voué à l'échec de façon évidente. Car avec ces mesures, nous retournons directement à ce qui a fait le coeur des IIIème et IVème républiques, régimes où les partis étaient rois, décidant les changements de gouvernements à chaque alliance éphémère, et sans véritable autorité ni stabilité. Rappelons-le, ces régimes ont gravement échoué à assumer le maintien de la France en temps de crise. La IIIème République mourut en donnant les pleins pouvoirs à Pétain, faute d'avoir réussi à assurer la défense du territoire face à l'invasion allemande en 1940. La IVème République s'est sabordée en constatant son incapacité à régler avec force la question algérienne. La Vème république, fondée par le général De Gaulle qui l'avait longuement souhaitée, assure à la France la stabilité des institutions et une forme de gouvernement efficace où peut se déployer la force politique, à condition évidemment qu'il y en ait une.

N'oublions pas les tares inhérentes à la proportionnelle : déjà, son manque de stabilité comme nous l'avons vu. Elle favorise structurellement la formation d'innombrables petits partis, et il peut y avoir de nombreuses combinaisons possibles pour former une majorité hétéroclite qui aura la charge de gouverner. Le manque de cohérence dans le gouvernement fait qu'il est d'autant plus facile à faire chuter, par départ de telle ou telle composante, s'offusquant dès qu'une décision contraire à leur volonté est prise. Les députés souhaitent d'autant plus facilement faire tomber les gouvernements que la formation d'un nouveau augmente leurs chances d'être ministre. Ensuite, ces partis ne sont pas forcément recommandables, et la représentation des extrêmes à l'Assemblée Nationale leur donne une façade trompeusement respectable sans les affaiblir. C'est ce qu'on a pu constater entre 1986 et 1988. Enfin, les régimes des partis donnent le sentiment aux citoyens qu'ils sont dépossédés du débat public, dans la mesure où ce n'est plus eux qui choisissent le gouvernement par leur vote, mais seulement des députés sans mandat.

De même, le refus que le Président de la République soit élu au suffrage universel montre la volonté de le délégitimer, alors que les citoyens doivent pouvoir connaître la personnalité de celui qui a la charge de gouverner pour faire leur choix. En somme, remettre en cause nos institutions serait refaire les mêmes erreurs qui nous ont conduit à la débâcle de 1940 et aux désordres de 1958. De plus, la Vème République a été approuvé à une majorité forte, et il serait illusoire de croire que l'on puisse convaincre les Français dans une même proportion de retourner à un système honni, celui de la IVème République.

vendredi 12 mai 2006

Clearstream, affaire troublante

Une crise chasse l'autre. Dominique de Villepin, cuit par le retrait du CPE, se retrouve définitivement carbonisé par l'affaire Clearstream. Etrange imbroglio d'ailleurs : si on se concentre pour comprendre ce qu'il se passe, il est déjà difficile de saisir les détails de l'affaire. Et cela suppose déjà une lecture attentive et régulière de la presse. Autant dire que la quasi-totalité de la population ne comprend pas ce qu'il se passe, deux reportages chaque soir dans le journal de 20 heures sont loin de suffire pour décrire les bas fonds de cette affaire politico-financière, et qui n'exclue pas une bonne dose d'espionnage. Le gros scandale, c'est que l'on a voulu discréditer Nicolas Sarkozy en voulant l'impliquer à tort dans l'affaire des frégates de Taïwan. Déterminer ceux qui sont à l'origine de cette manipulation représente l'aspect principal de l'enquête. Mais il y a aussi d'autres mini scandales qui vont avec : pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il du attendre aussi longtemps avant d'être mis au courant ? Le juge Renaud Van Ruymbeke connaissait-il l'identité du corbeau, commettant alors au moins une faute de procédure ? Etc.

Tout est nauséeux dans cette affaire, et il serait bon que chacun se calme et ne tire pas trop sur la corde, vu que la seule conclusion que le peuple tirera c'est que "les politiciens sont tous pourris". Dès lors, il serait préférable que l'instruction du dossier continue de façon discrète et efficace. Mais il y a quelques éléments qui sont néanmoins particulièrement curieux dans ce dossier...

D'une part, l'identité des personnalités politiques mises en cause à tort. Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn, Alain Madelin, Jean-Pierre Chevénement, Laurent Fabius... ce sont tous soient des candidats déclarés pour la prochaine élection présidentielle, soit d'ex candidats à celle de 2002 (et pouvant donc l'être à nouveau en 2007). Bref, que des hommes du premier plan, qui, s'ils avaient tous été éliminés par l'affaire, auraient laissé un boulevard à l'actuel Premier ministre, du moins du côté de la droite.

D'autre part, et dans le sens inverse, il est étonnant que chaque jour voit la publication d'éléments de l'enquête en cours, alors que celle-ci est justement censée être protégée par le secret de l'instruction. Et personne ne semble s'en offusquer... Normalement, les preuves sont exposées sur la place publique qu'au moment du procès, permettant dès lors une défense qui sait de quoi il est question. En l'occurrence, ce sont des extraits de procès verbaux et de notes glanées on ne sait où, pouvant être facilement sélectionnés pour diriger le brouhaha médiatique vers telle ou telle personne, suivant les humeurs. Soit rien de rigoureux en somme. Inutile donc, de condamner au même moment où l'on accuse.

D'un point de vue politique, on ne peut néanmoins nier que tout cela est catastrophique. Il faut déjà admettre que Dominique de Villepin est hors course pour la présidentielle, et n'a que peu de marges de manoeuvre pour son action de Premier ministre. Difficile de le changer maintenant, à moins d'un an des présidentielles. Michelle Alliot-Marie ne semble plus être le recours idéal, et Nicolas Sarkozy n'a aucun intérêt à aller se brûler les ailes si tard. En fait, tout cela est le résultat d'une composition de gouvernement désastreuse. Il fallait bien changer Jean-Pierre Raffarin, mais il aurait fallu le faire plus tôt. Et certainement pas par Dominique de Villepin, brillant technocrate aux Affaires étrangères, ministre quelconque à l'Intérieur, et homme politique exécrable, se glorifiant de n'avoir jamais été élu, et qui ne semble ne jamais être sorti des mondanités. Nicolas Sarkozy aurait été un choix possible en 2004, après les régionales, mais il aurait fallu pour cela que Jacques Chirac surmonte ses appréhensions et ses rancunes. Michelle Alliot-Marie aurait pu convenir en 2005, Jean-Louis Borloo aussi. Ce dernier est d'ailleurs le seul qui pourrait remplacer avantageusement le Premier ministre actuel, surtout que l'on dit que le président souhaite persévérer dans le côté social. Malheureusement, parmi les mille noms cités par la rumeur, celui-là ne semble pas être donné gagnant.

En dehors du seul choix du Premier ministre, celui des ministres aurait lui aussi du être plus soigné. Remplacer quelqu'un comme Michel Barnier par Philippe Douste-Blazy ne pouvait que ressembler à une mauvaise blague, si le poste n'avait pas été aussi important. Virer Claudie Haigneré était immérité. Et surtout, installer Nicolas Sarkozy dans le gouvernement de Dominique de Villepin était une absurdité fondamentale, vu la haine que les deux hommes éprouvent l'un pour l'autre. Sans compter que cela ridiculise la pseudo règle formulée par Jacques Chirac, signifiant que le président de l'UMP ne peut être ministre. En somme, il n'est pas si étonnant que cela que ça tourne aussi mal, c'est juste que ça prenne la forme d'affaires d'espionnage qui peut surprendre...

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