Réflexions en cours

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mardi 28 juin 2011

Le candidat du second choix

Après un suspense insoutenable, Martine Aubry a déclaré ce matin sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Cela nous donne donc cinq candidats socialistes à la primaire, mais d'eux d'entre eux n'avaient pas prévu de se présenter il y a encore quelques mois. En effet, avant l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn, celui-ci était déjà donné comme le candidat évident des socialistes, les manœuvres étant mêmes fortes pour éliminer toute forme d'opposition à la primaire. En restant à New York plusieurs années, DSK avait eu le mérite de ne pas prendre position et de rester éloigné des marasmes du PS. Ce faisant, sa position était plus forte que cinq années auparavant, et sa popularité lui promettait des résultats électoraux inespérés en 2012. Peu avant qu'il n'annonce sa candidature sous les tambours et les trompettes, de nombreuses personnes agissaient déjà pour créer un mouvement d'opinion puissant pour le porter jusqu'à l'Elysée.

Dans ce cadre là, le rôle de la première secrétaire du Parti Socialiste était loin d'être neutre. Elle ne cachait pas avoir formé un pacte avec le directeur du FMI pour qu'ils ne se présentent pas l'un contre l'autre. Et comme DSK était décidé à se présenter, cela signifiait que Martine Aubry acceptait avec joie de ne pas se présenter. Pas forcément inactive, son rôle aurait été différent : tenir le parti pendant l'élection, puis occuper Matignon une fois Dominique Strauss-Kahn triomphalement élu. Mais lorsque ce dernier fut mis subitement hors jeu, le sol s'est dérobé sous ses pieds. Une bonne partie des soutiens de DSK comme ses propres amis sont alors venus naturellement à Martine Aubry : à la fois de par sa position au PS et par son statut de numéro 2 de cette alliance, c'était à elle de reprendre le flambeau. Peu importe que son positionnement politique soit bien différent que l'ex-ministre des finances. La plupart des soutiens du duo s'en soucient peu, et veulent surtout éviter leurs propres épouvantails : François Hollande et Ségolène Royal.

Sans Dominique Strauss-Kahn, le Parti Socialiste est donc condamné à faire avec des candidats qui auraient du rester dans l'ombre. Celui qui sera désigné ne sera qu'un candidat de second choix par rapport à celui qui s'imposait facilement. Et ce choix n'a rien d'évident.

François Hollande a soudainement le vent en poupe. Il a réussi à se donner une image d'homme raisonnable, mais son discours est encore ignoré, et il aura du mal à s'appuyer sur son bilan.

Arnaud Montebourg pense que son tour est venu. Il parlera à nouveau de son obsession pour la VIème République. Il parlera probablement moins de sa haine pour le cumul des mandats, vu qu'il est désormais cumulard lui-même. Qu'à cela ne tienne, il a une nouvelle marotte : le protectionnisme.

Manuel Valls a décidé de se présenter en constatant l'absence de Dominique Strauss-Kahn, considérant que quelqu'un devait représenter une approche moins dogmatique et plus réaliste de la sécurité et de l'économie au sein du PS. Seul problème : son parti le hait.

Ségolène Royal n'a jamais douté d'elle-même, et pense pouvoir renouveler ses exploits de 2007. A priori, la gauche a fini par se rendre compte de l'inanité de la présidente de la région Poitou Charentes, et regrette amèrement d'avoir cru en elle. Aujourd'hui, seuls quelques fanatiques continuent à croire en elle, mais après tout, vu qu'elle emporta largement la primaire il y a quatre ans, nous ne sommes à l'abri de rien.

Martine Aubry, enfin, se retrouve sur le devant de la scène malgré elle-même. On comprend les raisons qui la poussait à ne pas y aller. Et si l'on doutait de son manque d'enthousiasme, il suffit pour le constater de voir sa déclaration de candidature, sans aucune éloquence, et surtout sans âme.

Tous ces candidats ont probablement moins de casseroles que Dominique Strauss-Kahn. Mais s'ils n'en ont pas les défauts, ils n'en ont pas non plus les qualités. Et lorsqu'ils feront campagne, et même s'ils viennent à arriver au pouvoir, ils ne pourront éviter les comparaisons avec une hypothétique candidature ou présidence Strauss-Kahn. Le Parti Socialiste a des candidats de second choix, mais on pourrait également avoir un Président de la République de second choix.

mercredi 15 juin 2011

La vraie leçon de l'"affaire" Luc Ferry

Plutôt que de balancer des "révélations" très médiatisées sur le plateau de Canal Plus, Luc Ferry aurait mieux fait de la fermer. C'est en tout cas ce qu'il doit se dire actuellement, alors que la presse s'est remise à enquêter sur son cas personnel. On a ainsi découvert qu'il était rémunéré par l'Université Paris VII alors qu'il n'y fait pas cours. A la place, il est président du Conseil d'Analyse de la Société, organisme héritier du Commissariat au Plan. Hors avec la loi récente sur l'autonomie des universités, de telles décharge d'enseignement ou de détachement de personnel doivent faire l'objet de convention. Celle concernant Luc Ferry n'ayant pas été adoptée "pour des raisons administratives", il y avait donc un problème. Matignon a donc décidé de régler la facture en guise de dédommagement.

En tant que tel, cette affaire Luc Ferry n'est pas un scandale. D'un point de vue juridique, il n'y a rien d'illégal, et la question est réglée. Luc Ferry ne peut être accusé de malhonnêteté. Cela dépasse en fait son cas personnel : le problème est plus vaste. C'est celui de tous ces détachements, décharges, délégations ou mises à disposition, qui permettent à des fonctionnaires d'être rémunérés par leur corps d'origine comme s'ils continuaient d'occuper leur poste, alors qu'ils vont en occuper un autre ailleurs. Tous ces régimes sont très élastiques et assez généreux. Luc Ferry a ainsi pu toucher une rémunération supplémentaire de la part du Conseil d'Analyse de la Société, alors qu'il était déjà payé par son université d'origine. Ce matin encore, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault rappelait sur RTL qu'il était payé par la SNCF au titre d'une délégation, à l'instar de nombreux autres responsables syndicaux issus d'entreprises publiques, alors qu'il travaille à temps complet pour son syndicat.

Tous ces mécanismes sont-ils vraiment utiles ? On peut en douter. D'un point de vue moral, ils ne se justifient pas en tout cas. Si un fonctionnaire doit changer de poste, il faut qu'il y ait le mouvement administratif associé. Luc Ferry aurait du être employé directement par l'organisme qu'il préside, et Bernard Thibault devrait être rémunéré par la CGT. En fin de compte, ce n'est ni plus ni moins qu'un changement d'emploi. Des nouveaux contrats doivent donc être signés. Si des fonctionnaires veulent revenir dans leur administration d'origine après l'avoir quitté, ils peuvent tout à fait signer un nouveau contrat pour occuper le même poste.

Plutôt que de laisser perdurer tous ces dispositifs qui entretiennent l'opacité et les difficultés administratives (comme on l'a vu cette semaine), l'Etat ferait mieux d'y mettre fin. Cela simplifierait considérablement la gestion des ressources humaines de nombreuses administrations. Et puis, pendant qu'on y est, on pourrait également se débarrasser des commissions coûteuses et surabondantes telles que le Conseil d'Analyse de la Société...

mercredi 8 juin 2011

L'ancrage à gauche de l'écologie

Il a suffi que Nicolas Hulot avoue avoir envisagé ne serait-ce qu'un instant une alliance avec Jean-Louis Borloo, pour qu'il soit assailli d'attaques. "Comment ? Celui qui voudrait être le candidat des écologistes a frayé avec un suppôt de Sarkozy ? Voilà bien la preuve qu'il faut un candidat résolument à gauche. En fait, plus c'est à gauche, mieux c'est..." Avec un tel réflexe, on se rend ô combien les Verts ont peu changé en se renommant "Europe Ecologie". Les nouveaux militants n'y sont acceptés qu'à condition qu'ils respectent la doctrine des Verts, à savoir être à gauche et instrumentaliser les thématiques environnementales. C'est une attitude bien dommageable, et en premier lieu pour l'écologie elle-même. En en faisant un combat partisan, les Verts en éloignent une part importante de la population. Lorsqu'ils ont fait le choix, avec Dominique Voynet, de s'inscrire dans le clivage droite/gauche, ils se sont condamnés à avoir une approche partisane de l'écologie. Une mesure favorable à l'environnement, si elle était prise par la droite, restait fondamentalement mauvaise. Une mesure nuisible à l'environnement, si elle était prise par la gauche, devenait acceptable. Voilà où est passé la crédibilité du mouvement écologiste, qui a coulé lors de la dernière présidentielle.

L'écologie n'est pourtant pas une question fondamentalement de gauche. Elle concerne chacun, et historiquement, la gauche n'a pas un meilleur bilan que la droite en la matière. L'écologie n'est absolument pas incompatible avec la droite : le développement durable peut représenter des opportunités économiques pour le secteur privé, et celui-ci n'a pas intérêt à voir l'environnement se dégrader. En fait, c'est surtout une question de long terme.

Un point qui reste à discuter et la relation entre la mondialisation et la protection de l'environnement. Le libre échange favorise-t-il une course au moins disant environnemental ? En Chine, on s'est montré jusqu'à présent que modérément soucieux vis-à-vis de ces thèmes, les priorités étant ailleurs. Ce pays a des coûts moins élevés sur le marché mondial, les normes environnementales étant moins développées, entre autres raisons. Il y a donc un dumping environnemental qui attire les productions du monde entier. Les conséquences sont elles aussi mondiales : les émissions de CO2 provoquent un effet de serre qui concerne tout le monde, sans distinction de frontières...

Pourtant, il n'y a pas besoin de libre échange pour polluer. L'URSS, bien moins intégrée dans les échanges mondiaux, n'en polluait pas moins l'environnement, étant peu incitée à y faire attention. Le vrai problème est plutôt celui du développement économique : un pays pauvre voit moins l'écologie comme une priorité que les pays développés, c'est plutôt considéré comme un luxe. Et pour ces pays, le libre échange est généralement un moyen de sortir de la pauvreté justement.

L'écologie n'est donc en aucun cas une thématique de gauche plus que de droite. Le vrai rôle des écologistes, c'est de pousser les dirigeants politiques à se saisir davantage de ce thème. C'est exactement ce qu'avait réussi à faire Nicolas Hulot en 2007. En se laissant récupérer par les Verts, dont le message est depuis longtemps définitivement brouillé par l'insistance sur les questions sociales, il perd une partie de son originalité. Si le but est de transformer l'accompagnement vers l'écologie en une intransigeance doctrinaire, le combat pour la défense de l'environnement sera une nouvelle fois perdu.

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