Réflexions en cours

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jeudi 18 novembre 2010

La haine comme ambition politique

Pendant le quinquennat de Jacques Chirac, Dominique de Villepin méprisait Nicolas Sarkozy. Ce dernier, disposant alors d'une forte popularité, était le favori au sein de la droite pour la prochaine présidentielle. Dominique de Villepin croyait que Nicolas Sarkozy finirait par se carboniser, lui laissant la voie libre. Fort d'une haute estime de lui-même, il pensait que la présidence lui était due. C'est alors qu'est arrivée l'affaire Clearstream.

Ce qui est remarquable, dans cette affaire, c'est que presque toutes les suppositions lancées dans les semaines qui ont suivi son éclatement se sont révélées vraies après des années d'enquêtes. Un auditeur en mission au sein de la société Clearstream a fait parvenir des listings de comptes à un journaliste d'investigation. Celui-ci les transmet à Imad Lahoud, un subordonné de Jean-Louis Gergorin à EADS, qui les modifie pour y incorporer les noms de candidats potentiels à la prochaine présidentielle, comme Nicolas Sarkozy ou Dominique Strauss-Kahn. Jean-Louis Gergorin, qui est un proche de Dominique de Villepin, envoie ces listings modifiés de façon théoriquement anonyme au juge Renaud Van Ruymbeke pour qu'il enquête dessus. Dominique de Villepin se réjouit des premières mentions dans la presse et l'encourage à ne pas lâcher Nicolas Sarkozy à ce sujet. Mais la supercherie est rapidement avérée, et Nicolas Sarkozy décide de se porter partie civile dans l'affaire, souhaitant que les coupables de cette tentative de manipulation soient condamnés. Le premier procès n'a pu mettre en avant de preuves prouvant la culpabilité de Dominique de Villepin, mais une question n'a pas trouvé de réponse : qui a incité Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin à organiser une telle affaire ?

Toujours est-il que Dominique de Villepin s'est retrouvé au banc des accusés, qu'il n'a pu être candidat à la présidentielle en 2007. Nicolas Sarkozy le fut. Depuis, Dominique de Villepin ne le méprise plus, il le hait. Et depuis 2007, il rêve de vengeance. A partir du moment où il a quitté Matignon, Dominique de Villepin a organisé son parcours politique de telle manière à se montrer comme l'opposant le plus acharné du Président de la République. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où ils sont censés être du même bord politique. Et lorsque Dominique de Villepin critique la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, il critique la politique qui a été menée lorsqu'il était lui-même Premier ministre. Dans son combat judiciaire et politique contre Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin utilise les mots les plus durs pour se poser en victime et attaquer le pouvoir politique en place, pourtant composé en grande partie de ceux qui le soutenaient autrefois.

Dominique de Villepin ne sera pas élu Président de la République. Il a pu le croire à une époque, mais ce n'est plus vraiment son objectif actuel. L'électorat de droite n'est pas suffisant pour envoyer un candidat du même parti au second tour face au Président sortant. Par contre, il peut tout à fait le faire perdre. En attisant la division pendant la campagne, voir lors du vote, Dominique de Villepin peut fortement gêner la réélection de Nicolas Sarkozy, se rajoutant aux autres contraintes habituelles inhérentes aux sortants. Et cette idée pourrait largement suffire à l'ancien Premier ministre. Son combat politique n'est pas tant pour construire quelque chose, que pour détruire quelqu'un. Cette haine ne peut pourtant pas être la base de l'avenir de la France.

mardi 16 novembre 2010

Et maintenant, on ne fait plus rien

Quel est le message du dernier remaniement gouvernemental ? Il doit bien y en avoir un, pour avoir été annoncé depuis si longtemps et pour qu'il finisse par avoir lieu. Ce ne peut être la volonté de faire un gouvernement "resserré". Pendant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy en avait promis un, ne comportant que quinze ministres, pour des raisons d'efficacité. Dans le nouveau gouvernement, hormis le Premier ministre, ils sont 22 à avoir le titre de ministre. C'est 50 % de plus que l'objectif annoncé. Ce ne peut être la stricte parité parmi les ministres, autre promesse électorale. Les femmes ne représentent qu'un tiers des membres du gouvernement. Et ce n'est définitivement pas le gouvernement de l'ouverture. Des personnalités dites d'ouverture ont été écartées du gouvernement alors qu'elles pouvaient encore y contribuer de façon positive, à l'instar de Jean-Marie Bockel.

A vrai dire, le signal envoyé est même celui d'un gouvernement de fermeture. Il ne s'agit même plus d'inclure d'autres familles politiques que la sienne, il a été question de ne pas accueillir toute sa famille politique. La partie centriste de la majorité a été écartée. Le Nouveau Centre, le Parti Radical ou même les centristes de l'UMP n'ont plus voix au chapitre. Nicolas Sarkozy pouvait légitimement garder François Fillon au poste de Premier ministre, dans la mesure où celui-ci n'a rien à se reprocher. Mais il a fait une erreur en ne prenant pas en compte l'apport de Jean-Louis Borloo, en l'humiliant même.

L'UMP, bâtie par Jacques Chirac, avait pour but d'unir la droite pour éviter les petits conflits internes et les douloureuses divisions. Là, on se retrouve avec un gouvernement tristement RPR. Son but est, paraît-il, de former une équipe de combat dans le cadre de la prochaine présidentielle. La majorité est sortie épuisée du conflit sur les retraites, et elle sent visiblement le besoin de se refaire une santé. Dès lors, il ne peut plus être question de prise de risque ou de questions clivantes. Le grenelle de la fiscalité ou le dossier de la dépendance, vaguement en vue, seront traités de manière à ne donner lieu à aucun remous. En d'autre termes, il ne se passera rien. Rien ne sera fait. Le gouvernement va gérer les affaires courantes jusqu'à la prochaine présidentielle, et accessoirement fera campagne pour le Président. Il passera aussi probablement du temps à traiter les conséquences de la division de la majorité. Bref, il ne reste plus qu'à commencer à écrire les programmes pour la prochaine législature.



Cela fait bien longtemps que les gouvernements sont créés de façon presque aléatoire, mais cette fois-ci en est l'exemple le plus frappant. Il est possible de s'en rendre compte en en consultant le détail :

- Déjà, contrairement à sa promesse de campagne faite lors du Pacte écologique de Nicolas Hulot, le Président de la République a dégradé le ministère de l'environnement. Le ministre de l'environnement aurait théoriquement du être numéro 2 du gouvernement, seul ministre d'Etat, doté d'un poids politique important et ayant la main sur toutes les administrations concernées. Nathalie Kosciusko-Morizet n'est que numéro 4, n'est pas ministre d'Etat, a un poids politique modéré (même si elle connait le sujet) et a perdu le contrôle du dossier majeur qu'est l'énergie.

- Le retour d'Alain Juppé n'aurait jamais du avoir lieu. Il avait démissionné en 2007 car avait été battu aux législatives, et avait promis aux Bordelais de se consacrer à Bordeaux en 2008. Il n'est pas plus député aujourd'hui qu'hier, et laisse tomber Bordeaux. Surtout, homme du passé, on se demande ce qu'il revient faire à Paris hormis l'envie de profiter du titre ronflant de ministre d'Etat.

- Le ministère de l'immigration et de l'identité nationale disparaît, alors qu'encore une fois, c'était une promesse présidentielle. On revient à la situation précédente, où le dossier est traité par l'Intérieur. S'il y a ce changement, c'est soit qu'on fait une erreur aujourd'hui, soit qu'on en a fait une hier. Il faudrait le dire.

- Xavier Bertrand revient au gouvernement, après avoir échoué à la tête de l'UMP. A sa place, Jean-François Copé arrive pour servir, comme toujours, son intérêt personnel en priorité. Les militants n'ont de toute façon pas à choisir leurs dirigeants, une décision qui n'aura en fin de compte servi qu'à démobiliser le parti présidentiel.

- Certains ministres qui étaient performants là où ils étaient (comme Valérie Pécresse, Christine Lagarde ou François Baroin), restent en place, ce qui est déjà ça. Eric Woerth part, après avoir accompli sa mission qu'était la réforme des retraites. Totalement carbonisé, il aura quand même bien duré malgré la campagne médiatique dont il fut l'objet.

- Roselyne Bachelot se voit attribuer un ministère aux contours flous, ce qui signifie probablement qu'il est vide. La raison est simple : François Fillon voulait la garder, mais plus à la Santé. D'où une création de ministère ex-nihilo.

- Encore fois, certains députés (Patrick Ollier, Maurice Leroy, Thierry Mariani...) deviennent ministres uniquement parce qu'ils l'ont toujours voulu.

- Et enfin, Frédéric Lefebvre se voit récompensé d'un strapontin ministériel pour sa violence verbale et sa renonciation à ses propres capacités intellectuelles. Le signal envoyé est parfaitement clair.

Ne pouvait-on vraiment pas faire mieux ? Avec plusieurs mois de réflexion avant ce remaniement, cela aurait du être possible.

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