En devenant Président de la République, Nicolas Sarkozy a du quiter une autre présidence, celle de l'UMP. Avoir eu le contrôle de cette formation politique fut déterminant dans sa conquète de l'Elysée, réussissant pour cela à en augmenter considérablement le nombre d'adhérents et à déjouer les oppostions internes en s'appuyant sur la légitimité que lui conférait son élection à la tête de l'UMP par l'ensemble des militants en 2004. Logiquement, Nicolas Sarkozy ayant démissionné de cette présidence lors de son entrée à l'Elysée, l'UMP aurait du être dirigée en intérim par le vice-président devenu président délégué, Jean-Claude Gaudin, le temps d'arriver au prochain congrès. Or le mandat d'un bureau dirigeant de ce parti a une durée de trois ans, donc il faudrait qu'un nouveau bureau soit élu dans les mêmes conditions à l'automne prochain. Mais tout d'un coup se développe une théorie inédite sur la direction de l'UMP : maintenant que le Président de la République est issu de l'UMP, le mouvement ne pourrait plus être dirigé par quelqu'un qui soit élu au suffrage universel des militants. Cela créerait un "conflit de légitmité" entre le Président de la République et le président de l'UMP, et l'on ne saurait plus clairement qui dirige la majorité. Voilà qui est surprenant.

Surprenant, et absurde de surcroit. En effet, Nicolas Sarkozy, en remportant l'élection présidentielle, est devenu le Président de tous les Français, et pas le simple chef d'un parti politique. Il n'a certainement pas à se placer sur ce terrain là, surtout qu'il peut toujours s'adresser s'il le souhaite à ses anciens amis politiques. De plus, rien n'empêche les militants de désigner un bureau qui soit totalement loyal et fidèle au Président de la République. Après tout, cette majorité est une majorité présidentielle, et les élections législatives ont largement joué sur ce thème. Mais la légitimité même que confère l'élection au suffrage universel des adhérents semble être perçu comme une menace par l'Elysée, et Patrick Devedjian et Jean-Pierre Raffarin, deux personnes qui souhaiteraient être de la futur équipe dirigeante, sont chargés de trouver un moyen de supprimer ce suffrage universel lorsque le Président de la République est un ancien adhérent de l'UMP. A la place il y aurait une direction collégiale étendue, désignée par le bureau national des cadres de l'UMP, éventuellement confirmée par les adhérents par un vote de confiance. Cela veut tout simplement dire qu'il devient hors de question qu'il y ait plusieurs candidats à la tête de l'UMP, annihilant la possibilité de choix parmi les militants. En terme de démocratie interne, le recul est total. Cette orientation, si elle confirmée, reviendrait à officialiser le mépris des dirigeants de ce parti politique pour ceux qui y ont adhéré.

Déjà, on peut remarquer l'ironie de la situation : Nicolas Sarkozy, qui a répété pendant toute la campagne présidentielle que rien ne lui avait jamais été donné et qu'il avait du conquérir par lui-même chacune de ses responsabilités, n'aurait pas pu prendre la tête de l'UMP en 2004 si de telles règles avaient été à l'oeuvre. En effet, Jacques Chirac étant le fondateur de fait de l'UMP, il aurait fallu une direction collégiale. Celle-ci émanant de cadres établis plutôt que de nouveaux militants, elle aurait consacré les plus fidèles des chiraquiens dont Nicolas Sarkozy ne faisait certainement pas parti. Celui-ci souhaite certainement qu'un autre fasse ce que lui même a fait : il refuserait qu'un opposant potentiel puisse lui faire de l'ombre et représenter un successeur potentiel, ce qu'il était pour Jacques Chirac. Mais le point le plus gênant, et qui semble sous-estimé par ceux qui sont aujourd'hui à la manoeuvre, est le signal envoyé : en ne consultant plus la base, ce parti se met de lui-même en sommeil jusqu'aux prochaines élections présidentielles. Il aurait pourtant fallu, au contraire, que l'expansion continue, quitte à se transformer en phénomène de société, que le courant d'opinion soit toujours plus fort, pour aider le gouvernement dans ses réformes et enclencher le changement dans la société. Il y a beaucoup à faire sur ce champ-là, mais ces responsables politique s'orientent aveuglement dans le sens inverse, pour de pures questions politiciennes. Ils ratent là une fantastique occasion.

Photo : Reuters