Les élections régionales sont dans trois semaines, et l'on en parle bien peu. Si peu de Français savent quelles sont les compétences des conseils régionaux, rien n'est fait pour éclaircir cela. Les présidents de région peuvent même espérer se faire élire sur la base de la popularité des différents partis politiques, plutôt que sur un bilan ou un projet. Les précédentes élections en 2004 l'avaient parfaitement montré, en portant 20 socialistes à la têtes des 22 régions métropolitaines sur le simple argument du vote sanction contre le gouvernement. Mais sur ces 20 présidents, certains peuvent avoir profité de leur élection pour œuvrer sincèrement au développement de leur région, et travailler pour appliquer leur projet. Ce n'est pas le cas de Jean-Paul Huchon. Voilà désormais 12 ans qu'il est à la tête de l'Ile de France, et son échec est patent. Ce n'est même pas qu'il a échoué dans ce qu'il a entrepris, mais bien parce qu'il n'a quasiment rien entrepris. Les deux compétences les plus importantes d'une région sont la gestion des lycées et celle des transports. En Ile de France, la question des transports en commun est particulièrement cruciale, vu qu'une grande partie de ses habitants est amenée à y passer deux heures ou plus par jour dans le cadre des déplacements entre le domicile et le travail. Or ils s'avèrent qu'ils sont dans la déliquescence la plus totale.

Les lignes de métro et de RER sont quasiment toutes défaillantes, accablées par une surcharge de trafic désormais constante et le poids des années de l'équipement. Ce sont pourtant ces moyens de transports lourds qui transportent le plus de voyageurs, et qui devraient être donc la priorité des autorités. Or la région Ile de France dirige le Syndicat des Transports d'Ile de France, qui gère tous les aspects des transports en commun francilien. Mais rien n'a été fait ces douze dernières années. Les derniers faits marquants en la matière sont les inauguration de Meteor (la ligne 14 du métro) et d'Eole (la ligne E du RER), respectivement en 1998 et 1999. Évidemment, cela prend du temps de créer de nouvelles lignes. Mais alors que Jean-Paul Huchon et son équipe (composée des Verts, des socialistes et des communistes) sont au pouvoir depuis 1998, rien d'important n'a été fait. Et le matériel roulant ne cesse de se dégrader, conséquence d'un manque d'investissement chronique pour du matériel de renouvellement.

Et qui est mieux placé pour l'admettre que Jean-Paul Huchon lui-même ? Son programme pour les transports en commun de 2010 est un copié collé de celui de 2004, reconnaissant ainsi que celui de 2004 n'a tout simplement pas été appliqué.
Son titre était pourtant évocateur : "des transports publics sans défaut". Viennent alors les engagements les plus marquants :

"NOUS GARANTIRONS DES TRANSPORTS PUBLICS SANS DÉFAUT :
  • création d’une francilienne des transports collectifs (des nouvelles lignes de trains de banlieue à banlieue, de nouveaux bus et tramways, des prolongements de lignes… soit 300 kilomètres de réseaux),
  • rénovation de tout le matériel roulant (trains, bus, RER…),
  • modernisation des réseaux ferrés (lignes B, C, D du RER notamment),
  • transports la nuit et le week-end, augmentation du trafic aux heures de pointe,
  • deux tarifs pour la carte Orange (40 euros / 65 euros), avant instauration d’une carte universelle permettant de passer d’un mode de transport à l’autre dans toute la Région."
Ils sont également suivis d'autres engagements, parmi lesquels ceux d'ordre tarifaire :
  • "carte Orange valable sur tous les réseaux les week-ends et jours fériés,
  • gratuité pour les chômeurs, les jeunes en insertion et les allocataires du RMA pour faciliter leur recherche d'emploi,
  • tarif régional unifié pour les personnes âgées,
  • carte Imagine’R pour tous les 11-25 ans (non salariés),
  • ticket unique de transport valable 1 h 30 en Ile-de-France."
Et maintenant, voilà où on en est sur chaque engagement :
  • La "francilienne des transports collectifs" n'existe pas. Il n'existe pas de lignes de trains de banlieue à banlieue à l'heure actuelle.
  • Le matériel roulant est dans un état encore pire qu'avant. On retrouve ainsi dans le projet 2010 de Jean-Paul Huchon "Modernisation de tous les RER : lignes, matériel, système d’information, services, etc."
  • De même, le projet 2010 continue de promettre des transports ferrés la nuit du samedi au dimanche. Davantage de bus Noctilien sont à nouveau promis. Les usagers des transports en commun ont en revanche bien compris que la vétusté limitait l'augmentation du nombre de trains pendant les heures de pointes. La ligne
  • A montre ainsi qu'il aurait fallu investir il y a bien longtemps sur le prolongement de la ligne E vers la Défense.
  • Les deux tarifs pour la carte orange restent une aimable plaisanterie (et la carte universelle encore plus) : 6 zones demeurent, avec des tarifs allant de 51,10 € à 123,60 €.
  • La carte orange n'est pas valable sur tous les réseaux les week-ends et les jours fériés. La proposition se retrouve dans le programme 2010 pour ceux qui voudront toujours bien y croire.
  • Le copié collé de l'ancien programme continue avec la gratuité pour les jeunes en insertions.
  • De même pour la carte Imagine'R pour tous les 11-25 ans non salariés : six n'ont pas été suffisant pour mettre en place cette mesure, puisqu'elle se retrouve à nouveau dans le catalogue des engagements (pourtant marqués "nous le ferons" à l'époque).
  • Le ticket unique de transport valable 1h30 ne fonctionne que sur les bus et tramways.
Le programme de 2004 est donc un catalogue de promesses non tenues, aujourd'hui recyclées à l'identique. Les transports en commun franciliens sont à l'agonie, et leurs usagers quotidiennement épuisés par les retards, annulations, grèves, dysfonctionnement, surcharges et autres galères régulières. Cette situation pousse de nombreuses personnes à prendre leurs voitures, engendrant ainsi bouchons et pollutions. La dette de la région augmente alors que les investissements reculent en part relative. Si les impôts ont largement augmenté, les dépenses consacrées aux transports en commun ont baissé en valeur absolue. Tout cela au bénéfice de frais de fonctionnement, tels que les dépenses de communication ou bien l'embauche de nouveaux fonctionnaires (hors décentralisation).

Au vu de tout cela, la condamnation de Jean-Paul Huchon à 60 000 euros d'amende et un an de prison avec sursis pour prise illégale d'intérêts (des faits commis en tant que président de l'Ile de France justement) pourrait presque paraître anecdotique. Son plus grand atout est que les deux tiers des Franciliens ne le connaissent pas d'après un sondage de novembre dernier, après pourtant plus de 10 ans à son poste. Il est même favori pour se succéder pour lui-même. Ce serait la pire chose pour les Franciliens. Lui et son équipe doivent quitter la présidence de l'Ile de France à la suite des élections de mars.