Réflexions en cours

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lundi 15 juin 2009

S'opposer pour s'opposer

L'annonce de l'expression du Président de la République devant le Congrès de Versailles a plongé la gauche dans une polémique dont elle est coutumière. Rapidement, des voix se sont exprimées pour appeler au boycott de cette expression. C'est notamment la position des communistes, des Verts et de certains socialistes. D'autres sont restés plus modérés et se sont déclarés prêts à suivre la Constitution. C'est le cas des radicaux de gauche, et des socialistes restants. Ce sont bien ces derniers qui adoptent la meilleure attitude. Ecouter Nicolas Sarkozy ne veut pas dire lui obéir par la suite, et dans une démocratie, il est normal que les différents acteurs politiques parlent et s'écoutent, puisque cela fait partie du débat. Jusqu'à la dernière modification constitutionnelle, l'expression du Président devant le Parlement ne faisait pas partie des traditions politiques françaises. Elle est désormais possible suite à une décision du Congrès. Il est donc logique que ce même Congrès suive ses propre décisions.

En fait, pour les partisans du boycott, l'idée même d'écouter Nicolas Sarkozy est insupportable. Dans leur état d'esprit, tout ce qui ne relève pas de l'opposition systématique relève d'une intolérable compromission avec un pouvoir coupable. Et cette opposition s'exprime dans le fait d'avoir le comportement le moins constructif possible. On en arrive vite à une vision selon laquelle il faut s'opposer pour s'opposer, que c'est là l'unique rôle de la minorité dans le Parlement. Bien sûr, il est normal que la minorité contrôle le travail réalisé par le pouvoir en place et promeuve ses propres idées. Mais ce n'est pas cela qui est à l'oeuvre dans cette affaire. Il est ici question de s'opposer avant même que Nicolas Sarkozy ait pris la parole, avant même que l'on sache ce qu'il va dire. Aucune chance n'est laissée à l'expression, seuls prédominent le rejet et le mépris.

C'est en soi révélateur du manichéisme qui anime une partie de l'échiquier politique. La conviction d'être soi-même toujours systématiquement dans la Vérité pure, et que celui qui pense différemment est coupable de tous les maux est un comportement malheureusement très répandu, qui finit par nuire au débat démocratique et aux institutions. Mais ce complexe de supériorité a un autre effet, que la gauche semble ignorer : pour tous les modérés, y compris bien sûr ceux qui ne sont pas de droite, ces prédispositions au mépris sont ridicules et en disent long sur ceux qui les ont. En adoptant de telles postures, c'est en fait à elle-même que la gauche fait du mal en premier.

mercredi 10 juin 2009

Après les européennes

Le scrutin de dimanche aura eu des résultats aussi spectaculaires que faiblement représentatifs. Avec seulement 40 % de participation, les européennes confirment le fait qu'elles sont l'échéance électorale qui intéresse le moins la population. En conséquence directe, il serait bien présomptueux de tirer des tendances à long terme sur les positions respectives de telle ou telle force politique. Si les européennes sont importantes au vu du Parlement Européen, en terme de politique politicienne nationale, elles sont même anecdotiques. Les expériences passées le montrent.

En 1994, le Parti Socialiste souffrait une défaite lourde, avec 14 % des suffrages, à deux points seulement des listes des radicaux de gauche emmenés par Bernard Tapie et des villiéristes. A la présidentielle de 1995, Lionel Jospin arrivait au second tour, et tant les radicaux que les souverainistes n'avaient réussi à s'appuyer sur ce succès d'un jour. En 1997, trois ans seulement après ces européennes catastrophiques, le Parti Socialiste remportait les législatives.

En 1999, la liste socialiste fut celle qui remportât le plus de voix, celle conduite par Nicolas Sarkozy terminant à une humiliante troisième place, avec 12 % des suffrages. Le Front National était au plus bas à 5,69 %. Trois ans plus tard, la gauche fut éliminée dès le premier tour de la présidentielle, Jean-Marie Le Pen était au second tour, Jacques Chirac fut finalement réélu, et Nicolas Sarkozy prit son envol en devenant numéro deux du gouvernement.

En 2004, les socialistes triomphèrent à nouveau aux européennes, l'UMP ne recueillant que 16 % des voix. Et ce alors qu'elle avait déjà subi une défaite quasi-généralisée lors des régionales quelques mois auparavant. Cela n'empêcha la droite de gagner la présidentielle de 2007.

Il est donc inutile de projeter les résultats des dernières européennes sur la présidentielle de 2012. Si l'UMP et les Verts ont accompli de très bonnes performances électorales, et que le Modem et le Parti Socialiste sont dans un mauvais état, cela n'augure en rien leurs chances pour l'avenir. Il faut, en fait, analyser ces résultats uniquement en les comparant à ceux des précédentes européennes.

Historiquement, les partis les plus favorisés par les européennes sont ceux qui ont quelque chose à dire sur la construction européenne, en y étant particulièrement favorable ou défavorable. Le scrutin avantageait donc l'UDF et les Verts euro-enthousiastes, ainsi que les souverainistes eurosceptiques. Les résultats des socialistes et de la droite dépendaient davantage de la popularité du gouvernement du moment.

Cette année, le Modem, héritier de l'UDF, a bien peu parlé d'Europe. Ce fut un choix assumé par son dirigeant, François Bayrou, dans sa volonté de se poser comme l'opposant le plus virulent du Chef de l'Etat, oubliant pour ce faire ses anciennes convictions pro-européennes. Cette décision discutable, ainsi que son goût pour la paranoïa ont mal été perçus, d'où un score très faible de cette formation : 8,45 % en 2009 contre 12 % en 2004 et 9,28 % en 1999.

Ce furent les Verts qui bénéficièrent de cette déroute : le charismatique Daniel Cohn-Bendit assuma son positionnement fédéraliste de bout en bout, se concentrant toujours sur les enjeux européens, parvenant même à faire oublier une alliance contre nature avec José Bové. La liste Europe Ecologie attira de nombreux partisans de la construction européenne, rejoignant ceux qui étaient simplement préoccupés par l'environnement. Avec 16,28 % des suffrages, ils obtiennent leur meilleur score national, et l'on peut également constater le score honorable de la liste Alliance Ecologique Indépendante (3,23 %), renforçant l'idée qu'un positionnement écologique moins marqué idéologiquement attire plus facilement. Lorsque c'est Noël Mamère qui est en premier plan, l'idée de l'environnement s'efface derrière l'aigreur partisane de gauche, alors que la protection de la planète concerne tout le monde...

Même en additionnant les scores des listes Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan et Libertas de Philippe de Villiers, cela dépasse à peine les 6 %. Les souverainistes restent donc globalement stables par rapport à 2004, bien loin de leurs scores de 1994 et 1999, ne bénéficiant pas d'un quelconque effet "référendum constitutionnel" auquel on aurait pu penser.

Le plus surprenant reste donc la bonne performance de l'UMP et la mauvaise du PS. La situation pouvait être vue comme semblable à celle de 2004, avec une opposition tirant les bénéfices d'un gouvernement peu populaire. Il s'avère néanmoins que l'électorat de droite reste relativement soudé derrière un gouvernement qui a moins peur de faire des réformes difficiles, alors que le Parti Socialiste ne peut plus se contenter d'attendre la défaite du camp d'en face, n'ayant plus aucun argument pour attirer les électeurs.

Si l'opposition systématique et le vote sanction ne sont plus des notions ayant cours, il se pourrait alors que les prochaines régionales se décident au vu des mérites respectifs des différentes listes et des projets proposés. Ce serait une évolution notable et positive.

jeudi 4 juin 2009

François Bayrou prêt à tout

Traditionnellement, les élections européennes étaient favorables pour l'UDF. Les chrétiens démocrates font parti des plus engagés lorsqu'il s'agit de défendre et promouvoir la construction européenne, et ce positionnement clair leur est favorable dans les élections où l'Europe est bien le principal sujet. Que ce soit en 1979, avec Simone Veil, en 1999 ou en 2004, à chaque fois que l'UDF faisait des listes indépendantes, cet engagement fort était revendiqué, et suivi de succès dans les urnes. Mais cette année, ce n'est plus le cas. Le Modem a remplacé l'UDF pour pouvoir organiser le culte de son président, François Bayrou. Le principal but de celui-ci est de se positionner comme le principal opposant au pouvoir en place pour pouvoir en prendre le relais. Les engagements européens sont bien loin. Il faut dire qu'il y a cinq ans, François Bayrou avait voulu faire bande à part au Parlement Européen pour éviter de siéger aux côtés de l'UMP, dont il était pourtant proche des idées sur biens des aspects. Les députés européens de l'UDF avaient donc crée un nouveau groupe, l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe. Cela devait crédibiliser son projet de réorienter son parti vers le concept de "démocrate". Mais hors le parti Italien Le Margherita (qui rejoindra d'ailleurs les socialistes à la prochaine législature), il ne s'est trouvé que des libéraux purs et durs pour l'accompagner.

Voilà donc cinq ans que le groupe qu'il a fondé prend des positions favorables au libéralisme économique, bien loin de celles prises sur la scène politique française. Le fédéralisme est oublié. Lorsqu'il lui est demandé de proposer un candidat alternatif à José-Manuel Barrosso, il en propose deux. L'un étant Mario Monti, ancien commissaire au marché intérieur, partisan de la dérégulation la plus totale et du refus de l'interventionnisme des institutions européennes. Les objectifs de projets politiques communs sont bien loin. Dès lors, il n'était plus étonnant qu'à l'instar de la plupart des autres partis politiques français, le Modem n'ait plus grand chose à dire sur l'Union Européenne à l'occasion de ces élections. La logique voulait que les débats soient recentrés sur le duel personnel dans lequel se considère être François Bayrou face à Nicolas Sarkozy.

Et si jamais le peuple a du mal à suivre face à ce changement d'orientation, à cette trahison envers ses propres idées, eh bien François Bayrou ne comprend pas. Et accuse, tout le monde, à tort et à travers, de tout faire pour l'empêcher sa destinée. Dans son esprit, il ne peut en être autrement. Hier, ce fut donc les sondages qui ont mis sur la sellette, pointés du doigts car faisant le jeu du pouvoir, lorsqu'ils ne sont pas positifs pour le Modem. François Bayrou ne tenait pas de tels propos, lors de la présidentielle de 2007, lorsqu'ils lui étaient largement favorables.

Mais aujourd'hui, les accusations se font plus graves, et d'un niveau effarant. Quand, sur le plateau de l'émission A vous de juger, le candidat vert Daniel Cohn-Bendit lui a dit qu'il ne serai jamais Président de la République, François Bayrou a répliqué en accusant son interlocuteur de pédophile, via la périphrase "je trouve ignoble d'avoir poussé et justifié des actes à l'égard des enfants que je ne peux pas accepter". Ce faisant, il tombe dans l'argumentaire jusqu'à présent réservé au Front National. Pour François Bayrou, tout est bon pour disqualifier un adversaire. Et recourir à une provocation spectaculaire a aussi comme utilité de le remettre au centre des médias. A ce niveau-là, c'est gagné. Mais cela en valait-il vraiment le prix ? Tout est-il possible pour satisfaire son ambition personnelle ? Par son comportement actuel, François Bayrou ne trahit pas seulement ses idéaux européens, mais aussi les principes éthiques qui lui ont certainement été chers un jour.

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