Le scrutin de dimanche aura eu des résultats aussi spectaculaires que faiblement représentatifs. Avec seulement 40 % de participation, les européennes confirment le fait qu'elles sont l'échéance électorale qui intéresse le moins la population. En conséquence directe, il serait bien présomptueux de tirer des tendances à long terme sur les positions respectives de telle ou telle force politique. Si les européennes sont importantes au vu du Parlement Européen, en terme de politique politicienne nationale, elles sont même anecdotiques. Les expériences passées le montrent.

En 1994, le Parti Socialiste souffrait une défaite lourde, avec 14 % des suffrages, à deux points seulement des listes des radicaux de gauche emmenés par Bernard Tapie et des villiéristes. A la présidentielle de 1995, Lionel Jospin arrivait au second tour, et tant les radicaux que les souverainistes n'avaient réussi à s'appuyer sur ce succès d'un jour. En 1997, trois ans seulement après ces européennes catastrophiques, le Parti Socialiste remportait les législatives.

En 1999, la liste socialiste fut celle qui remportât le plus de voix, celle conduite par Nicolas Sarkozy terminant à une humiliante troisième place, avec 12 % des suffrages. Le Front National était au plus bas à 5,69 %. Trois ans plus tard, la gauche fut éliminée dès le premier tour de la présidentielle, Jean-Marie Le Pen était au second tour, Jacques Chirac fut finalement réélu, et Nicolas Sarkozy prit son envol en devenant numéro deux du gouvernement.

En 2004, les socialistes triomphèrent à nouveau aux européennes, l'UMP ne recueillant que 16 % des voix. Et ce alors qu'elle avait déjà subi une défaite quasi-généralisée lors des régionales quelques mois auparavant. Cela n'empêcha la droite de gagner la présidentielle de 2007.

Il est donc inutile de projeter les résultats des dernières européennes sur la présidentielle de 2012. Si l'UMP et les Verts ont accompli de très bonnes performances électorales, et que le Modem et le Parti Socialiste sont dans un mauvais état, cela n'augure en rien leurs chances pour l'avenir. Il faut, en fait, analyser ces résultats uniquement en les comparant à ceux des précédentes européennes.

Historiquement, les partis les plus favorisés par les européennes sont ceux qui ont quelque chose à dire sur la construction européenne, en y étant particulièrement favorable ou défavorable. Le scrutin avantageait donc l'UDF et les Verts euro-enthousiastes, ainsi que les souverainistes eurosceptiques. Les résultats des socialistes et de la droite dépendaient davantage de la popularité du gouvernement du moment.

Cette année, le Modem, héritier de l'UDF, a bien peu parlé d'Europe. Ce fut un choix assumé par son dirigeant, François Bayrou, dans sa volonté de se poser comme l'opposant le plus virulent du Chef de l'Etat, oubliant pour ce faire ses anciennes convictions pro-européennes. Cette décision discutable, ainsi que son goût pour la paranoïa ont mal été perçus, d'où un score très faible de cette formation : 8,45 % en 2009 contre 12 % en 2004 et 9,28 % en 1999.

Ce furent les Verts qui bénéficièrent de cette déroute : le charismatique Daniel Cohn-Bendit assuma son positionnement fédéraliste de bout en bout, se concentrant toujours sur les enjeux européens, parvenant même à faire oublier une alliance contre nature avec José Bové. La liste Europe Ecologie attira de nombreux partisans de la construction européenne, rejoignant ceux qui étaient simplement préoccupés par l'environnement. Avec 16,28 % des suffrages, ils obtiennent leur meilleur score national, et l'on peut également constater le score honorable de la liste Alliance Ecologique Indépendante (3,23 %), renforçant l'idée qu'un positionnement écologique moins marqué idéologiquement attire plus facilement. Lorsque c'est Noël Mamère qui est en premier plan, l'idée de l'environnement s'efface derrière l'aigreur partisane de gauche, alors que la protection de la planète concerne tout le monde...

Même en additionnant les scores des listes Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan et Libertas de Philippe de Villiers, cela dépasse à peine les 6 %. Les souverainistes restent donc globalement stables par rapport à 2004, bien loin de leurs scores de 1994 et 1999, ne bénéficiant pas d'un quelconque effet "référendum constitutionnel" auquel on aurait pu penser.

Le plus surprenant reste donc la bonne performance de l'UMP et la mauvaise du PS. La situation pouvait être vue comme semblable à celle de 2004, avec une opposition tirant les bénéfices d'un gouvernement peu populaire. Il s'avère néanmoins que l'électorat de droite reste relativement soudé derrière un gouvernement qui a moins peur de faire des réformes difficiles, alors que le Parti Socialiste ne peut plus se contenter d'attendre la défaite du camp d'en face, n'ayant plus aucun argument pour attirer les électeurs.

Si l'opposition systématique et le vote sanction ne sont plus des notions ayant cours, il se pourrait alors que les prochaines régionales se décident au vu des mérites respectifs des différentes listes et des projets proposés. Ce serait une évolution notable et positive.