Traditionnellement, les élections européennes étaient favorables pour l'UDF. Les chrétiens démocrates font parti des plus engagés lorsqu'il s'agit de défendre et promouvoir la construction européenne, et ce positionnement clair leur est favorable dans les élections où l'Europe est bien le principal sujet. Que ce soit en 1979, avec Simone Veil, en 1999 ou en 2004, à chaque fois que l'UDF faisait des listes indépendantes, cet engagement fort était revendiqué, et suivi de succès dans les urnes. Mais cette année, ce n'est plus le cas. Le Modem a remplacé l'UDF pour pouvoir organiser le culte de son président, François Bayrou. Le principal but de celui-ci est de se positionner comme le principal opposant au pouvoir en place pour pouvoir en prendre le relais. Les engagements européens sont bien loin. Il faut dire qu'il y a cinq ans, François Bayrou avait voulu faire bande à part au Parlement Européen pour éviter de siéger aux côtés de l'UMP, dont il était pourtant proche des idées sur biens des aspects. Les députés européens de l'UDF avaient donc crée un nouveau groupe, l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe. Cela devait crédibiliser son projet de réorienter son parti vers le concept de "démocrate". Mais hors le parti Italien Le Margherita (qui rejoindra d'ailleurs les socialistes à la prochaine législature), il ne s'est trouvé que des libéraux purs et durs pour l'accompagner.

Voilà donc cinq ans que le groupe qu'il a fondé prend des positions favorables au libéralisme économique, bien loin de celles prises sur la scène politique française. Le fédéralisme est oublié. Lorsqu'il lui est demandé de proposer un candidat alternatif à José-Manuel Barrosso, il en propose deux. L'un étant Mario Monti, ancien commissaire au marché intérieur, partisan de la dérégulation la plus totale et du refus de l'interventionnisme des institutions européennes. Les objectifs de projets politiques communs sont bien loin. Dès lors, il n'était plus étonnant qu'à l'instar de la plupart des autres partis politiques français, le Modem n'ait plus grand chose à dire sur l'Union Européenne à l'occasion de ces élections. La logique voulait que les débats soient recentrés sur le duel personnel dans lequel se considère être François Bayrou face à Nicolas Sarkozy.

Et si jamais le peuple a du mal à suivre face à ce changement d'orientation, à cette trahison envers ses propres idées, eh bien François Bayrou ne comprend pas. Et accuse, tout le monde, à tort et à travers, de tout faire pour l'empêcher sa destinée. Dans son esprit, il ne peut en être autrement. Hier, ce fut donc les sondages qui ont mis sur la sellette, pointés du doigts car faisant le jeu du pouvoir, lorsqu'ils ne sont pas positifs pour le Modem. François Bayrou ne tenait pas de tels propos, lors de la présidentielle de 2007, lorsqu'ils lui étaient largement favorables.

Mais aujourd'hui, les accusations se font plus graves, et d'un niveau effarant. Quand, sur le plateau de l'émission A vous de juger, le candidat vert Daniel Cohn-Bendit lui a dit qu'il ne serai jamais Président de la République, François Bayrou a répliqué en accusant son interlocuteur de pédophile, via la périphrase "je trouve ignoble d'avoir poussé et justifié des actes à l'égard des enfants que je ne peux pas accepter". Ce faisant, il tombe dans l'argumentaire jusqu'à présent réservé au Front National. Pour François Bayrou, tout est bon pour disqualifier un adversaire. Et recourir à une provocation spectaculaire a aussi comme utilité de le remettre au centre des médias. A ce niveau-là, c'est gagné. Mais cela en valait-il vraiment le prix ? Tout est-il possible pour satisfaire son ambition personnelle ? Par son comportement actuel, François Bayrou ne trahit pas seulement ses idéaux européens, mais aussi les principes éthiques qui lui ont certainement été chers un jour.