L'annonce de l'expression du Président de la République devant le Congrès de Versailles a plongé la gauche dans une polémique dont elle est coutumière. Rapidement, des voix se sont exprimées pour appeler au boycott de cette expression. C'est notamment la position des communistes, des Verts et de certains socialistes. D'autres sont restés plus modérés et se sont déclarés prêts à suivre la Constitution. C'est le cas des radicaux de gauche, et des socialistes restants. Ce sont bien ces derniers qui adoptent la meilleure attitude. Ecouter Nicolas Sarkozy ne veut pas dire lui obéir par la suite, et dans une démocratie, il est normal que les différents acteurs politiques parlent et s'écoutent, puisque cela fait partie du débat. Jusqu'à la dernière modification constitutionnelle, l'expression du Président devant le Parlement ne faisait pas partie des traditions politiques françaises. Elle est désormais possible suite à une décision du Congrès. Il est donc logique que ce même Congrès suive ses propre décisions.

En fait, pour les partisans du boycott, l'idée même d'écouter Nicolas Sarkozy est insupportable. Dans leur état d'esprit, tout ce qui ne relève pas de l'opposition systématique relève d'une intolérable compromission avec un pouvoir coupable. Et cette opposition s'exprime dans le fait d'avoir le comportement le moins constructif possible. On en arrive vite à une vision selon laquelle il faut s'opposer pour s'opposer, que c'est là l'unique rôle de la minorité dans le Parlement. Bien sûr, il est normal que la minorité contrôle le travail réalisé par le pouvoir en place et promeuve ses propres idées. Mais ce n'est pas cela qui est à l'oeuvre dans cette affaire. Il est ici question de s'opposer avant même que Nicolas Sarkozy ait pris la parole, avant même que l'on sache ce qu'il va dire. Aucune chance n'est laissée à l'expression, seuls prédominent le rejet et le mépris.

C'est en soi révélateur du manichéisme qui anime une partie de l'échiquier politique. La conviction d'être soi-même toujours systématiquement dans la Vérité pure, et que celui qui pense différemment est coupable de tous les maux est un comportement malheureusement très répandu, qui finit par nuire au débat démocratique et aux institutions. Mais ce complexe de supériorité a un autre effet, que la gauche semble ignorer : pour tous les modérés, y compris bien sûr ceux qui ne sont pas de droite, ces prédispositions au mépris sont ridicules et en disent long sur ceux qui les ont. En adoptant de telles postures, c'est en fait à elle-même que la gauche fait du mal en premier.