Réflexions en cours

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mercredi 24 août 2011

La fifille à son papa

Pour remporter les primaires socialistes, Martine Aubry compte sur sa "lettre aux Français". On y trouve rien de très original. Une description de sa France qui ressemble au paradis sur terre. Une critique de Nicolas Sarkozy. Une ébauche de programme, à base d'embauches massives de fonctionnaires, financées par une croissance miraculeusement retrouvée. Mais elle y glisse une référence qui n'est pas anodine. Dans ses valeurs, elle évoque "la fidélité au combat de mon père, Jacques Delors". Jusqu'à présent, au cours de sa carrière nationale, elle n'avait pas eu recours à la référence paternelle. Elle est certainement consciente que, contrairement à la plupart de ses concurrents à la prochaine présidentielle, elle n'est pas une "self made woman". Elle disposait du capital économique, culturel et surtout social dès son plus jeune âge. Et l'un de ses premiers emplois fut celui de conseillère au gouvernement auquel appartenait son père. On peut alors comprendre qu'elle souhaite rester discrète par humilité sur cet avantage dont elle a bénéficié par rapport aux autres. Mais cela a visiblement changé.

Il y a deux semaines, elle avait ainsi déjà sollicité son père pour qu'il participe à sa "cellule de crise économique", une opération de communication dans le cadre de sa campagne électorale. Alors qu'elle cherche à être élue aux plus hautes responsabilités, elle transforme son père en argument électoral. Celui-ci fut après tout très populaire en son temps, et son propre refus de se présenter à la présidentielle lui donne une aura de "celui qui aurait pu être Président s'il l'avait voulu". Dès lors, le message est clair : si vous n'avez pas pu avoir le père, vous pouvez encore avoir la fille. Tant pis si cela risque d'afficher au grand jour une dynastie.

Seulement, on ne peut pas vraiment dire que Martine Aubry soit sur la même ligne que Jacques Delors. Alors que ce dernier s'est toujours montré comme un défenseur d'une gauche modérée et raisonnable, faisant office de pompier lorsque le gouvernement Mauroy mettait le feu par ses mesures dépensières, la première est résolument dans le camp de la dépense comme principe de gouvernement. Les programmes publiés jusqu'ici par le PS, avant la déclaration de candidature de sa première secrétaire, se caractérisent par une frénésie dépensière inouïe.

Si l'on voulait un véritable héritier de Jacques Delors, alors il y aurait ici tromperie sur la personne. Jacques Delors veut certainement le mieux pour sa fille, et en conséquence cela ne le dérangera pas d'être utilisé à des fins électoralistes. Mais désormais, Martine Aubry rentre dans la catégorie de ceux qui font leur carrière sur le nom de leurs parents, à l'instar de Jean Sarkozy, George W. Bush ou Marine Le Pen.

mardi 2 août 2011

L'art du rassemblement

Deux candidats socialistes à la présidentielle, Ségolène Royal et Manuel Valls, ont appelé à la création d'une large majorité de rassemblement, allant de l'extrême gauche jusqu'aux gaullistes. Cela pose quelques questions. En premier lieu, celle de savoir en quoi consiste un rassemblement. En 2007, Nicolas Sarkozy avait également prévenu dès la campagne électorale qu'il devait ouvrir la majorité au plus large. C'est ce qu'on a appelé l'ouverture, où certaines personnalités du centre et de la gauche ont rejoint le nouveau Président pour participer au gouvernement. Ce fut mal vécu par une partie de la droite, qui y voyait soit une compromission, soit des portefeuilles ministériels qui lui échappaient. Le procédé fut également abondamment critiqué par la gauche, qui le caractérisa comme un mensonge, une façon de faire croire que Nicolas Sarkozy allait mener une politique de gauche, alors qu'il restait un vil suppôt de la droite.

Si elle a fait l'unanimité contre elle, l'ouverture ne méritait pas tant d'opprobres. Il s'agissait en fait de réunir l'éventail de compétences pour appliquer un programme précis, celui de Nicolas Sarkozy. On ne pouvait pas aussi mettre de côté le coup purement politique, l'ouverture ayant déconcerté un moment la gauche. D'un point de vue idéologique, le grand écart n'était pas immense. Les personnalités de gauche débauchées se trouvant soit assez neutres en matière de politique générale, mais spécialisées dans des thèmes particuliers, ou bien elles étaient d'ores et déjà dans les franges les plus à droite de la gauche.

La proposition de Ségolène Royal et de Manuel Valls va plus loin. Pour commencer, il faudrait commencer par définir ce qu'un "gaulliste" de nos jours. Il y a quarante ans, c'était un partisan du général De Gaulle, mais celui-ci est désormais six pieds sous terre. Sans De Gaulle, plus de gaullisme. On trouve bien des gens capables de se qualifier de gaullisme, s'appuyant sur tel ou tel comportement du général à un moment donné. Le concept n'a plus de pertinence. Si le gaullisme est l'euroscepticisme forcené de Nicolas Dupont-Aignan, on peine à voir où sera la compatibilité avec le programme de la gauche. Si le gaullisme est en fait un paravent du villepinisme, le problème se résout facilement : cette tendance a pour seul fondement idéologique la haine de Nicolas Sarkozy, ce qui est parfaitement soluble dans la gauche.

Le plus embarrassant est certainement l'appel à l'extrême gauche. C'est en fait parfaitement scandaleux. Que ne dirait-on pas (et avec raison) si l'UMP appelait au rassemblement avec l'extrême droite ? L'outrage est exactement le même. Ce sont tous les extrémismes qu'il faut combattre, et promouvoir l'extrême gauche comme certaines personnalités socialistes veulent le faire montre à quel point elles peuvent se fourvoyer pour des raisons électoralistes.

Avec un tel rassemblement, il ne reste plus grand monde qui ne soit pas compris dedans. Pour ceux qui restent en dehors, le PS a la solution. Harlem Désir, qui dirige actuellement le Parti Socialiste, a ainsi demandé la dissolution de la "droite populaire", c'est-à-dire la droite de l'UMP, soit à peu près les seuls qui n'étaient pas inclus dans le rassemblement socialiste à part le FN. Voilà où en est : les socialistes veulent que presque tout le monde votent pour eux, et souhaitent faire disparaître ceux qui n'en seront pas. Avec une telle méthode de rassemblement, on pourra se demander à quoi serviront encore les élections.

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