Deux candidats socialistes à la présidentielle, Ségolène Royal et Manuel Valls, ont appelé à la création d'une large majorité de rassemblement, allant de l'extrême gauche jusqu'aux gaullistes. Cela pose quelques questions. En premier lieu, celle de savoir en quoi consiste un rassemblement. En 2007, Nicolas Sarkozy avait également prévenu dès la campagne électorale qu'il devait ouvrir la majorité au plus large. C'est ce qu'on a appelé l'ouverture, où certaines personnalités du centre et de la gauche ont rejoint le nouveau Président pour participer au gouvernement. Ce fut mal vécu par une partie de la droite, qui y voyait soit une compromission, soit des portefeuilles ministériels qui lui échappaient. Le procédé fut également abondamment critiqué par la gauche, qui le caractérisa comme un mensonge, une façon de faire croire que Nicolas Sarkozy allait mener une politique de gauche, alors qu'il restait un vil suppôt de la droite.

Si elle a fait l'unanimité contre elle, l'ouverture ne méritait pas tant d'opprobres. Il s'agissait en fait de réunir l'éventail de compétences pour appliquer un programme précis, celui de Nicolas Sarkozy. On ne pouvait pas aussi mettre de côté le coup purement politique, l'ouverture ayant déconcerté un moment la gauche. D'un point de vue idéologique, le grand écart n'était pas immense. Les personnalités de gauche débauchées se trouvant soit assez neutres en matière de politique générale, mais spécialisées dans des thèmes particuliers, ou bien elles étaient d'ores et déjà dans les franges les plus à droite de la gauche.

La proposition de Ségolène Royal et de Manuel Valls va plus loin. Pour commencer, il faudrait commencer par définir ce qu'un "gaulliste" de nos jours. Il y a quarante ans, c'était un partisan du général De Gaulle, mais celui-ci est désormais six pieds sous terre. Sans De Gaulle, plus de gaullisme. On trouve bien des gens capables de se qualifier de gaullisme, s'appuyant sur tel ou tel comportement du général à un moment donné. Le concept n'a plus de pertinence. Si le gaullisme est l'euroscepticisme forcené de Nicolas Dupont-Aignan, on peine à voir où sera la compatibilité avec le programme de la gauche. Si le gaullisme est en fait un paravent du villepinisme, le problème se résout facilement : cette tendance a pour seul fondement idéologique la haine de Nicolas Sarkozy, ce qui est parfaitement soluble dans la gauche.

Le plus embarrassant est certainement l'appel à l'extrême gauche. C'est en fait parfaitement scandaleux. Que ne dirait-on pas (et avec raison) si l'UMP appelait au rassemblement avec l'extrême droite ? L'outrage est exactement le même. Ce sont tous les extrémismes qu'il faut combattre, et promouvoir l'extrême gauche comme certaines personnalités socialistes veulent le faire montre à quel point elles peuvent se fourvoyer pour des raisons électoralistes.

Avec un tel rassemblement, il ne reste plus grand monde qui ne soit pas compris dedans. Pour ceux qui restent en dehors, le PS a la solution. Harlem Désir, qui dirige actuellement le Parti Socialiste, a ainsi demandé la dissolution de la "droite populaire", c'est-à-dire la droite de l'UMP, soit à peu près les seuls qui n'étaient pas inclus dans le rassemblement socialiste à part le FN. Voilà où en est : les socialistes veulent que presque tout le monde votent pour eux, et souhaitent faire disparaître ceux qui n'en seront pas. Avec une telle méthode de rassemblement, on pourra se demander à quoi serviront encore les élections.