La scène se passe au Parti de Gauche. Deux caméras sont braquées sur Jean-Luc Mélenchon. Il a un micro cravate accroché à la chemise, et un micro perche au dessus de sa table. On lui montre un extrait du journal télévisé de France 2, où des syndicalistes mettent à sac les locaux de leur entreprise. David Pujadas pose des questions sur la légitimité de ces actes au leader CGT local. "Salaud !", "larbin !", tels sont les mots dont Jean-Luc Mélenchon se sert devant les caméras pour qualifier le journaliste. Il est coutumier de ce cette façon de s'exprimer basée sur l'insulte et le mépris. En titrant son livre "Qu'ils s'en aillent tous !", il montre en effet jusqu'à quel point il se considère supérieur à tous les autres. Il est peu probable en effet qu'il montre l'exemple en s'en allant le premier. D'une manière générale, ceux qui ne pensent pas comme lui ne risquent pas de trouver grâce à ses yeux.

Cela pose problème, car cela rend le débat politique bien plus compliqué. Comment, en effet, discuter avec des gens qui ne montrent que mépris et lancent les insultes facilement, lorsque apparaissent des désaccords ? L'insulte, le mépris, ou la censure, voilà l'alternative, le sort réservé explicitement à celui qui osera disconvenir face à la parole mélenchonniste. C'est d'autant plus regrettable que ce genre de procédés n'incite pas de bienveillance en retour, et pousse surtout à l'appauvrissement de la discussion. Sans être vraiment surpris, on y retrouve les techniques oratoires traditionnelles de l'extrême gauche.

A la base, il y a avant tout le manichéisme. Le camp défendu l'est toujours, malgré tout, car il a toujours raison, et les autres ont en conséquence toujours tort. De ce fait, tout acte douteux ou scandaleux se trouvera parfaitement justifié, au pire en affirmant que c'est le résultat de l'opposition hostile dont ce camp est la victime. Enfin, cette opposition est très mal comprise. Elle sera considérée comme un manque d'informations, ou bien comme le résultat d'une détestable malhonnêteté. Dans les deux cas, cette opposition sera refusée, disqualifiée d'un revers de main. D'où le mépris, l'insulte et la censure.

C'étaient les façons de faire des communistes il y a quelques décennies. Le quotidien L'Humanité défendait le Parti Communiste Français et l'URSS envers et contre tout. L'URSS elle-même procédait ainsi de façon étatique. Si un dissident avait une bonne image, et ne pouvait à ce titre être conspué facilement, il était envoyé à l'asile. Ne pas arriver à comprendre la supériorité du système soviétique était alors vu comme une marque de folie, et le dissident, parfois éminent scientifique, était envoyé chez les fous. Si le dissident ne bénéficiait pas de telles marques d'estime, il était supprimé plus brutalement, en étant envoyé dans les goulags. Mais dans les deux cas, l'expression est censurée. La propagande d'Etat se chargeait d'expliquer la vision des autorités, et de condamner celles dissidentes si jamais elles étaient reconnues.

Jean-Luc Mélenchon a quitté le Parti Socialiste pour créer le Front de Gauche avec le Parti Communiste. A la suite de la chute de l'empire soviétique, ce dernier avait beaucoup moins d'espaces d'expressions, car il est totalement discrédité par l'Histoire. Mais à travers Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche, on retrouve toute cette violence qui habitait la vie politique jusque dans les années 70. La violence verbale d'une part, à travers les discours tenus par Jean-Luc Mélenchon et ses militants. La violence physique d'autre part, légitimée lorsqu'elle est qualifiée d'"action syndicale". Dans les deux cas, c'est une évolution funeste. Mais ce n'est pas étonnant de la part de Jean-Luc Mélenchon, qui a seulement trouvé un porte-voix plus puissant en s'éloignant du Parti Socialiste. On peut d'ailleurs se demander ce qu'il y faisait jusque là...