Que dirait-on, en France, si nos tribunaux avaient condamnées définitivement un prévenu étranger à une peine longue de prison ferme, et que le gouvernement de son pays d'origine protesterait officiellement devant le notre à propos de cette décision judiciaire ? Eh bien nous ferions probablement un cours de séparation des pouvoirs, comme à chaque fois qu'une décision de justice est contestée. Cela arrive quand une personnalité politique critique une décision judiciaire. Cela arrive aussi quand un chef d'Etat africain se plaint au Quai d'Orsay de telle ou telle investigation judiciaire concernant une personnalité qui lui est proche. En bref, nous ne laisserions pas libre cours.

Alors pourquoi s'échine-ton à protester contre les décisions judiciaires qui concernent Florence Cassez, ressortissante française condamnée à plusieurs décennies de prison ferme au Mexique pour complicité avec un gang de kidnappeurs ? Elle a été condamnée par l'équivalent de la cour d'assises, en appel, et la sentence vient d'être maintenue par la cour de cassation. Elle est passée par toutes les étapes d'un parcours judiciaire tel qu'on peut le connaître en France. Bien sûr, ses soutiens peuvent penser que les décisions prises sont injustes. Mais la France, en plein maelström sur la qualité de sa justice, son indépendance et ses moyens, n'est pas vraiment en bonne position pour donner des leçons au monde.

La vraie question est plutôt : le Mexique est-il une démocratie ? Si la réponse était non, peut-être faudrait-il appeler à une démocratisation rapide du pouvoir, comme on l'a récemment fait pour l'Egypte. Mais la réponse est évidemment oui. Les élections sont libres et non truquées, l'élection très serrée du Président actuel, Felipe Calderon, le montre. Sa Constitution est plus ancienne que la notre et fonctionne bien depuis près de cent ans (elle date de 1917). Elle respecte d'ailleurs la séparation des pouvoirs. C'est donc une évidence, le Mexique a donc toute légitimité pour s'occuper de lui-même.

Dès lors, ce n'est pas le rôle du gouvernement français d'essayer d'influencer les décisions judiciaires mexicaines. On le lui reproche quand il essaye de le faire en France, on doit donc encore plus lui reprocher quand elle essaye de le faire dans un pays étranger. Il est incompréhensible pour le reste du monde que la France critique le fonctionnement démocratique d'autres pays. Le Mexique peut donc parfaitement se sentir outragé qu'il y ait de tels coups de menton dans l'affaire Cassez. Le sempiternel cliché du Français arrogant qui a cours à travers le monde se voit là une fois encore parfaitement confirmé. Chercher à humilier le Mexique en annulant les célébrations qui étaient proclamées en son honneur cette année entraînera une réaction encore plus forte de sa population à notre égard, et ce serait parfaitement justifié. Nous gagnerions bien davantage à arrêter à nous croire supérieur aux autres, à afficher davantage d'humilité et à nous concentrer sur la correction de nos propres défauts. Rappeler notre ambassadeur au Mexique créé donc une crise diplomatique inutile, dont le seul résultat sera de voir l'ambassadeur mexicain en France rappelé en retour. Car une chose est certaine, Florence Cassez ne bénéficiera aucunement d'une dégradation de nos relations avec le Mexique.