José Luis Zapatero est devenu Premier ministre à 43 ans. Tony Blair l'est devenu quelques jours avant ses 44 ans. Pour David Cameron, c'était à 43 ans également. Barack Obama est devenu Président à 47 ans. En voyant cela, bon nombre de hiérarques du Parti Socialiste s'énervent. Ils sont déjà plus âgés que ces exemples notables, et ils n'ont jamais été ne serait-ce que ministre. Ils désespèrent de voir le temps passer, et les opportunités d'occuper le pouvoir s'envoler. Il y a comme un problème de génération. En 1997, les anciens poids lourds de Mitterrand occupaient encore le premier plan, avec Lionel Jospin à Matignon. Mais les anciennes nouvelles figures des années 80 devenaient elles-mêmes les poids lourds de Lionel Jospin, avec Dominique Strauss-Kahn à Bercy ou Martine Aubry. A ce moment-là, de nouvelles têtes commençaient à nouveau à émerger. Normalement, en 2002, tout le monde aurait du avancer un cran. Ce n'est pas arrivé. Ce n'est pas arrivé non plus en 2007...

Du coup, alors qu'on continue toujours de parler de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry pour l'Elysée, les quadragénaires d'hier souhaitent désormais accéder eux-mêmes directement aux plus hautes responsabilités. Ils n'ont jamais été ministres, mais ils considèrent que le temps passé à l'Assemblée Nationale ou à diriger une collectivité locale leur a donné l'expérience nécessaire de l'Etat. Arnaud Montebourg est même allé jusqu'à renier ses propres combats contre le cumul des mandats pour prendre la tête du conseil général de Saône-et-Loire, afin de pouvoir dire qu'il a dirigé quelque chose dans sa vie. On retrouve donc beaucoup de monde aux primaires du PS, mais il n'y aura qu'un seul candidat. Ils gagneront néanmoins en poids politique, et ne refuseront certainement pas un quelconque portefeuille ministériel en cas de victoire. On peut alors essayer d'imaginer à quoi ressemblerait un gouvernement socialiste dans ce cas.

Ceux qui ont déjà été ministres sont les favoris dans les primaires. Si la gauche gagne, le Président et le Premier ministre seraient une combinaison parmi les noms suivants : Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Ségolène Royal. Et si Ségolène Royal arrivait à l'un de ces deux postes, il serait très étrange de voir François Hollande à un quelconque niveau dans le gouvernement, mais on ne peut jurer de rien. Ce serait surtout le moment de la grande distribution des postes, les récompenses attribuées après 10 ans d'attentes.

Arnaud Montebourg (48 ans actuellement) se verrait certainement bien en garde des Sceaux : il a toujours tout vu sous l'angle juridique, et s'amuse à jouer aux constitutionnalistes. Un choix plus sage serait André Vallini (54 ans), mais le poids politique compte lors de la composition d'un gouvernement. Grâce aux centre d'intérêts qu'il a montrés, Pierre Moscovici (53 ans) pourrait occuper le Quai d'Orsay. De même, l'insistance de Manuel Valls (48 ans) sur les questions de sécurité le placerait bien à l'Intérieur. En tant que professeur, Vincent Peillon (50 ans) serait facilement casé à l'Éducation Nationale. Quelqu'un comme Jean-Marc Ayrault (61 ans) aura dirigé le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale pendant pas moins de quinze années, s'il ne veut pas du perchoir, il pourra prétendre à un ministère important également. Lui et Jean-Christophe Cambadélis, un autre ancien apparatchik du PS (59 ans), pourraient se partager par exemple les ministères des finances et des affaires sociales. A moins que ce dernier ne s'occupe de la Défense... Il faudrait également trouver des postes à Benoît Hamon (43 ans), Claude Bartolone (59 ans), Harlem Désir (51 ans) et peut-être à Julien Dray (55 ans). Et parmi les postes importants restants à répartir, il y aurait le ministère des transports, la présidence de l'Assemblée Nationale et la direction du Parti Socialiste.

On voit tout de même que l'on est pas dans le grand rajeunissement de la politique avec de telles personnalités. Ce sont essentiellement des quinquagénaires. Bien sûr, ces hypothèses ne tiennent pas compte de l'entrée de non socialistes au gouvernement, mais le poids des communistes et écologistes avait été en fin de compte très modeste dans celui de "Gauche Plurielle" en 1997. Le plus frappant dans ces hypothèses, et ce qui tend à les invalider, c'est l'absence de femmes parmi toutes ces personnalités politiques. Mis à part Martine Aubry (60 ans) et Ségolène Royal (57 ans) qui visent toutes deux l'Elysée, il n'y a que des hommes parmi tous ceux qui ont été au premier plan du PS depuis 10 ans. Est-ce parce qu'en proportion, peu de femmes ont souhaité afficher des ambitions personnelles fortes ?

Bien sûr, si Martine Aubry est Présidente et Ségolène Royal Premier ministre, la question ne se posera pas de la même façon. Mais toujours est-il que derrière elles, il n'y a que peu de femmes. En 2007, Ségolène Royal avait monté une jeune garde féminine, avec Aurélie Filippetti (37 ans) ou Najat Belkacem (33 ans). Elles pourraient évidemment accéder au gouvernement, mais pour avoir accès aux plus gros portefeuilles, elles devront bénéficier d'un coup de main face aux autres éléphants qui attendent depuis si longtemps un maroquin. Sur son site internet, le PS se targue que son secrétariat national est rajeuni et aux couleurs de la diversité. Mais ce n'est pas vraiment un lieu de parité hommes/femmes, puisqu'elles ne sont que 20 sur un effectif pléthorique de 65 secrétaires. En somme, le Parti Socialiste peut penser qu'il a une équipe prête à reprendre le pouvoir, mais le signal qu'enverra sa composition risque d'être un peu curieux.