La sortie de Jean-Louis Borloo du gouvernement a pu surprendre (il y était depuis huit ans), mais elle s'explique très bien. Il avait accompli ce qu'il voulait aux postes qu'il avait occupé, sauf un grand plan de politique générale. Cela supposait qu'il reste longtemps à Bercy ou qu'il atteigne Matignon, deux choses qui ne lui ont pas été accordé. Une troisième alternative est bien sûr de prendre l'Elysée. Ministre d'Etat pendant plusieurs années, il a le parcours qu'il faut pour devenir Premier ministre, et chaque premier-ministrable majeur est également un présidentiable de second rang. En l'occurrence, la candidature à la Présidence pourrait bien n'être qu'une manœuvre pour gagner en poids politique. Le désarroi dans lequel les centristes se trouvent actuellement lui ouvre quelques perspectives intéressantes. Jean-Louis Borloo a quelques atouts en sa main. Déjà, son absence du gouvernement le protège grandement d'attaques violentes comme celle que subit Michèle Alliot-Marie en ce moment. Sa longue présence au gouvernement fait qu'il est bien connu de tous, mais il peut encore se présenter comme une solution alternative. Il a aussi son propre parti, le Parti radical, le plus vieux parti de France, qui bien que loin de ses anciens jours de gloire, conserve toujours une présence certaine sur le territoire.

Jean-Louis Borloo n'a connu le Parti Radical que sur le tard. En fait, le Parti Radical est toujours resté assez solide, mais manquait de têtes d'affiches. Celles-ci viennent donc se greffer à lui, chacun y trouvant son compte, pour peu qu'ils soient compatibles au niveau des valeurs. C'était le cas de Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1969, mais encore aujourd'hui, des personnalités comme Jean-Louis Borloo, Rama Yade ou Yves Jégo ont rejoint d'authentiques radicaux tels qu'André Rossinot, Laurent Hénart ou François Loos.

Un autre parti suit aussi exactement la même stratégie. Et pour cause. C'est le Parti Radical... de gauche. Constamment maltraité par le Parti Socialiste (alors que le Parti Radical valoisien, celui de Jean-Louis Borloo était parti prenante dans l'UDF puis l'UMP), les radicaux de gauche hésitent entre se voir accordé des miettes en cas d'alliance électorale avec le PS, et faire des scores très faibles en solo. Les deux stratégies sont utilisées avec alternance. Les radicaux de gauche avaient connu le succès en recrutant Bernard Tapie en 1994, puis l'échec avec l'étrange candidature de Christiane Taubira en 2002, mais aujourd'hui, ils sont à nouveau dépourvus de tête d'affiche.

En fait, la division du Parti Radical, qui a eu lieu au début des années 70 du fait de la nécessité de faire un choix entre des candidats à la présidentielle, reste assez artificielle sur le fond. Les deux héritiers gardent les mêmes idées : profondément laïque, favorable à la construction européenne, hostile au communautarisme et enclin à un certain équilibre en matière économique. Au Sénat, ils siègent dans le même groupe. La tentation est donc grande de réunir ces deux partis, et c'est qu'essaie de faire Jean-Louis Borloo depuis quelques années. Il pourrait ainsi être le candidat de tous les radicaux.

C'est possible, mais ça reste peu probable. Comme pour François Bayrou en 2007, une candidature purement centriste rencontrerait un obstacle majeur : la nécessité de faire un choix entre la gauche et la droite s'imposera à un moment ou à un autre. Et cette question n'a rien d'anodine pour les radicaux, puisque c'est précisément celle qui les a séparé pendant 40 ans. Actuellement, les radicaux valoisiens sont en position de force, mais pour la plus grande partie des militants des radicaux de gauche, se considérer comme étant gauche restera toujours comme une satisfaction morale supérieure. Pour tous ceux-là, l'alliance avec la droite résonnera comme la marque de la trahison. Jean-Louis Borloo pourra donc tenter le coup, mais il ne faudra pas qu'il y compte trop.