Fallait-il une loi pour qu'il y ait la parité entre hommes et femmes dans la vie politique (en fait, qu'il y ait autant d'hommes que de femmes à chaque niveau) ? Non. Il est évidemment nécessaire qu'il n'y ait aucun critère qui soit discriminant à l'un ou l'autre des sexes dans les règles démocratiques, mais faire une loi car un genre est sous représenté, c'est aller bien au-delà.

Pour quelle raison n'y a-t-il pas assez de femmes dans les postes de pouvoir politique ? L'argument le plus entendu est que les politiciens seraient machistes, qu'ils feraient tout pour bloquer l'ascension de femmes qu'ils tiendraient dans leur globalité que pour peu de chose. On ne peut certes pas rejeter en bloc la possibilité de l'existence de machistes dans les partis politiques. Mais dans le jeu démocratique, nul n'est inamovible, personne n'est irremplaçable : si les femmes étaient tenues à l'écart du pouvoir explicitement, elles pourraient à loisir se faire élire directement par le peuple pour renvoyer chez eux de tels indélicats sexistes. En on est quand même pas là. Peut être faut-il se poser une autre question : quelle est la proportion de femmes parmi les adhérents aux partis politiques ? Ce n'est pas la même que celle de la population. En fait, les partis se félicitent du fait qu'actuellement leurs nouveaux adhérents sont moins masculins qu'avant, avec une part d'hommes supérieure à 60 % tout de même. Cela montre qu'il n'y pas autant de femmes que d'hommes qui dès le départ adhèrent à un parti politique. Pourtant, l'adhésion est ouverte à tous, il suffit de faire la démarche. L'explication pourrait se trouver dans l'oeuvre de Pierre Bourdieu : la socialisation des petites filles développerait moins leur goût pour le pouvoir, ce qui donnerait à l'âge adulte un attrait moins prononcé pour les postes à responsabilité en milieux hostile, via une réticence à la confrontation. Dès lors, elles sont moins nombreuses à rechercher le pouvoir en lui-même, surtout que les codes du milieu ont été écrits de façon masculine.

C'est donc un handicap de départ auquel il faut s'attaquer dès son origine, en incitant les filles à prendre part aux responsabilités, en leur faisant comprendre dès leur jeunesse qu'elles ont un rôle à jouer. Elles peuvent prendre conscience de ça plus tard aussi, et si l'on peut se réjouir qu'elles soient de plus en plus nombreuses à s'impliquer dans ces affaires, on regrette toujours qu'elles ne soient pas autant que les hommes à faire la démarche, à faire candidature pour une responsabilité, à prendre les initiatives qui les mettent devant l'affiche... Car sans se leurrer, ce sont là bien les moyens qui permettent d'arriver au pouvoir. Créer une loi pour arriver à un effet équivalent ne fait que créer un doute sur la légitimité d'un ou d'une parvenu(e), alors que sans le résultat ne pouvait être le résultat que de faits d'armes.

Cette vision dure et cynique de la politique peut sembler répulsante, mais il faut bien avouer que c'est celle qui prédomine depuis toujours. Ces règles n'ont pas lieu qu'en politique d'ailleurs, il en va ainsi également dans le monde des affaires. Les femmes sont en effet moins nombreuses à s'engager dans les filières qui permettent d'arriver le plus souvent au sommet des entreprises. En conséquence, là où il y un vrai problème de discrimination, c'est qu'à poste et compétences égaux le salaire ne soit pas le même entre un homme et une femme. Etablir la proportion de femmes dans les directions générales n'est pas suffisant pour établir une discrimination, puisqu'une femme, par les images qu'elle se représente, peut être la première à atténuer ses ambitions. Voilà quel est le domaine sur lequel il faut travailler désormais, maintenant qu'il n'y a plus de règles discriminantes. Il faut autant changer la mentalité de la femme peu ambitieuse que celle de l'homme machiste.