Le débat sur la fusion de Gaz de France et de Suez s'est ouvert à l'Assemblée Nationale en session extraordinaire avec pas moins de 137 449 amendements déposés par l'opposition. On peut reprocher de nombreuses choses à cette disposition, comme le fait de revenir sur une loi qui indiquait clairement que le capital de GDF n'appartiendrait pas davantage au privé à l'avenir, ou bien de favoriser une fusion pensée à la hâte afin de se défendre d'une tentative d'OPA du groupe énergétique italien Enel sur Suez. Mais utiliser de telles méthodes pour combattre ce texte revient à tuer le débat et à ridiculiser le parlement et le système politique.

Ce n'est pas la première fois que l'opposition utilise cette méthode. Grâce au copier-coller, les amendements sont générés automatiquement et multipliés par le nombre de députés engagés à combattre une loi. On arrive rapidement à des dizaines de milliers d'amendements, la plupart ineptes car n'ayant pas vocation à être débattus sérieusement. Le but est de faire un semblant d'opposition en bloquant volontairement le parlement par des moyens faciles, tout en forçant le gouvernement à adopter l'article 49-3 de la Constitution, permettant de faire passer une loi en l'état à condition de ne pas subir de véto de l'Assemblée Nationale. Cette disposition a mauvaise presse, et à raison, car elle donne l'impression de faire fi du débat démocratique et des députés. Mais si elle est malsaine, elle l'est moins que la méthode qui permet de bloquer le parlement de façon irresponsable. C'est ce procédé mesquin qu'utilise l'opposition, et si elle avait l'opportunité de faire valoir des arguments sérieux hostiles à cette loi, alors même que certains députés de la majorité rechignent à l'adopter, elle se décrédibilise profondément en prenant autant à la légère les institutions. L'illusion que cela avait fonctionné pour le CPE incite les députés socialistes et communistes à s'engager davantage vers l'irresponsabilité politique.

Le débat de tous ces amendements inutiles a donc commencé, mais il risque de prendre des mois. Le gouvernement se donne jusqu'à la fin du mois de septembre pour décider de l'utilisation ou non du 49-3. La suppression de cet article est préconisée par le candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy. Cela peut se justifier, mais dans ce cas il faudra quand même prévoir une façon de débloquer le parlement lorsque les discussions sont artificiellement bloquées par des députés peu scrupuleux. C'est en tous cas un triste spectacle qui nous est offert, et qui malheureusement ne risque pas d'inciter les citoyens à croire en la politique. Etre dans l'opposition ne signifie pas ne plus avoir de responsabilités. C'est ce que devraient se rappeler les députés de l'opposition.

Photo : Le Figaro