Le mandat des maires actuels aura été exceptionnellement long. Evidemment, ils ne risquent pas de se plaindre que celui-ci ait été rallongé d'une année, pour atteindre les sept années, au lieu des six prévues normalement. Mais cette extension a été justifiée par le fait que l'année 2007 devait déjà voir se dérouler les élections présidentielles et législatives qu'il était impossible de décaler, et trop d'élections auraient peut-être lassé les électeurs. Les élections municipales et sénatoriales ont donc été reportées, les maires repartant à la bataille électorale en mars 2008. Et les états majors politiques s'activent d'ores et déjà pour les préparer. Ce mandat très long a fait que les maires ont vu passer deux élections présidentielles, c'était les mêmes qui donnaient les parrainages aux candidats en 2002 et en 2007. Surtout, leur élection était la conséquence d'une situation politique assez différente. Lors des municipales de 2001, la gauche était encore au pouvoir, et à l'époque, un bon nombre de mairies étaient passées à droite. Les commentateurs avaient ainsi pu parler d'une espèce de vague bleue dans les mairies, qui semblait inquiétante pour la gauche. Celle-ci pouvait tout de même se réjouir d'avoir gagner Paris et Lyon, les deux plus grandes villes de France qui étaient jusque là gérées par la droite. Pour les villes de taille plus modeste, c'était surtout la droite qui pouvait triompher. Le meilleur exemple étant celui de la mairie de Blois, où Jack Lang fut battu par un jeune candidat UDF, ce qui le poussa à changer de circonscription pour en trouver une bien plus faciles pour les législatives qui allaient suivre en 2002.

En 2008, la droite ne pourra plus compter sur une lassitude des électeurs vis-à-vis de la gauche au pouvoir, lorsqu'elle sera elle-même aux affaires depuis six ans. Même si le gouvernement connaît un état de grâce marqué actuellement, il n'est nul besoin d'être grand devin pour prévoir que celui-ci n'est que passager, et qu'un grand nombre de réformes prévues par Nicolas Sarkozy peuvent susciter une hostilité marquée de l'opinion publique. Et en mars 2008, il est bien peu probable que l'on se souvienne encore de cet état de grâce. La gauche compte dessus d'ailleurs. Ainsi, François Hollande a fait ce calcul en reportant le prochain congrès du Parti Socialiste (et donc la désignation du nouveau premier secrétaire) à l'après mars 2008 : les succès qui seront engrangés par les socialistes lors des municipales devraient faire oublier les douloureux échecs de 2007, et rendre le besoin de changement moins urgent. Après tout, c'est bien ce qu'il s'est passé en 2004, où la victoire écrasante de la gauche aux régionales lui a permis de reporter aux calendes grecques la réflexion sur la politique prônée par le Parti Socialiste, pour mieux se contenter d'une opposition ferme et stérile. Nombreux sont ceux qui, à gauche, comptent effectivement sur ce rejet prévisible de la droite pour gagner des mairies.

La gauche peut en outre compter sur une sociologie favorable dans le cœur des grandes villes, ce fut même l'une des surprises des derniers scrutins. A ce titre, malgré les efforts de François de Panafieu et de Dominique Perben, les candidats de la droite pour les mairies de Paris et de Lyon, il est très peu probable qu'ils arrivent à remplacer Bertrand Delanoë et Gérard Collomb. De même, la mairie de Toulouse, conservée de justesse par la droite en 2001 dans une région largement dominée par la gauche, devrait basculer à gauche l'année prochaine. Même dans des villes établies à droite depuis des décennies comme Bordeaux, la tâche s'annonce difficile. Ainsi, Alain Juppé apparaît sérieusement menacé après avoir été battu lors des législatives. Et bien peu de facteurs semblent aujourd'hui favorables à la droite, sa défaite risque donc d'être lourde.

Une des inconnues actuelles repose dans le comportement qu'aura le Mouvement Démocrate de François Bayrou. Jusqu'ici, l'UDF était traditionnellement alliée de la droite dans les exécutifs locaux. Cette fois-ci, François Bayrou aura probablement à cœur d'avoir ses propres listes dans de nombreuses villes, comme le projette déjà Marielle de Sarnez qui prépare sa candidature à Paris. Mais le jeu du scrutin majoritaire faisant toujours son œuvre, pour conquérir un nombre significatif de mairies, le Mouvement Démocrate devra choisir ses alliés. Ce choix aurait dès lors des répercussions sur la politique nationale en indiquant la stratégie d'alliance de François Bayrou pour les grandes élections des années suivantes. L'UMP compte également appliquer sa stratégie d'ouverture au plan local, mais devra faire face aux réticences des candidats de droite qui se trouvent dans les oppositions municipales dans cette optique, alors que ce devrait être plus facile pour les maires installés. A condition évidemment de trouver des éléments des autres partis qui acceptent d'entrer sur les listes de leurs anciens adversaires. Du reste, il n'est pas certain que ce facteur soit vraiment déterminant. Même les enjeux locaux ont plus de poids que de telles stratégies. Ils ne peuvent néanmoins suffire. La perspective des prochaines municipales n'est donc pas forcément lumineuse pour l'UMP, même si elle n'a pas à s'avouer vaincu d'avance. Après tout, les surprises électorales sont assez fréquentes, et il sera question de 36 000 élections en 2008...