Nicolas Sarkozy s'est fait élire Président de la République en annonçant qu'il disait avant l'élection tout ce qu'il ferait après. Son programme en bandoulière, il a donc été élu. Il a maintenant beaucoup à faire, et ses ministres doivent enchaîner les réformes. Mais la quantité ne doit pas les pousser à bâcler chacune d'entre elle, et à ne les accomplir à moitié. Les mois passent, et chaque texte de loi semble comporter sa part de renonciation. Ce n'est pourtant pas cela qui contentera les opposants politiques du gouvernement, ni ce qui favorisera la popularité. Personne ne l'ignorait, mettre en œuvre un tel programme garantissait l'impopularité, même si le gouvernement avait toute la légitimité pour le faire. Or accomplir ces réformes à moitié ne protège nullement de l'impopularité, au contraire, cela la renforce dans la mesure où cela provoque une déception chez ceux qui ont voulu leur pleine application effective, et surtout, l'intérêt général souffre de ne voir appliqué que des mesures affaiblies lorsque la France aurait besoin de changements plus profonds.

C'est par exemple ce qu'il s'est passé lors de la réforme des universités menées à l'été 2007 par Valérie Pécresse. Elle n'a fait que proposer des mesures timides d'orientation des étudiants, sans jamais se poser la question de la sélection des étudiants au premier cycle, ou d'assumer le fait de privilégier des universités par rapport à d'autres, faisant ainsi persister le mythe selon les diplômes de toutes les universités se valent. Même avec les changements tièdes qui ont été apportés (tels que le renforcement des compétences des présidents d'université), des étudiants ont trouvé le moyen de créer de l'agitation, bloquant les facultés pour une énième fois (la fois précédente étant lors de l'élection de Nicolas Sarkozy, avant même la mise en place du gouvernement). A ce niveau là, réduire vraiment la taille des conseils d'administration des universités n'aurait pas favorisé une plus grande protestation, et aurait vraiment bénéficié aux universités.

Autre exemple : le service minimum. Bien que nécessaire depuis longtemps, il a été fait de façon assez faible. Il ne consiste qu'en la déclaration à l'avance des grévistes, et le vote à bulletin secret sur la poursuite de la grève au bout de huit jours. Et ce, uniquement dans les transports en commun. Pourtant, l'ensemble des services publics est géré par l'État car la France ne peut justement pas se permettre de les voir s'interrompre. La conséquence n'en est pas tirée, en réglementant la grève sans se donner d'en limiter véritablement les effets pour la population.

Ces reculs n'interviennent pas uniquement dans le domaine de la politique intérieure. Ainsi, la volonté de Nicolas Sarkozy de faire supprimer de la constitution l'approbation obligatoire par référendum de chaque nouvelle adhésion à l'Union Européenne apparait comme un volte-face facilitant grandement l'arrivée de la Turquie au sein de cette dernière. Pourtant, le candidat Nicolas Sarkozy s'était montré catégorique sur le sujet : pas d'adhésion sur la Turquie, quelles qu'en soient les modalités. Or les discussions relatives à cette adhésion. N'est-ce pas irresponsable de laisser les Turcs espérer lorsque l'on prévoit de leur barrer l'accès à l'Union Européenne au dernier moment ? Il n'y a d'ailleurs aucune certitude sur le fait que Nicolas Sarkozy soit encore au pouvoir à ce moment-là. En fait, toute l'opération se révèle être un renoncement total de la part du Président de la République.

En fin de compte, le sarkozysme devient une nouvelle voie, originale, si on la considère comme étant l'héritière de la volonté de changement affiché par le candidat de l'UMP pendant la campagne présidentielle, plutôt que la gestion à vue menée dans une certaine mesure. Car alors que les reculs s'enchaînent, la majorité perd son temps avec des lubies absurdes telles que la suppression de la publicité à la télévision publique. Il reste certes encore beaucoup de temps pour appliquer le programme présidentiel dans son intégralité, mais il serait utile de le faire au plus vite.