L'université d'été des Verts vient de s'achever, elle a donné lieu à véritable apologie d'Eva Joly, l'ex-juge d'instruction médiatique devenue députée européenne. Elle serait dès aujourd'hui quasiment désignée comme étant la prochaine candidate de ce mouvement pour l'élection présidentielle. Eva Joly est bien connue du grand public. Son travail très médiatique sur des affaires financières politiques lui ont valu une belle célébrité, et la possibilité d'avoir une tribune pour ses propres opinions. Elle résolut de se lancer ensuite dans la politique, hésitant entre le Modem et les Verts. Ce fut les Verts, et sa désignation comme deuxième de sa liste (derrière Daniel Cohn Bendit) aux européennes lui a garanti son élection. Dans sa carrière politique, elle joue pleinement de son image d'intégrité, et se pose comme un symbole de la Justice, n'hésitant pas à intervenir pour donner un angle judiciaire à toute affaire du moment. C'est un atout remarquable, et revendique le fait d'être arrivée tardivement en politique.

Ce n'est ni la première, ni la dernière fois qu'un juge d'instruction médiatique s'engage en politique. Mais ils ont tous pour point commun de devoir leur célébrité pour être intervenu sur des affaires impliquant le milieu politique justement. On se souvient ainsi de Thierry Jean-Pierre, qui s'était engagé auprès de Démocratie Libérale. Il y eut aussi Eric Halphen, qui se présentât à la députation sous les couleurs de Jean-Pierre Chevènement après avoir poursuivi inlassablement le Chef de l'Etat. Et ces derniers mois, c'est Laurence Vichnievsky qui s'est engagée chez les Verts pour se faire élire au conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur.

En fait, la question qui se pose aujourd'hui est plutôt de savoir qui, parmi la catégorie des juges d'instruction médiatiques, ne s'est pas engagé par la suite en politique. Seul Renaud Van Ruymbeke ne peut y penser pour l'instant, après avoir vu son image écornée pour un grave manquement de procédure dans l'affaire Clearstream. Pour les autres, on ne peut croire qu'ils se soient découverts de telles convictions politiques le lendemain de leur démission de la magistrature. Si un cas est isolé, on peut en remarquer l'originalité. Mais si cela devient systématique, le risque est qu'un doute se crée sur les motivations des juges d'instruction dans leurs actions judiciaires. Le fait même d'enquêter sur une personnalité politique revient à mettre en doute son honnêteté, et il faut généralement des années pour qu'un verdict soit rendu. Il ne faudrait pas que l'on puisse se demander si de telles enquêtes sont effectuées par volonté d'attirer l'œil des médias sur soi, ou par volonté de nuire à des personnes qui ont des opinions différentes des siennes...

Normalement, les juges n'ont pas le droit de faire intervenir leurs propres convictions politiques dans les décisions qu'ils prennent. Leur devoir de réserve les empêche également d'exprimer leur avis sur les questions politiques. Mais la façon dont les syndicats de magistrats sont intervenus ces dernières années pour mettre en cause les lois que ceux-ci ont à appliquer a fait naître un certain malaise. La passerelle qui existe entre les partis politiques et la position de juge peut également rendre délicate la question de la neutralité des magistrats. Bien sûr, être juge ne peut être un motif suffisant pour être empêché d'être élu, chacun doit pouvoir l'être. Seulement, la question qui se pose en toile de fond de tout cela est celle de l'indépendance des magistrats : s'ils sont indépendants du pouvoir en place, le but est-il d' être sous l'emprise de divers programmes politiques extérieurs ?