De nos jours, les pays communistes se font rares. Si depuis l'effondrement du bloc soviétique, leur nombre a grandement diminué, ceux qui continuent de se dire héritiers de Karl Marx le sont parfois de moins en moins dans les faits. L'exemple par excellence d'une telle évolution est le cas de la Chine, qui vient de reconnaître la propriété privée. Pour un pays qui continue de s'affirmer communiste et fier d'avoir été dirigé par Mao, il est étonnant d'admettre si franchement le fait que l'économie chinoise repose en grande partie sur des ressorts capitalistes. Certes, du point de vue du système politique, la Chine profite toujours d'un totalitarisme caractéristique des pays communistes pour maintenir la suprématie du parti unique gouvernant aux destinées du pays. Mais si la Chine profite d'un taux de croissance annuel aussi fort, c'est bien parce qu'elle profite de la mise en place des dynamiques compétitives relevant du capitalisme sur une taille gigantesque. En reconnaissant la proprité privée, qui appartient à la sphère capitaliste, la Chine accepte donc de considérer qu'elle en relève.

Evidemment, la concession est assez limitée. Elle s'adresse d'abord à la classe moyenne chinoise en plein essor, qui souhaite disposer d'une certaine sécurité quant aux possessions acquises par les gains de leurs efforts. On peut aussi considérer que la propriété privée facilitera les héritages pour ces nouveaux "nantis" vers leur enfant unique. Or la population chinoise est encore beaucoup constituée de paysans prolétaires, qui ne se sont pas vus accorder la propriété des terres qu'ils exploitent, et dont les revenus ne suffisent pas à acquérir des possessions ayant un minimum de valeur. Eux souffrent toujours du sous développement qu'a entraîné le système communiste chinois, comme le pays entier a été dévasté par le Grand Bond en avant et la Révolution Culturelle. C'est le propre de l'application aveugle d'une doctrine communiste irréaliste : l'Etat n'arrive pas à déterminer efficacement les allocations respectives de ressources, ce qui entraîne de graves pénuries et des baisses de la productivité. Ainsi, en URSS, le communisme de guerre avait été à l'origine de famines terribles. Le système avait fini par se stabiliser autour d'un certain compromis en ce qui concerne l'agriculture : si la propriété privée des terres avait été combattue lors de la lutte des soviets contre les koulaks, et au bout du compte supprimée, les agriculteurs avaient fini par acquérir la possibilité de cultiver quelques terres pour leur intérêt individuel. La production qui en était issue ne dépendait pas des cooperatives agricoles dépendant de l'Etat. Le résultat de la motivation via le gain personnel était éclatant : 25 % des denrées alimentaires étaient produites sur ces terres, qui ne représentaient pourtant que 1 % des surfaces agricoles. Si les pays communistes se condamnent eux-mêmes à un développement économique faible et à une société délabrée, nombre d'entre eux se sont donc appuyés discrètement sur des principes refusés par la doctrine communiste pour garder un minimun d'efficacité économique.

Pour ce qui est de la Chine, il est tout de même réjouissant de voir ce pays s'orienter, même de façon très modeste, vers le capitalisme ou certaines préoccupations de développement telles que l'environnement. Car ce sont autant de petits pas vers une société moins enfoncée dans le délire maoïste. Bien sûr, il reste en fin de compte le nationalisme chinois, que le système communiste peut sembler cacher en surface, comme ce fût le cas pour la Russie. Ainsi, aucun signe positif n'a été enregistré sur la question du Tibet, condamné par son envahisseur à devenir une nouvelle province chinoise. Il reste qu'au fur et à mesure des dirigeants chinois, depuis Deng Xiaoping à Hu Jintao, la Chine ne semble plus exclue de pouvoir être un jour un pays au moins aussi libre que l'est la Russie actuellement. Ce n'est certes pas une situation optimale, mais ce sera déjà un certain progrès.