Depuis des années, le dossier Galileo est géré avec attention par la Commission européenne. Il s'agit d'un projet de système de positionnement par satellite semblable et concurrent au GPS, opéré par les Etats-Unis. Ainsi, après le projet pan-européen Airbus, Galileo est une nouvelle occasion de faire progresser la haute technologie européenne via une une nouvelle industrie qui n'est accessible qu'aux pays de grande envergure : les investissements à réaliser sont colossaux, et les infrastructures doivent être solides. Pourtant, si Galileo avait beaucoup d'espoir placé en son avenir, il enchaîne les difficultés avant même que sa naissance soit effective. En premier lieu, le projet hérite de tous les conflits dont a coutume l'Europe, c'est-à-dire des affrontements de pouvoir, pour savoir où tel et tel bases seront installées. Plusieurs pays se disputent le bénéfice des investissements, conditionnent leur financement à l'attribution de prérogatives dans une grande tradition où l'Europe doit servir les intérêts particuliers et immédiats de chaque pays. Ensuite, la Commission européenne doit faire face à des difficultés d'ordre industrielles : les différents groupes qui peuvent mettre au point la technologie et la construire se perdent en luttes entre concurrents plutôt que de coopérer, et refusent de prendre le moindre risque, notamment en terme de financement, alors qu'ils en seraient les bénéficiaires les plus immédiats. En conséquence, le Commissaire aux transports, Jacques Barrot, est obligé de faire appel aux contribuables européens pour financer le projet, en utilisant les crédits du budget européen qui est pourtant bien limité, voire en faisant appel davantage à des financements venant d'Etats membres. Enfin, la Commission européenne ne dispose pas d'expertise directe sur ce dossier qu'elle opère pourtant. Logiquement, il serait plus pertinent qu'il soit placé directement entre les mains de l'Agence Spatiale Européenne pour ce qui concerne la mise en œuvre. Or celle-ci n'est pas une filiation de l'Union Européenne (qui est ici à l'initiative), et ne rassemble d'ailleurs pas exactement les même membres.

De fil en aiguille, les retards s'enchaînent, et le projet pourrait être revu à la baisse, en se servant de moins de satellites. Face à la mauvaise volonté d'à peu près tout le monde, une grande ambition européenne pourrait devenir peu de chose. On peut penser que c'est en fait le lot quotidien de tout ce qui concerne la coopération européenne. Mais il ne faut pas renoncer lorsqu'il y a une telle opportunité. Galileo est l'occasion de développer des technologies de pointe en Europe. Il s'agit de proposer une alternative au GPS, opéré par l'armée américaine : actuellement, de nombreux moyens de transport et diverses organisations sont dépendants d'un système qui peut potentiellement être coupé en cas de crise, si le gouvernement américain décide que c'est dans son intérêt. Les autorités américaines sont d'ailleurs très réticentes à ce qu'un autre système que le leur existe, oubliant au passage les vertus de la concurrence qu'elles prônent si souvent. En fait, la Russie et la Chine développent également leurs propres systèmes de positionnement par satellites, pour avoir une certaine indépendance, au moins concernant leur propre territoire dans un premier temps, quitte à l'étendre pour le monde entier par la suite.

On ne peut donc que déplorer les pitoyables mésaventures qui arrivent à Galileo. Les Etats devraient seconder la Commission européenne dans ce projet novateur, et qui donnerait aux citoyens européens une nouvelle démonstration concrète des bienfaits que peut avoir la coopération européenne. Malheureusement, s'il faut en passer temporairement par le contribuable européen, il faudra s'y résoudre. Mais dans ce cas, il ne sera que justice que le budget européen profite d'éventuels bénéfices lorsque le projet sera amené à terme.