La présidentielle américaine de 2000 était assez curieuse : le bilan de Bill Clinton était bon, mais celui-ci ne pouvait se représenter. Son vice-Président, Al Gore, aurait du être élu sans difficultés. Mais de nombreux citoyens américains n'étaient pas enthousiasmés par l'élection. L'abstention fut énorme. Le programme de George Bush, alors gouverneur du Texas, s'était limité à quelques principes. Essentiellement, le message était qu'il fallait diminuer les impôts. Cela était envisageable car Bill Clinton avait réussi à rééquilibrer le budget et à produire plusieurs années consécutives d'excédent. Voilà pour le programme. Le reste s'appuyait sur la personnalité de George Bush, un conservateur capable de compassion, et sympathique de surcroît. Au final, il a remporté l'élection, même si ce fut serré. Il bénéficia de la lassitude envers les démocrates. Au Royaume-Uni, les tories auraient pu se contenter de suivre un tel plan. Leur nouveau leader, David Cameron, est jeune, prometteur et télégénique. Contrairement à ses prédécesseurs à la tête du parti conservateur, il ne promet plus grand chose de différent par rapport aux travaillistes, si ce n'est la même chose mais en mieux. La lassitude envers le Labour est réelle, elle avait motivée le départ de Tony Blair, affaibli au fur et à mesure par l'envoi de troupes britanniques en Irak, mais son remplaçant, le terne Gordon Brown n'échappait aux difficultés de la gestion de divers scandales s'accumulant avec les années.

Seulement la crise financière a permis de remettre en question ce processus qui devait apporter sur un plateau le pouvoir aux conservateurs. Mais ce fut surtout pour Gordon Brown l'occasion de reprendre la main par temps de crise. Son plan visant à protéger les banques britanniques a été si bien reçu qu'il a servi d'inspiration à celui suivi par le reste de l'Europe. Depuis, il est considéré comme certains comme un sauveur, un homme d'expérience sur lequel l'on peut compter, et qui, après une dizaine d'années passées aux finances de la Grande Bretagne, a les armes pour faire face aux difficultés économiques. C'est d'ailleurs dans ce même moment qu'il a rappelé Peter Mandelson de Bruxelle, afin de l'aider à surmonter ces difficultés. Au passage, le départ de Peter Mandelson de la Commission Européenne ne sera pas forcément regretté partout en Europe, et notamment à Paris...

Gordon Brown n'est pas sauvé pour autant. Il a peut-être sorti la tête hors de l'eau, mais il nage toujours en pleine tempête. Les tories doivent néanmoins maintenant se demander ce qu'ils ont à proposer.Au lieu de compter sur la seule lassitude, ils augmenteraient considérablement leur chance s'ils avaient un projet alternatif à proposer. Depuis l'arrivée de Tony Blair au pouvoir, ils ont souvent été une caricature d'eux-mêmes. Le New Labour avait réussi a élargir son champ d'action en se recentrant, peut-être David Cameron peut-il aussi faire évoluer les positions de son parti sur certains thèmes. Aujourd'hui, la coopération européenne apparaît comme un outil utile pour faire face aux difficultés mondiales. Accepter de prendre place dans la politique européenne pourrait être une voie à explorer pour les conservateurs. Les deux dernières alternances britanniques, avec Margaret Thatcher et Tony Blair, ont été l'occasion de profonds changements idéologiques. Les conservateurs devraient être prêt à en apporter un nouveau s'ils veulent conquérir le pouvoir, car actuellement, Gordon Brown tient bon.