Plus que deux semaines avant les élections fédérales allemandes, destinées à renouveler le Bundestag, et donc à déterminer la majorité qui gouvernera l'Allemagne pour les prochaines années. Les précédentes élections avaient été une déception pour tout le monde : puisqu'aucun parti ne les avaient nettement remportées, les deux plus grands partis allemands avaient été obligés de conclure un accord pour gouverner ensemble. La formule pose de nombreux problèmes. Pour commencer, elle force les différents acteurs à se limiter à la politique du plus petit dénominateur commun. Quand la CSU souhaite prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires alors que le SPD veut la raccourcir, une décision concrète devient difficile à prendre. En conséquence, les sujets qui font consensus sont traités encore plus facilement que d'habitude, et ceux qui divisent ne sont plus traités du tout. En outre, il est difficile de voir qui est responsable de quoi, les opinions tranchées étant beaucoup moins assumées. Enfin, en forçant les principaux partis traditionnellement adversaires à gérer ensemble le pays en période ordinaire (ce n'est pas une "union sacrée" volontaire), les électeurs ont du mal à voir où sont les alternatives à la politique exercée. Comme cela pu être vu ailleurs, et notamment en Autriche, ce sont les partis à la marge car fréquemment extrémistes qui ont tendance à en profiter. En Allemagne, le partie Die Linke, très à gauche, pourrait en bénéficier.

Or pour qu'une politique différente soit exercée, il suffit que l'un des deux partis forme une majorité dans laquelle elle aurait pas ou peu à partager le pouvoir, lui permettant d'assumer ses orientations politiques sans les restreindre. Que ce soit en matière de politique économique, énergétique ou européenne, ce serait notamment à l'avantage d'Angela Merkel. Elle est actuellement très populaire en Allemagne et dans toute l'Europe, pour sa capacité à gérer sérieusement les affaires gouvernementales, mais n'a pas pu au cours des quatre dernières années véritablement mettre en place son programme politique. Son adversaire, le ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, a bien peu cherché à amoindrir les tensions occasionnelles avec la France, et cherche actuellement à effrayer les électeurs quant au programme de la CSU de par sa propre peur de perdre le pouvoir. Une victoire nette d'Angela Merkel est souhaitable, mais même si elle arrive, ce serait après un trop long retard. C'est déjà la deuxième fois depuis la seconde guerre mondiale que l'Allemagne fédérale est acculée à un gouvernement d'union forcée. Cela tend à montrer que les institutions allemandes ne permettent pas l'émergence de majorités suffisamment fortes pour former des gouvernements cohérents. Dans le contexte allemand, cet état de fait peut se comprendre. Mais cela permet de comprendre quelles sont les limites de tel ou tel choix institutionnel.

En l'occurrence, il n'est même pas certain que les prochaines élections apportent la majorité nette si désirée par l'ensemble des candidats. La CSU et le SPD sont liés par un bilan commun, et ne peuvent donc s'attaquer à ce sujet. Angela Merkel et Frank-Walter Steinmeier ne sont pas des personnalités forcément flamboyantes, et la campagne électorale a tendance à être assez morne. Nous sommes pourtant dans la dernière ligne droite avant les élections. La France, elle aussi, a connu une situation analogue. En 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin s'étaient partagés le pouvoir, et après cinq années de cohabitation, se sont tous deux présentés à nouveau à la présidentielle. Pour les électeurs, l'opportunité d'un changement apparaissait bien faible. La campagne fut également très peu animée. Au final, les résultats amenèrent une grande surprise, au milieu d'une forte abstention. C'est ce qui pourrait arriver le 27 septembre prochain en Allemagne.