Nous sommes vendredi dernier, après 17h au Japon. Sur la NHK, l'emblématique chaîne publique japonaise, c'est l'heure de l'expression officielle des partis politique. Les dirigeants des partis secondaires ont le droit à une dizaine de minutes, alors que les élections législatives approchent. Après Yukiko Kada du Parti du Futur du Japon (créé une dizaine de jours auparavant sur la base d'une politique anti-nucléaire), c'est au tour de l'ancien ministre Yoshimi Watanabe de prendre la parole au nom de sa formation, "Votre Parti". Difficile de faire plus austère que ce programme : sur fond beige, assit à une table grise, le politicien parle face à la caméra, avec seulement deux infographies indiquant qui il est et le nom de son parti. Derrière lui, une dame traduit ses paroles en langue des signes.

Soudain, une troisième écriture en rouge vif se superpose au nom du parti, elle dit "Alerte au tremblement de terre". Une seconde plus tard, un autre visuel préempte largement le visage du tremblement de terre, il y est réécrit "Alerte au tremblement de terre", on y voit également une carte sommaire indiquant l'épicentre, ainsi que les préfectures concernées par l'alerte. En même temps, une sonnerie très particulière retentit à plusieurs reprises pour attirer l'attention du téléspectateur, puis une voix répète "Alerte au tremblement de terre". Il est 17h19, la vidéo politique se poursuit en fond, mais en moins d'une minute, l'antenne bascule sur un présentateur en studio. Au ton de sa voix, on le sent stressé, il répète l'alerte au tremblement de terre. Les inscriptions indiquent que le tremblement de terre a commencé à 17h18, et vu les images de l'extérieur, malgré la nuit, on voit quand même qu'il est toujours en cours. Le présentateur donne les consignes de sécurité, et donne l'alerte au tsunami pour les préfectures du nord est du Japon. Toujours nerveux, il donne le comportement à adopter (se réfugier en hauteur et loin des berges). Puis, une première carte indique le littéral potentiellement touché, en jaune il y a éventuellement danger, en rouge, le risque est plus grand. En l'occurrence, le rouge concerne la préfecture de Miyagi, au nord de Fukushima. Des ondulations sonores retentissent, elles doivent probablement permettre d'enclencher certains dispositifs d'alertes automatiques reliés à la télévision publique.

Le présentateur, très pressé, ainsi que les infographies mettent l'accent sur l'alerte au tsunami. Cinq minutes seulement après le début du tremblement de terre, des premières estimations tombent, indiquant l'heure estimée d'arrivée du tsunami et la hauteur attendue de la vague. Pour celle de Miyagi, c'est pour 17h40, avec une vague d'un mètre. Pour les autres en jaune, cela devrait faire 50 cm, et arriver jusqu'à 18h. Le présentateur exhorte les téléspectateurs concernés à agir de toute urgence face l'arrivée de la vague. Les caméra commencent déjà à surveiller les côtes du Japon, alors que la magnitude du tremblement de terre est affichée. 10 minutes après le tremblement de terre, toutes ces informations ont déjà été répétées de nombreuses fois.

Les six principales chaînes privées ne sont pas en reste. Toutes font retentir cette même sonnerie et font apparaître la carte des préfectures concernées. Plusieurs donnent l'antenne dans la minute à un studio où un présentateur donne informations et consignes de sécurité, alors que le tremblement de terre est toujours en cours et que les projecteurs bougent. Des caméras donnent une vue sur les rédactions, où cela bouge, mais où chacun s'affaire pour faire face à la situation. Alors que la NHK interrompt ses programmes pendant deux heures face à l'événement, pour les télévisions privées, cela peut aller de plusieurs minutes à pas d'interruption du tout, mais alerte et consignes sont incrustées dans tous les programmes.

Bien que fort, le tremblement de terre passe pour anodin pour la plupart des Japonais. Seuls quelques blessés sont à déplorer. Le tsunami d'un mètre a fait très peu de dégâts, et les milliers de personnes évacuées ont pu regagner leur domicile sans problème. Six heures plus tard, toutes les communications avaient repris et le retour à la normal était intégral. Le système d'alerte, se déclenchant juste avant que les secousses commencent à se faire ressentir, a fonctionné à merveille. La réactivité et le professionnalisme des médias japonais ont été admirables pour cette première alerte majeur depuis le tsunami de mars 2011. Certes, les Japonais sont habitués à ce risque et connaissent bien les procédures pour faire face, mais ce souvenir récent a augmenté les inquiétudes, tout en permettant de perfectionner encore la marche à suivre dans ces moments là. On ne retiendra pas la date du 7 décembre 2012. Tant mieux.