Réflexions en cours

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vendredi 11 novembre 2005

De l'intégration et du multiculturalisme

On va donc commencer par une note de fond. Ces deux dernières semaines, les violences urbaines qui ont eu lieu dans diverses banlieues ont remis sur le devant de la scène les thèmes de l'intégration, de l'immigration et du racisme. Ces thèmes ne sont en fait jamais bien éloignés de l'actualité, et ils sont en toile de fond de bien des événements et de bien des débats. Le plus important était sans doute celui consacré à la laïcité, à travers le port du foulard islamique à l'école.

Lors de ces dernières émeutes, la presse étrangère a diagnostique la faillite du modèle d'intégration à la française. Celui-ci est bel et bien souffrant, inutile de le nier. Quelle est l'alternative ? Les Etats-Unis et la Grande Bretagne se glorifient d'un modèle multiculturaliste, où chaque culture est en théorie la bienvenue sur le territoire. Chacun étant fort de ses racines, et chacun tolérant la culture de l'autre, la société devient pacifiée des tensions qu'il peut y avoir entre communautés. Sur le papier, c'est remarquable, est-ce cela qu'il faut souhaiter à tous les pays qui ont des populations hétérogènes ?

D'abord, il est aussi facile de pointer les imperfections de ce modèle : en Grande Bretagne, s'il n'y a pas eu d'émeutes des minorités contre la population d'origine anglaise, il y a de temps à autres des affrontements violents entre différentes communautés minoritaires. Ensuite, cela n'a pas empêché les attentats perpétrés par des anglais d'origine pakistanaise que l'on disait parfaitement intégrés. Même si ce sont des faits très minoritaires, rien n'est parfait de l'autre côté de la manche aussi à ce niveau là. Aux Etats-Unis, la place des minorités s'est faite au travers de la discrimination positive, en réservant certains emplois à des personnes provenant de minorités (noires, hispaniques...). Cela montre que plus de cent ans après l'abolition de l'esclavage, et une quarantaine d'années après le mouvement des droits civils, on est toujours différent lorsque l'on est noir aux Etats-Unis. Par pragmatisme nous assure-t-on, la discrimination positive est toujours employée pour promouvoir l'ascension des noirs dans la société américaine. Dans de nombreux formulaires la catégorie à laquelle on appartient (caucasien, hispanique, afro américain, natif américain, asiatique...) est demandée. Certaines émissions à la télévision semblent s'adresser spécifiquement à la communauté noire, non pas qu'ils aient des modes de vie différents, mais uniquement pour faire pendant aux émissions où l'on ne voit que des blancs. Ainsi, un réseau de télévision (UPN) est devenu le champion de ces séries où les noirs sont sur-représentés par rapport à la population, lorsqu'ils sont sous-représentés dans d'autres séries sur d'autres réseaux. La forte croissance de la population hispanique entraîne également une montée des chaînes de télévision hispanophones, et certaines administrations deviennent même bilingues, l'anglais n'étant nul part mentionné comme langue officielle des Etats-Unis.

Je ne sais plus quels sociologues ont parlé de melting pot en parlant des Etats-Unis, ce pays où des personnes de toutes origines se mélangent. Je sais juste que d'autres lui préfèrent, avec raison selon moi, le terme de salad bowl, un saladier où les divers composants sont certes entre-mélés, mais toujours identifiables, où il est toujours possible de séparer les morceaux de tomates des morceaux de radis. Telle est la société multiculturelle.

Le multiculturalisme est une belle idée : chaque culture a une histoire différente, est un concentré d'influences différentes, et a les leçons d'expériences différentes à apporter. Par la multiplicité des angles de vue, le multi-culturalisme nous promet une réflexion plus riche, une meilleure prise de distance sur les événements, et nous procure une société pacifiée par l'acceptation de nos différences mutuelles. Le multiculturalisme est donc tout à fait défendable. Seulement, lors de la traduction dans les faits, c'est moins évident. Un jour, je défendais cette thèse et lorsque j'ai du trouver des exemples concrets pour l'appuyer, je me suis trouvé bien en peine. Le seul dont je disposais était le fait que les Américains se soient servis d'une langue amérindienne lors de la seconde guerre mondiale pour que leurs communications restent incompréhensibles pour l'ennemi. Cela m'a semblé assez léger. A contrario, j'avais une multitude d'exemples où cela ne marchait pas bien, où malgré la théorie les gens avaient quand même du mal à accepter les différences culturelles, où dans la pratique il est nécessaire de surmonter de connaître ces mêmes différences culturelles, non pas pour s'en servir comme tremplin pour une réflexion plus riche, mais pour apprendre à les surmonter afin que le compromis ne se serve d'aucune.

A chaque fois que l'on met des gens de cultures différentes ensembles, il leur est nécessaire de surmonter leurs différences toujours présentes pour s'entendre plutôt que de les unir de façon productive. C'est malheureusement comme cela que fonctionne l'Union Européenne par exemple. Il est certes toujours intéressant d'avoir un avis extérieur à une situation interne, mais il est rare que la solution sorte d'une pratique étrangère qui aura toujours du mal à s'imposer à l'intérieur. Il suffit de voir par exemple la réticence qu'ont les Britanniques à adopter le système métrique ou bien d'une manière générale, celles des différents pays européens à se soumettre à l'Union Européenne, y voyant souvent une perte de souveraineté.

Le multiculturalisme perpétue donc de façon immuable des différences culturelles qu'il faudra toujours surmonter, ce qui sera toujours une difficulté à vaincre. Je pense qu'il vaut mieux continuer à parier, pour la France tout du moins, sur son modèle qui insiste sur l'intégration de tous au sein d'une même société. Analysons le aussi de façon théorique : la France refuse de reconnaître des différences majeures entre les citoyens. Il est interdit d'indiquer dans les fichiers si l'on est blanc noir ou autre, car cela ne fait aucune différence. Après tout, nous sommes tous égaux. La religion est un domaine traditionnellement vu comme dogmatique, dans le sens où la plupart d'entre elles se présentent comme des vérités révélées, qui de fait s'opposent aux autres qui sont dans l'erreur. L'Histoire ayant montré les innombrables conséquences néfastes des guerres de religions, de par nature vaines puisque opposant des idées non rationnelles (la foi étant une croyance se plaçant au-dessus de ce plan là), il semble plus sain de garder le domaine religieux dans le registre personnel. On s'y consacre chez soi, au lieu de culte, dans la sphère privée en somme, son intrusion dans la sphère publique pouvant toujours être suspectée (à tort ou à raison) de prosélytisme, et à ce niveau, mieux vaut éviter tout risque de mettre le feu aux poudres. C'est le sens de la laïcité. Si l'on ne reconnaît pas les différences de couleur de peau, si l'on sort la religion de la sphère privée, il y a déjà moins de différences entre nous. Pour ce qui est des différences culturelles, je serais désormais tenté de promouvoir l'adoption entière par chacun de la culture du pays où il veut rester. Quitte à abandonner sa culture d'origine ? Eh bien pourquoi pas. Je crois qu'on se monte trop la tête avec ces histoires de "racines", de "traditions", qui nous font oublier que nous sommes tous des êtres humains égaux. Je serais tenté de reprendre ce vieux proverbe "A Rome, fais comme les Romains"... Celui qui change de pays doit assumer le fait de changer de langue, de traditions, se conformer aux pratiques locales et ne pas hésiter à imiter la population d'accueil pour mieux s'y fondre. L'Histoire apporte des vagues d'immigrations, ce qui après tout est bien naturel, mais il faut à chaque fois s'efforcer de faciliter leur intégration, et sur les générations suivantes, leur assimilation, et que l'on se dise sans même y penser à deux fois "Il est des nôtres". Oublions les couleurs de peau, favorisons le métissage, c'est ce qui s'est passé pour toutes les vagues d'immigration jusqu'à la seconde guerre mondiale en France, malgré les difficultés initialement rencontrées par chaque nouvel arrivant. La religion, seul domaine où il peut sembler difficile de changer à convenance, est protégée par la laïcité, et doit aussi se soumettre au respect des lois locales.

Je pense que c'est ça la logique du modèle d'intégration français. Il est malheureusement difficile de nier que celui-ci connaît des difficultés vis-à-vis des vagues d'immigration que la France accueille depuis les Trente Glorieuses. Le racisme ordinaire naît, je pense, d'impressions du genre "Les étrangers sont trop nombreux" et "Ils ne sont pas comme nous". Pour que l'intégration soit réussie, il faut un effort des deux côtés : de la part des migrants et de leur famille pour se conformer à la culture locale, ce qui donnera je pense, une impression de normalité à la population d'accueil. Il est bien sûr toujours possible de conserver quelques traditions folkloriques, mais il faut à tout prix lire et parler français, et refuser l'importation de coutumes aussi déplacées que la polygamie et l'excision. Bref, se donner un mode de vie bien à la française. D'autre part, les pratiques de discrimination à l'embauche et le racisme de conviction sont tout à fait intolérables et doivent être condamnées par les tribunaux. Trop souvent, des personnes ayant la nationalité française et ayant fait cet effort d'intégration sont victimes de pratiques discriminatoires. C'est tout à fait injuste et doit être combattu, il faut aider ces victimes à vaincre ces méfaits. C'est l'affaire de tous.

La nationalité / citoyenneté française, c'est des droits, et des devoirs. Si les devoirs sont remplis, on ne peut refuser l'exercice de ces droits. L'intégration résulte d'un double mouvement : adhésion des immigrants à leur nouvelle culture d'un côté, de l'autre acceptation de la part de la population d'accueil de personnes dont seules la provenance et parfois la couleur de peau diffèrent. L'un ne va pas sans l'autre.

Au début

Bonjour à tous ceux qui tomberont par hasard sur ce blog. Je ne sais pas encore ce qu'il deviendra, j'imagine que j'y posterai mes réflexions sur l'actualité que je suis de façon frénétique, ça m'obligera bien à mettre en forme ma pensée plutôt que de "ruminer dans le vide".

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