Réflexions en cours

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jeudi 31 mai 2012

Des médias engagés

Au fur et à mesure de la campagne présidentielle, le climat s'est nettement dégradé entre les médias et l'UMP. Les militants de ce parti ont reproché à certains médias un traitement totalement biaisé de la campagne. Cet aspect est difficile à nier, tant jour après jour, on voyait s'enchaîner les panégyriques sur François Hollande, quand Nicolas Sarkozy n'était plus traité que comme une caricature fantasmagorique, et non comme un candidat. D'autres candidats reprochaient aux médias de ne pas s'intéresser à eux, considérant certainement qu'un mauvais traitement vaut mieux que pas de traitement du tout. Si le traitement médiatique de cette campagne fut biaisé, il reste à savoir si cela a eu une grande influence sur les votes. Honnêtement, ce n'est pas certain. Mais même si les conséquences sont incertaines, il n'est pas forcément sain que tant de médias soient autant orientés idéologiquement vers un seul bord.

La liberté d'expression est un droit fondamental, et il n'est pas anormal qu'il y ait des commentateurs engagés. Plus généralement, il y a des médias que l'on peut sans grande difficulté classer à droite ou à gauche. A droite, on trouve ainsi TF1, LCI, Le Figaro, Le Figaro Magazine, Valeurs Actuelles. En fait, c'est tout. A gauche, il y a France 3, Canal Plus, iTélé, BFM TV, Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Marianne, Les Inrockuptibles, France Inter, France Info (et tout Radio France en fait), et la liste se poursuit...

Europe 1 fut qualifiée de droite, mais ça se limite à Jean-Pierre Elkabbach et Catherine Nay, deux anciens journalistes qui n'ont qu'un faible temps d'antenne en fin de compte. La station est dirigée par Denis Olivennes, auparavant directeur du Nouvel Observateur, et l'année dernière, Laurent Ruquier, Nicolas Demorand et Pierre-Louis Basse se succédaient de 15h30 jusqu'à 22h, soit 6h30 d'affilées à gauche toute. Pendant cette campagne, Le Monde s'est engagé nettement en faveur de François Hollande, pas seulement dans les éditoriaux mais aussi dans les articles, et fut le pendant exact à gauche du Figaro. Pendant ce temps, Libération ne prenait plus aucune distance, et s'est permis des unes que ne se seraient jamais permis un journal sérieux, se montrant bien plus engagé que la presse de droite. Il faut reconnaître que s'il existe des titres de droites, il ne sont pas moins écrits en bonne partie par... des journalistes de gauche. Ce qui explique certaines tensions entre direction et journalistes.

Le déséquilibre entre gauche et droite est donc structurel. Depuis l'élection de François Hollande, la presse est en pleine lune de miel, bien au delà de l'état de grâce habituel. Certains murmurent que les journalistes seront dûment récompensés de leur activisme par des avantages fiscaux. Ce n'est pas la peine : pourquoi faire appel à l'appât du gain, quand la conviction fonctionne déjà très bien ?

mardi 22 mai 2012

Le sixième Président

Cela a été unanimement reconnu : Nicolas Sarkozy a réussi sa sortie. Dès le soir du second tour de la présidentielle, l'homme qui fut pourtant présenté comme non républicain a reconnu sa défaite, a remercié les Français et a souhaité bonne chance au nouveau Président. En invitant celui-ci à célébrer ensemble le 8 mai, il a montré qu'il était celui qui rassemble, tant dans la défaite que la victoire. Cette défaite est loin d'être cinglante, elle est même honorable. Evidemment, il aurait quand même préféré accomplir un second mandat. Mais comment aurait-il pu l'obtenir ? Par une stratégie plus centriste ? En essayant d'obtenir un meilleur report de voix des électeurs de Marine Le Pen ? Difficile à dire. En fait, la tâche paraissait insurmontable avant que la campagne commence. Il était d'ailleurs déjà enterré par l'ensemble de la presse, qui ne le voyait même pas franchir le premier tour. Pendant son quinquennat, il avait fait des erreurs, notamment sur son style ou sa famille. La crise financière a eu des répercussions politiques partout en Europe, seule Angela Merkel ayant réussi à se maintenir au pouvoir, capitalisant sur des réformes structurelles qui ont relancé l'Allemagne. Enfin, depuis 30 ans, en France, on sort les sortants, par principe.

Dès qu'il fut élu en 2007, on pouvait donc se douter que l'élection de 2012 serait autrement plus compliquée pour Nicolas Sarkozy. Il fallait donc en tirer les conséquences. "L'énergie que l'on met à durer, on ne la met pas à faire" avait coutume de répondre Nicolas Sarkozy, lorsqu'on lui posait assez tôt la question d'un second mandat. La meilleure des choses aurait donc été de tenir compte de ce principe. Trop souvent, la politique de la majorité a été altérée en se souciant des courbes d'opinions ou d'échéances électorales. Cela ne fut pas d'une grande utilité : l'exécutif fut impopulaire, et à part les élections européennes, les élections locales ont été largement perdues. Le mandat donné par les Français avait pourtant une durée de cinq années, et portait sur la "rupture". Eh bien il aurait fallu cinq années de rupture.

Nicolas Sarkozy, sixième Président de la République, aurait donc du utiliser toute son énergie à vraiment changer la France, en impulsant les réformes structurelles qui lui font tellement défaut. Certaines ont été faites. Mais ce n'était qu'une petite partie de ce que la France avait besoin. Dans de nombreux cas, ce sont des textes profondément édulcorés qui ont été adoptés, provoquant autant de rage protestatrice que si aucune concession n'avait été faite, mais apportant en fin de compte peu de changements. "On tiendra bon" avait dit Jean-François Copé il y a cinq ans. Si seulement...

Si la défaite était inévitable, il aurait donc fallu en profiter pour vraiment changer les choses et vaincre les conservatismes. Ce sera probablement le principal regret de cette Présidence. Il y a un autre regret associé à cette défaite : que celui qui soit amené à remplacer Nicolas Sarkozy soit quelqu'un comme François Hollande. Au sein de l'opposition, c'était loin d'être le plus brillant, nous voilà réduits à espérer qu'il deviendra un autre homme une fois élu, et qu'il n'appliquera pas son funeste programme.

lundi 14 mai 2012

François Hollande rend hommage au promoteur de la colonisation

La Présidence de François Hollande s'ouvrira demain sur un symbole fort : il rendra hommage au grand promoteur de la colonisation au XIXème siècle, Jules Ferry, un authentique raciste. Le choix de Jules Ferry comme personnalité marquante au mieux relève de la mémoire sélective, au pire témoigne de valeurs profondément abjectes de la part du nouveau Président. En effet, pour toute personne qui connait un minimum l'Histoire de France, Jules Ferry c'est avant tout le grand architecte de la colonisation de l'Afrique et de l'Asie par la France à la fin du XIXème siècle, qu'il justifiait pour le prestige de la France, la nécessité d'ouvrir de nouveaux débouchés et la nécessité d'éduquer les "races inférieures". Tout cela est parfaitement connu, et il y a un an, la façon dont Jules Ferry a justifié la colonisation dans un long discours à l'Assemblée Nationale était déjà racontée ici-même, bien avant qu'il ne vienne à l'esprit de François Hollande de déposer des fleurs au pied de sa statue.

"Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures..." "Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures..." Voilà comment Jules Ferry énonçait sans sourciller ses théories sur les races inférieures et les races supérieures (auxquelles il appartenait dans son esprit, naturellement). Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui reprochent encore à la France son passé colonial. Est-ce là la réponse du nouveau Président, montrer que pour lui, les théories racistes de Jules Ferry doivent être honorées, cinquante ans après la décolonisation ?

Le philosophe Luc Ferry a dit que, plutôt que rendre hommage à son homonyme Jules Ferry, François Hollande aurait mieux fait de rendre hommage à Georges Clemenceau, qui s'est fortement opposé à Jules Ferry et à la colonisation, car il ne croyait aucunement à l'existence de "races inférieures" et à la nécessité de faire la guerre à des peuples qui n'avaient rien demandé. C'est vrai. Et il y a bien une statue de Georges Clemenceau sur le parcours de François Hollande, sur les Champs Elysées, à Paris. Mais elle restera seule, quand un des plus grands représentants de la colonisation et du racisme en France se verra célébré par le nouveau Président, François Hollande, comme symbole de l'inflexion qu'il veut donner à son quinquennat.

mardi 1 mai 2012

Besoin de courage

C'était le 21 février dernier. Au Parlement, il s'agit de voter la création du Mécanisme de Stabilité Européen (MSE), un dispositif visant à améliorer le soutien aux pays les plus durement touchés par la crise de la dette. Au Parti Socialiste, on est bien embêté. En effet, ce dispositif, voulu par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, semble enfin être une solution durable pour la crise financière. D'ailleurs, depuis que son principe a été décidé, les marchés financiers se sont calmés, et ont réduit la spéculation sur les défauts de dette. Seulement, il met en avant la nécessité d'une gestion rigoureuse des dépenses publics, quelque chose dont les socialistes sont loin de raffoler. Mais ce n'est pas le plus grave. Ainsi, Jean-Christophe Cambadélis dénonce un "piège politique", puisque si c'est une réussite, Nicolas Sarkozy voudra en "faire un argument dans l'élection présidentielle". Et il est hors de question que Nicolas Sarkozy puisse améliorer les choses, c'est une question de priorité. Ce jour-là, les socialistes ont donc refusé de voter pour la création du MSE, et se sont donc abstenus. Ils étaient pour que ce soit fait, mais pas pour que ce soit Nicolas Sarkozy qui le fasse, et ce refus de s'engager reflète cela.

Cette semaine, l'hebdomadaire britannique The Economist explique souhaiter la victoire de Nicolas Sarkozy. Ses thèmes de campagne n'ont pas été bons, dit-il, mais dès leur une mondiale, il signale que François Hollande est un homme "plutôt dangereux". Dangereux, car d'une gauche désormais bien ancienne, un lointain souvenir pour le reste des pays développés. Une gauche qui ne se soucie pas de la rigueur budgétaire, et croit que les richesses se partagent, plutôt que se créent. Une telle politique est totalement inadaptée à notre époque, et le fait que François Hollande ne soit pas gêné de laisser tomber la coopération franco-allemande pour privilégier une telle orientation économique a de quoi inquiéter. La France a besoin de réformes, et il n'en est pas question pour François Hollande. Il se pose en garant de l'ordre établi.

Aujourd'hui, la France a besoin de réformes structurelles, de dynamisme, d'action, de décisions. Celles-ci ne sont pas faciles à prendre tellement les conservatismes, les rigidités, les pré carrés sont défendus avec rage par les partisans du statu quo. Aujourd'hui, la France a besoin de courage. A cette aune, Nicolas Sarkozy est bien plus qualifié que François Hollande. Alors que François Hollande n'a jamais fait preuve de leadership au sein de son propre parti, Nicolas Sarkozy a su prendre les bonnes décisions quand il le fallait.

Quand la crise financière s'est subitement aggravé, lorsque le gouvernement américain a laissé couler Lehman Brothers, c'est tout le système financier mondial qui pouvait s'effondrer suite à cette onde de choc. Concrètement, cela voulait dire que les banques pouvaient faire faillite les unes à la suite des autres, les particuliers perdre leur épargne, les entreprises mettre presque toutes la clé sous la porte. Cela aurait été en matière économique l'équivalent d'une guerre nucléaire en matière militaire.

C'était au second semestre 2008, la France présidait alors le Conseil Européen. Lors d'une réunion extraordinaire de cette instance, les pays européens ont coordonné leur réponse à cette crise financière, en garantissant les épargnes, et en mettant en place un plan de soutien au secteur financier. Il n'y avait pas de quoi gagner en popularité sur ce dossier, puisque c'était se condamner à être accusé de "donner de l'argent aux banques". Mais il fallait le faire, et Nicolas Sarkozy s'est battu pour que ce plan soit adopté par le Parlement français en un temps véritablement record, au regard de l'urgence et du risque. In fine, on ne donnait pas d'argent aux banques, on le prêtait, et il a même rapporté des intérêts. Mais une réponse prompte et efficace était nécessaire, et elle fut mise en place. Evidemment, on se souviendrait bien mieux de ce moment-là si le secteur financier se serait vraiment effondré. Parfois, c'est déjà une victoire de pouvoir maintenir les choses en l'état.

Cinq ans après l'élection présidentielle de 2007, plus personne n'ose imaginer ce qui se serait passé si Ségolène Royal avait élu, et qu'elle eut du affronter les événements récents à l'Elysée. C'est un choix similaire qui s'offre à nous maintenant. Il paraît qu'en 2009, François Hollande pensait être le meilleur pour être Président de la République. On se demande ce qui lui a permis de penser cela, vu son profil et ses expériences passées. Nicolas Sarkozy n'est peut-être pas le meilleur des hommes pour occuper ce poste, mais il est sans nul doute le meilleur des deux candidats restants.

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