Réflexions en cours

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samedi 25 novembre 2006

Des Canaries à Mayotte

Lorsque le temps est calme et la mer apaisée, les conditions sont réunies pour favoriser les voyages en bateau d'immigrés clandestins vers les terres de l'Union Européenne. Dans ces critères, l'été 2006 a été particulièrement propice pour les départs depuis les côtes africaines jusqu'aux îles Canaries, qui ont de ce fait été rapidement submergées par l'immigration clandestine. Celle-ci passait auparavant par les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila en Afrique du Nord. Mais l'Espagne a du renforcer grandement ses mesures de sécurité pour rendre moins perméables ses frontières et se préserver d'un flux d'immigrants incontrôlable. Néanmoins, plutôt que de passer par le Sahara, les immigrants d'Afrique noire ont désormais trouvé un autre point faible : les îles européennes, en passant par la mer. Il faut dire que pour ceux qui arrivent à mettre un pied en terre européenne, la législation leur est particulièrement bienveillante : aucune expulsion immédiate, il leur est donné la chance de tenter des procédures de régularisation, qui, le temps de leur durée, leur donnera un titre de séjour provisoire, qu'elles soient un succès ou non. Il leur est également donné une somme d'argent, et ils sont le plus souvent envoyés en métropole espagnole, pour ne pas surcharger les îles Canaries. Dès lors, si un arrêté de reconduite à la frontière est prononcé à son égard, l'immigrant a eu tout le temps qu'il fallait pour se fondre dans la masse des sans-papiers, n'ayant aucun titre au séjour, mais restant clandestinement par le non-respect des lois.

Cette situation est inacceptable pour plusieurs raisons. D'abord, le voyage en lui-même : il est extrêmement dangereux pour les immigrants, qui laissent pourtant des sommes considérables à des passeurs peu scrupuleux, des sommes qui seraient mieux utilisées dans le développement local dans les villes ou villages d'origines des immigrants. Ensuite, l'immigration clandestine représente une faute originelle pour les immigrants qui ne respectent pas les lois des titres de séjour, qui ont été justement faites pour que l'immigration se fasse de façon saine tant pour les pays de départ que pour les pays d'accueil. On peut certes s'interroger sur la misère qui pousse les Africains à prendre de tels risques, alors que la situation d'un immigré clandestin est fort logiquement difficile dans le pays où il s'installe. Il y a d'abord une ignorance des conditions de vie des personnes sans papiers dans les pays européens. Cette ignorance relève tant du rêve béat, que de la honte de ceux qui s'y trouvent déjà qui se refusent à expliquer à leurs proches restés au pays que leur investissement donne si peu de résultats. La pauvreté pousse de nombreux jeunes hommes à croire en cette illusion. Il faut donc supprimer l'illusion, en expliquant clairement les conséquences d'une telle immigration. Il faut évidemment aussi s'attaquer à la pauvreté. Quelles en sont les sources ? Nombreux sont ceux qui évoquent la dégradation des termes de l'échange entre pays sous développés et pays développés, dans la mesure où les premiers produiraient avant tout des matières premières, qui permettraient d'avoir de moins en moins de pays manufacturés en provenance des pays développés. C'est une explication à prendre compte, mais les pays d'Afrique noire connaissent tout de même une certaine croissance économique. Mais cette croissance ne se traduit pas forcément en développement des conditions de vie, de par les politiques bancales souvent adoptées dans ces pays. Le fait est surtout que cette croissance économique ne suffit pas à l'accroissement de la population.

En effet, s'il y a tellement de jeunes gens désespérés vis à vis de leur situation, c'est qu'ils sont en grand nombre pour des ressources économiques qui ne suivent pas, d'où la tentation du départ. A partir de cette constatation, l'idée d'une politique malthusienne apparaît comme pertinente. Dans des pays comme le Sénégal ou le Mali, le taux de croissance de la population est proche de 3 % par an, ce qui est considérable. Le nombre d'enfants par femmes dépasse les 5 enfants, ce qui fait une population qui augmente rapidement et est très jeunes, sans que le développement économique puisse suivre. Si l'accroissement de la population est souvent un facteur de croissance économique, il arrive un moment où les infrastructures économiques ne peuvent plus suivre et fournir un bon emploi à chacune de ces jeunes personnes, et ce d'autant plus lorsque les fondamentaux sont peu solides. Autrefois, les pays européens qui avaient une forte transition démographique voyaient leurs jeunes générations participer à l'exode rural et émigrer dans des terres autrefois relativement vierges comme les Etats-Unis. L'exode rural n'est désormais plus supportable en Afrique noire, vu les bidonvilles énormes qu'il a générés, et il n'y a plus de terres vierges. Il faut d'autant plus se resservir des leçons du passé, et se déterminer à adopter de vraies politiques de contrôle de naissances dans de tels pays, sous peine qu'ils soient condamnés à la misère. Malheureusement, il n'existe pas de volonté politique pour de telles mesures, et il n'y a même pas encore de débat public sur une telle opportunité.

En attendant, les conséquences néfastes de l'immigration clandestines se poursuivent. Ainsi l'île française de Mayotte connaît elle une situation semblable à celle des Canaries, à la différence près que les immigrants comoriens ne sont pas conduits en métropole française. Ils sont donc très nombreux à résider à Mayotte, et ce d'autant plus que les femmes enceintes comoriennes viennent à Mayotte dans le but avoué de donner naissance à un enfant qui pourra revendiquer plus tard la nationalité française, et donc donner un statut régulier à ses parents. Un tel détournement des lois généreuses françaises du droit du sol provoque une colère légitimes des Mahorais, de moins en moins nombreux proportionnellement parlant sur leur propre île. En effet, l'afflux de Comoriens est de plus en plus difficile à vivre pour eux, et des problèmes concrets se posent, comme la gestion des maternités, les plus actives de France, ou l'enseignement à dispenser à des enfants en grande partie étrangers, outre la création de fait d'un second bloc ethnique sur une petite île. L'exaspération des Mahorais est telle qu'ils en sont à demander une remise en cause partielle du droit du sol pour faire face à cette situation exceptionnelle, et François Baroin, le ministre des DOM-TOM, recherche activement une solution alors que la métropole semble se sentir peu concernée. Ainsi, que ce soit aux Canaries ou à Mayotte, il faut prendre le problème de face et trouver des solutions à l'ampleur du problème de ces îles, quitte à remettre en cause les conditions d'accueil des immigrants clandestins.

mardi 21 novembre 2006

"Parlez-moi de moi"

Ségolène Royal serait populaire car les gens se sentiraient proches d'elles, ou plutôt ils la sentent proche d'eux, à l'instar de Jean-Pierre Raffarin ou d'Antoine Pinay en leur temps, qui ressemblaient à "l'électeur ordinaire". Elle comprendrait les problèmes de chacun et affirme que chaque personne est le meilleur expert pour parler de ce qui lui arrive. Difficile de faire plus populiste. En effet, en démocratie, la voix de chaque citoyen compte, mais est-ce synonyme du fait que chaque citoyen défende ses propres intérêts dans l'isoloir ? Ce serait oublier très vite le seul souci qui doit animer l'électeur dans sa prise de décision : l'intérêt général.

Car c'est bien la recherche de l'intérêt général qui doit primer dans le débat démocratique. Certes, bon nombre de gens vivent des vies difficiles, et ils souhaitent pouvoir avoir un peu d'espoir quant à l'amélioration de leurs conditions de vie. Ils sont nombreux, et ils forment de façon notable le bien être de la population. C'est évidemment les plus faibles qu'il faut protéger, en créant les conditions d'une amélioration de leur vie. Mais l'intérêt général est-il la somme des intérêts particuliers ? On peut en douter, tant ces intérêts particuliers peuvent diverger, et s'annuler mutuellement. L'intérêt général est donc tant quantitatif dans la mesure où c'est l'intérêt du plus grand nombre, mais aussi qualitatif, dans la mesure où il représente les différences de progrès respectives entre les différentes politiques possibles. Dès lors, ne juger qu'au vu de son propre intérêt particulier est profondément réducteur vis-à-vis de l'analyse de l'intérêt général. Cela peut même être franchement contradictoire.

La meilleure façon de parler à l'électeur est donc de lui présenter les problèmes qui se posent à la communauté, que l'électeur connaît peut être lui-même, et les solutions possibles pour y remédier, par ordre de gravité. S'adresser à l'électeur en lui disant qu'on va régler chacun de ses problèmes, en oubliant que la résolution de certains en apporte d'autres à d'autres personnes, et que c'est donc une question de priorité. C'est clairement un optimum de second rang qui est recherché, un premier rang n'étant pas possible. Mais trop souvent, cet état de fait est nié, et en conséquence la population n'en tient pas compte, mesurant la réussite d'une décision qu'à sa propre expérience et à ses propres intérêts. Il est néfaste de cacher que tout n'est pas possible uniquement pour faire "rêver" le peuple et s'assurer ainsi l'élection. Une personnalité politique responsable est celle qui annonce avant l'élection les mesures qu'il compte prendre, aussi douloureuses soient-elles pour certaines personnes, et qui les applique après, avec un certain pragmatisme et une volonté forte.

"Parlez-moi de moi". C'est le message envoyé par chacun, car tout le monde aime se sentir concerné. Si ce message peut s'appliquer pour des magazines, il ne saurait en être de même pour la politique. Dans ce domaine, c'est le "nous" du peuple qui doit primer.

lundi 20 novembre 2006

L'eau de Paris

La protection de l'environnement nous encourage à être économes en ressources, et donc d'utiliser moins d'eau courante et moins d'énergie, d'éviter les gâchis pour éviter les effets secondaires relatifs à la production et au retraitement de ces flux essentiels à chacun. Mais visiblement, ce n'est pas la logique appliquée par la municipalité de Paris, pourtant censée être en pointe sur les questions environnementales.

En effet, le Conseil municipal de Paris a voté une augmentation de près de 10 % du prix du mètre cube d'eau il y a quelques jours, et prévoit de recommencer en décembre. Le motif invoqué pour cette augmentation est le fait que les ressources dégagées par l'exploitation sont insuffisantes pour assumer les coûts engagés, et ce du fait que la consommation d'eau courante a baissé de 20 % depuis 1990. Ainsi, même pour l'un des conseils municipaux les plus dominés par les Verts, la consommation responsable de ressources est punie plutôt qu'encouragée. Malgré toutes les campagnes d'information sur le thème "prenez une douche plutôt qu'un bain", "utilisez vos eaux usées pour les utilisations non alimentaires ou sanitaires", "prenez soin de la planète", ce genre de décision tend à montrer que les pouvoirs publics qui promeuvent ces attitudes responsables ne prennent pas en compte les progrès de leur population. Quelle confiance leur accorder alors ? De telles mesures tendent à dissuader en fait la pratique du développement durable. Un consommateur peut légitimement penser qu'en consommant moins, il aura également moins à dépenser tout en préservant les ressources naturelles. Mais non, visiblement, il joue dans un marché de dupes, où il sera perdant dans toutes les situations.

C'est donc une décision tout à fait scandaleuse, qui saborde la confiance envers la promotion du développement durable, ce qui est bien évidemment nuisible à tous. C'est une hypocrisie d'autant plus grande de par la nature pro-environnementale revendiquée par ce conseil municipal. Mais ce qui est presque aussi étonnant est le fait que rares sont les médias qui l'ont évoqué, et ceux qui l'ont fait l'ont montré comme une décision tout à fait ordinaire, alors qu'il y a un raisonnement tout à fait perverti que celui de punir les consommateurs pour les progrès qu'ils réalisent pour l'environnement. A vrai dire, cette hausse du prix de l'eau courante est une injure faite aux citoyens, aux défenseurs de l'environnement au quotidien. L'hypocrisie qui l'entoure, et le manque de réaction des vigies traditionnelles donne à cette eau parisienne un goût bien amer.

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