Réflexions en cours

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jeudi 27 janvier 2011

Le regroupement familial

Mis en place pour la première fois en 1976, lorsque Jacques Chirac était Premier ministre, le regroupement familial a mauvaise presse. Non seulement le Front National le vilipende, mais c'est aussi l'ensemble de la droite qui pointe du doigt ses effets pervers. A la base, cela part d'une idée généreuse : permettre aux immigrés de faire venir leur famille pour qu'elle vive avec eux. Mais au fil des années, l'inconvénient est apparu de lui-même : les familles en questions ont beaucoup de difficultés à s'intégrer, leur seule attache au pays dans lequel elles arrivent étant celui qui les a fait venir, généralement le chef de famille. D'où l'inadéquation entre leurs professions et l'économie française, ou même parfois les difficultés à apprendre les usages locaux voire la langue. S'accumulant au fur et à mesure des décennies, reléguées faute de moyens dans les mêmes zones de HLM, les familles venues au titre du regroupement familial seraient celles qui se seraient le moins assimilées au reste de la société française.

Ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait voulu changer de principe directeur de l'immigration en France. D'une part, il voulut privilégier une immigration professionnelle, en cherchant à mettre en place un système à points comme au Canada pour permettre la venue de personnes ayant les meilleures chances de trouver leur place en France. D'autre part, il rendit plus difficile le regroupement familial, en allongeant la durée minimale nécessaire pour entamer ce type de démarches, et en augmentant les conditions de ressources du chef de famille. Souvent caricaturée pour son combat contre l'immigration illégale, la France n'en reste pas moins un pays largement ouvert à l'immigration légale. En 2010, le solde migratoire a été ainsi été nettement positif, estimé à +75 000 personnes.

Les rapports publics Les orientations de la politique d'immigration publiés par le ministère de l'Immigration permettent d'en savoir un peu plus sur les résultats des lois qui ont été passées. Le dernier date de décembre 2009, et copie colle curieusement un certain nombre de passages du rapport de l'année précédente. Les nouveaux chiffres sont quand même insérés. Les visas délivrés au titre du regroupement familial ont donc diminué de 25 % environ entre 2003 et 2008, la baisse n'ayant pas été continue, et s'étant surtout produite en 2006. En revanche, le nombre de visas accordés aux familles de réfugiés (qui ne relèvent visiblement pas du regroupement familial) explose, avec une croissance de 200 % (soit un triplement) sur ces cinq années. Ceux accordés pour une activité professionnelle augmentent comme prévu, mais de façon assez modérée (+ 6 %). Les visas délivrés aux étudiants sont restés à peu près stables, alors que ceux délivrés aux conjoints de Français ont fortement augmenté, avec 61 % en plus sur la même période.

Si l'on prend en compte ces cinq catégories de visas longs (excluant alors les visas accordés aux enfants qu'on adopte ou ceux accordés aux diplomates par exemple), on arrive à une augmentation totale de 8,5 %. Entre la baisse des regroupements familiaux (de réfugiés ou non) et la hausse de l'arrivée pour motifs professionnels, on arrive à une légère baisse de 3 % (1246 personnes). En 2008, les dix pays dont proviennent le plus de personnes arrivées pour motif familial étaient, par ordre décroissant, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali, la Chine et la République Démocratique du Congo. Ceux arrivés pour motifs professionnels ont un profil un peu différent, avec encore par ordre décroissant, le Maroc, la Roumanie, les Etats-Unis, le Mali, la Pologne, l'Inde, la Chine, la Tunisie, la Bulgarie et la Turquie.

Le regroupement familial est donc loin d'avoir disparu, représentant encore plus de 20 000 personnes par année, soit 14 % des visas longs accordés. Évidemment, on ne peut que souhaiter que ces familles aient moins de difficultés à s'assimiler au reste de la population que celles qui les ont précédées sur ce chemin.

dimanche 23 janvier 2011

Allez les (handballeurs) bleus !

Après une année 2010 qui restera marquée par la faillite tant morale que sportive de l'équipe de France de football, il est plaisant de commencer l'année 2011 avec l'entrée de l'équipe de France de handball dans son propre championnat du monde. Et depuis dix jours, les "Experts", ces autres bleus, se dépensent sans compter pour remporter la victoire une nouvelle fois. Dans cette discipline, les Français n'ont pas à courber l'échine. Ils peuvent être fiers de leur équipe nationale qui, depuis une vingtaine d'années, se constitue un formidable palmarès. Deux championnats d'Europe, trois championnats du monde, une médaille d'or olympique, et de multiples médailles d'argent ou de bronze. La France est même pour les autres pays l'équipe à abattre, étant championne en titre que ce soit au niveau mondial, européen ou olympique. Nos joueurs sont redoutés en équipe nationale, et recherchés au niveau professionnel, certains d'entre eux ayant été recrutés par des clubs étrangers, même si les clubs français ont réussi à garder la majorité de ceux évoluant en équipe de France.

La chance de la France est son excellent système de formation. Le handball est le principal sport collectif scolaire, la taille des terrains permet d'en installer dans toutes les écoles et tous les gymnases. Il y a ensuite de bons parcours de sport études, et des clubs qui bénéficient de notoriétés locales. Au niveau national, le handball est beaucoup moins mis en avant que le football ou même le rugby, mais les salles voient quand même passer un certain public de fans solides. Le meilleur club de handball de France, Montpellier, a même reçu récemment une nouvelle salle trois fois plus grande que celle habituelle pour ses matchs européens. Certains des matchs de première division peuvent être vus sur les chaînes sportives.

Hier soir, l'équipe de France a gagné brillamment son match contre la Hongrie. Le plus dur reste toutefois à faire pour conserver le titre mondial. Elle ne gagnera peut être pas la compétition, mais en ce qui la concerne, on peut néanmoins être confiants sur le fait qu'elle fera de son mieux. Il ne nous reste donc qu'à l'encourager passionnément, pour ce tour et pour les matchs à élimination directs qui devraient suivre !

Image : AFP

lundi 10 janvier 2011

Impossible de prévoir l'avenir

Au début d'une nouvelle année, ou même d'un nouveau millénaire, on se souhaite sincèrement les uns les autres les meilleures choses possibles, sans oublier que rien n'est jamais facile. On spécule sur ce que l'avenir nous réserve, de façon plus ou moins fantaisiste. Mais déjà qu'il est déjà assez compliqué de savoir ce qu'il se passe précisément actuellement, ou bien ce qu'il s'est réellement passé autrefois, prévoir l'avenir apparaît comme parfaitement impossible. Ce n'est pas faute d'essayer, par plaisir ou par nécessité. D'un point de vue artistique, les auteurs de science fiction ne se sont jamais privés de proposer des visions audacieuses de l'avenir. En 1989, le film Retour vers le futur 2 nous promettait pour l'an 2015 des voitures volantes, des pizzas à hydrater, la fusion nucléaire comme source d'énergie portative et même la météo exacte à la seconde prêt ! Quatre années avant l'échéance, cela semble pour le moins incertain.

En matière économique aussi, l'exercice est hasardeux. Prévoir la situation économique d'un pays à plus de deux ans est malaisé, au-delà, la fiabilité est habituellement la même que de demander aux diseuses de bonne aventure (une solution adoptée par un chef d'Etat autrefois). Pour s'en convaincre, on peut lire avec intérêt un article du magazine américain Time d'octobre 1992, sur le monde dans les 50 prochaines années. Seules 18 années se sont écoulées depuis ces prédictions, mais on sent déjà que l'on n'est plus vraiment sur la voie anticipée. Il faudra peut-être attendre encore avant que les matières premières et le pétrole soient des questions de faible importance. On reste également circonspect lorsque l'article annonce que la coopération avec les Nations Unies sera la norme pour s'adresser aux dictateurs, au vu des événements de la dernière décade. A l'heure actuelle, les sommets internationaux semblent plus laborieux que jamais, quelque soit le dossier.

En ce qui concerne l'Europe, l'article devient plus clairement inexact, pour commencer sur le fait qu'elle sera la grande gagnante de la période à venir. Ensuite, l'affirmation selon laquelle l'Union Européenne comptera 400 millions d'habitants en 2050, sous-estimant le fait que la plupart des pays de l'Europe de l'est l'intègreront dès le début du XXIème siècle. Il faut croire que la transition du communisme au capitalisme fut bien plus spectaculaire qu'espéré. En revanche, il se montre optimiste quand il croit à l'arrivée de la Suisse et de la Norvège à courte échéance.

Passons sur les revendications sociales anticipées des Japonais, pour s'attarder sur le cas de la Chine. Arrive ici une affirmation rétrospectivement étonnante : "la Chine ne peut pas se transformer en un géant industriel au XXIème siècle". Les taux de croissance affichés sont balayés d'un revers de main comme une manifestation de propagande communiste, comme pour l'URSS, pour conclure que la Chine verra elle aussi un changement de système. Aujourd'hui, les données du problème ne sont plus du tout les mêmes à ce niveau là.

L'exercice de l'anticipation révèle cruellement a posteriori les fautes d'analyse que l'on peut faire. Il faut en être conscient. Dans le même numéro de Time, un autre article met d'ailleurs en garde contre l'incertitude et expose d'autres visions anciennes démenties de l'avenir. Pour toutes les innovations technologiques qui nous ont fait envies, peu de gens avaient prévu l'avènement de l'Internet et du téléphone portable. En définitive, prédire l'avenir en dit plus sur le temps présent que sur le futur. C'est ainsi que la science fiction est un genre particulièrement marqué dans le temps, avec les cosmonautes futuristes des années 50 bien différents de ceux des années 70 ou 2000. Et cela rassura aussi les inquiets : contrairement à ce qu'il se passe dans les tragédies, rien n'est joué d'avance.

dimanche 2 janvier 2011

10 % du XXIème siècle

La fin de l'année est toujours l'occasion de bilans de l'année écoulée et de rétrospectives en tout genre. L'idée est de récapituler les événements passés pour rappeler à chacun les temps forts les plus marquants, ce qui a changé. Mais ces mêmes événements s'apparentent à des épiphénomènes une fois considérés sur plus long terme. Avec l'année 2010 qui a prit fin, c'est la première décennie du XXIème siècle qui s'achève. Cela a été beaucoup moins mis en avant. Que s'est-il passé dans ce premier dixième de ce siècle tant attendu ? Eh bien, en fin de compte, à l'échelle du monde, pas grand chose. Les mêmes tendances qui avaient cours lors des années 90 ont tranquillement perduré. La progression des nouvelles technologies numériques a continué sans véritable nouvelle révolution, malgré les efforts d'innovation de quelques firmes. On continue de se préoccuper de l'environnement. Une bonne partie des pays en voie de développement continue à se développer, la Chine en premier lieu. Ils oublieront très vite la crise financière qui a touché le monde. Celle-ci a davantage frappé les pays développés, mais en fin de compte, que changera-t-elle à terme ?

D'un point de vue politique aussi les changements s'avèrent assez cosmétiques. Malgré (ou probablement à cause de) toutes les protestations souvent délirantes de la part de leurs adversaires, les élections assez spectaculaires de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama à la présidence de leurs pays respectifs ont provoqué peu de transformations importantes. Malgré la "rupture" prônée par Nicolas Sarkozy, la France reste toujours autant un pays très interventionniste, devant supporter un modèle social à la dérive. Malgré le "changement" voulu par Barack Obama, les Etats-Unis sont toujours un pays pratiquant une politique économique très libérale, où les débats de société sont toujours aussi extrêmement virulents.

En fait, l'événement le plus important de cette décennie est intervenu à son commencement, au 11 septembre 2001. Cette tragédie a renforcé la paranoïa des Etats-Unis et a servi de justification à la guerre en Irak, dans une absurde tentative d'apaiser le Moyen Orient. Cela leur demanda beaucoup d'efforts et de sacrifices, alors que du côté de l'Iran et de la Corée du Nord, la même danse du dialogue/sanctions continue comme il y a 10 ans, comme elle avait lieu sous Saddam Hussein, sans que rien ne change dramatiquement. Le 11 septembre a malgré tout marqué l'avènement de l'islamisme comme nouvelle menace à la paix mondiale, prenant peu ou prou la place qu'avait sous une autre forme le bloc soviétique jusqu'aux années 80.

L'Histoire se souviendra peut-être de cette première décennie du XXIème siècle comme une période de maturation, où d'anciennes transformations ont poursuivi leurs évolutions, pour n'avoir des répercussions en terme d'événements que plus tard. De toute façon, on peut avoir l'impression que le monde change rapidement car l'on n'est toujours plus abreuvé par les médias d'événements en tout genre se passant aux quatre coins du monde, mais fondamentalement, certaines forces sont tellement puissantes qu'elles perdurent malgré ces vaguelettes et permettent une certaine permanence des choses. D'un point de vue esthétique, les années 80 sont encore bien proches de la période actuelle. Et du point de vue de l'actualité, un journal dont les titres seraient "Conflit au Proche Orient / Grèves dans les transports en commun / Tensions au dernier sommet européen" serait presque intemporel sur les 50 dernières années.

Peut-être est-ce un signe que, du point de vue de l'époque et des événements, nous sommes toujours au XXème siècle. Après tout, en ce qui concerne la France, les événements qui ont provoqué des bouleversements ont rarement eu lieu à la première décennie d'un siècle. Ceux qui donnent la couleur du nouveau siècle arrivent généralement un peu plus tard. On peut d'ailleurs en retracer quelques uns :
  • 1214 : batailles de Bouvines
  • 1314 : mort de Philippe le Bel
  • 1415 : bataille d'Azincourt
  • 1515 : avènement de François Ier
  • 1610 : mort de Henri IV
  • 1715 : mort de Louis XIV
  • 1815 : chute de Napoléon, Restauration
  • 1914 : début de la première guerre mondiale
Faut-il alors s'attendre à un vrai événement marquant d'ici trois ou quatre ans ?
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